Publié par Abbé Alain René Arbez le 3 décembre 2017

En 1954, huit ans avant le Concile Vatican II, le pape Pie XII donnait son accord pour que la messe catholique puisse être célébrée en hébreu, ainsi que les lectures bibliques.

Alors que le Concile allait en 1962 opérer une révolution linguistique dans la liturgie, par l’acceptation des langues vernaculaires, cette initiative spécifique ouvrait la route d’une refondation des relations judéo-chrétiennes. Le désir d’un retour aux sources se manifestait au plus haut niveau.

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En effet, si au 1er siècle on parlait araméen dans la vie quotidienne entre voisins ou pour faire son marché, on chantait les psaumes en hébreu à la synagogue et lorsque le rabbi Jésus citait l’Ecriture dans son enseignement au temple de Jérusalem, ou même lorsqu’en juif observant il célébrait le seder de la Pâque, il le faisait dans la langue hébraïque de la Tradition.

En 2015, en Israël, les catholiques hébréophones ont fêté le 60ème anniversaire de l’œuvre St Jacques, instituée officiellement par l’Eglise en 1955. Jacques, ou Yaacov, était le premier chef de la Qehila des disciples de Jésus à Jérusalem après la proclamation de sa résurrection au delà de sa mort. L’œuvre St Jacques s’adresse en Israël aux chrétiens d’origine juive, mais aussi aux migrants venus comme travailleurs ou comme réfugiés dans l’Etat hébreu. Il faut savoir que l’Etat d’Israël est le seul et unique état du Moyen Orient où le nombre des chrétiens augmente sans cesse alors qu’il décline spectaculairement partout ailleurs alentour, sous l’impulsion d’un islam offensif.

Le responsable de l’Eglise hébréophone d’Israël est le père David Neuhaus, qui affirme sereinement son identité de juif israélien devenu prêtre. Son mandat pastoral fait suite à celui de l’évêque Jean Baptiste Gourion, lui aussi de famille juive, décédé d’un cancer. Le vicariat hébréophone est rattaché au Patriarcat latin de Jérusalem, et il recouvre les qehilot de Jérusalem, Tel Aviv, Jaffa et Beer-Sheva.

Si la langue de la liturgie et de la catéchèse est l’hébreu, il n’y a de la part des responsables ou des membres des communautés aucune espèce de prosélytisme envers les juifs. Rien à voir avec l’attitude de certains groupements évangéliques (souvent d’origine américaine) qui harcèlent les familles et les jeunes de confession  juive en leur demandant de se convertir à leur Christ. Il y a une réelle estime de la culture juive dans ces qehilot, mais aucun désir de conquête spirituelle ou confessionnelle. Les célébrations se font en hébreu : baroukh ata Adonaï, « béni soit Dieu » c’est ainsi que se rassemblent les participants d’origines multiples : juifs devenus catholiques par cheminement individuel ou issus de foyers mixtes, demandeurs d’asile africains, travailleurs philippins, familles russes venues dans le cadre de transferts des années 80, palestiniens israéliens, etc. Tous parlent hébreu et célèbrent en hébreu. Le Notre Père se récite en version originale « Avinou shebashamaîm »…Et pour les nombreux enfants, la catéchèse biblique est en hébreu également, à partir de livres et documents dans la langue du pays.  Une douzaine de prêtres animent et accompagnent ces 4 communautés numériquement modestes mais sociologiquement très importantes par les liens qu’elles tissent au sein de la société israélienne où coexistent des ethnies, des cultures et des religions dans un cadre démocratique et tolérant.

Parmi les sœurs de Sion, actives dans les qehilot aux côtés des prêtres, plusieurs religieuses s’affirment comme culturellement juives et confessionnellement chrétiennes, à la manière dont le faisait le cardinal Lustiger qui a lui-même beaucoup œuvré au rapprochement, y compris en Israël, dans la discrétion et malgré l’incompréhension.

Cette présence de l’Eglise de langue hébraïque rétablit un équilibre indispensable par rapport aux communautés arabophones qui avaient tendance à se présenter comme seules héritières des premiers apôtres de Jésus. Avec les ambiguïtés que l’on sait autour du « Jésus palestinien » promu par Arafat au temps de sa dawa locale.

Le risque à surmonter est celui d’un clivage entre pro-israéliens et pro-palestiniens, et comme partout dans les contextes politiques locaux tendus, il est parfois difficile d’éviter le manichéisme simplificateur. Les pro-palestiniens considèrent facilement l’hébreu comme la « langue de l’occupant », et dans une sorte d’amnésie liée à l’histoire, ils ont perdu de vue que l’arabe est une langue importée de l’extérieur avec les invasions islamiques, les mêmes qui détruisent par étapes les chrétientés orientales. Certes, l’arabe est une langue officielle en Israël, y compris dans l’expression des églises pour les nombreux rites présents. Or, de leur côté, certains juifs israéliens estiment que la qehila catholique est une concurrence déloyale ; apparemment, les autorités du pays ne s’inquiètent pas outre mesure de l’existence de ces communautés hébréophones qui établissent des ponts et tissent des liens interpersonnels et intercommunautaires à l’intérieur du pays. Bonne chance au travail de mémoire et de prospective de l’œuvre St Jacques et mazel tov à ses membres !

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Abbé Alain René Arbez,

(célébrant en hébreu du Dies Judaïcus annuel à Genève)

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