Publié par Gaia - Dreuz le 4 décembre 2017

Une étude américaine projette le nombre de musulmans en Europe en 2050, mais selon Hervé Le Bras, ce type de projections à long terme n’a aucune valeur scientifique et aucun intérêt…

  • Le Pew Research Center a publié jeudi dernier une étude tablant sur le nombre de musulmans en Europe en 2050.
  • Selon l’étude, la France pourrait compter entre 12 et 18 % de musulmans en 2050.
  • Pour Hervé Le Bras, démographe et historien, les chiffres avancés par ces projections à long terme « ne sont pas fiables et ne servent qu’à alimenter les peurs », reconnaissant implicitement qu’il existe de bonnes raisons d’avoir peur des musulmans.

Y aura-t-il 18 % de musulmans en France en 2050 ? Selon le très sérieux Pew Research Center, qui a publié l’étude projetant le poids de la communauté musulmane en Europe d’ici une trentaine d’années, c’est un scénario possible. Selon les données de ce document – réalisé à partir de trois scénarios d’immigration, zéro, moyenne ou forte —, les musulmans pourraient représenter entre 7,4 % et 14 % de la population européenne à l’horizon 2050, contre 4,9 % en 2016.

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Les musulmans de France, évalués par Pew à 5,7 millions en 2016 (8,8 % de la population), continueraient de former la première communauté musulmane d’Europe dans l’hypothèse d’une « immigration zéro » (8,6 millions, 12,7 %).

  • Ils seraient 12,6 millions (17,4 %) avec le scénario médian,
  • et 13,2 millions (18%) dans l’hypothèse d’une forte immigration. De quoi confirmer la théorie du grand remplacement.

Pour Hervé Le Bras, démographe et historien, directeur de recherche émérite à l’Ined et directeur d’études à l’EHESS, les chiffres avancés par ces projections à long terme « ne sont pas fiables et ne servent qu’à alimenter les peurs ».

Comment sont établies les statistiques religieuses aujourd’hui ?

Ce type de travaux soulève beaucoup de polémiques et de questions.

Tout d’abord, comment définir un musulman ? Pour établir ses enquêtes statistiques, le Pew Research Center considère que sont musulmans tous les immigrés provenant de pays musulmans et ajoute à ces chiffres leurs descendants. C’est une base de départ très fiable et qui repose sur le bon sens, même si des musulmans font des mariages mixtes et qu’on ne peut préjuger dans ce cadre que les enfants nés de ces unions sont tous musulmans. Aucune donnée ne vient l’étayer, mais là encore, le bon sens parle.

20 minutes : Comment définir un musulman ? Avez-vous déjà travaillé à de telles statistiques portant sur leur nombre en France ?

Hervé Le Bras :

J’y ai été contraint il y a environ trois ans, à un moment où, comme aujourd’hui d’ailleurs, le débat sur la question était passionné et abordé à grand renfort de chiffres faux, assénés tant par la gauche de Manuel Valls que par l’extrême droite, qui avançaient un nombre de 6 à 7 millions de musulmans dans l’hexagone.

Dans le cadre d’un ouvrage coécrit avec le sondeur Jérôme Fourquet, La religion dévoilée (éd. Fondation Jean Jaurès), nous avons mené une enquête sur plus de 50.000 répondants, quand une enquête classique porte sur un échantillon de 1.000 ou 2.000 personnes interrogées). Parmi eux, 3 % se sont déclarés comme étant musulmans. Appliqué à l’ensemble de la population, cela permet de déterminer qu’il y aurait environ 2 millions de musulmans en France [NDLR : C’est là que nous ne devez pas rire, le type se ment à lui-même, mais il est très sérieux]. Parmi ces 3 % auto déclarés, 32 % d’entre eux ont indiqué être pratiquants et se rendre au moins une fois par mois dans un lieu de culte. Sur cette base, on peut donc calculer que le nombre de musulmans adultes pratiquants en France n’excède pas 500.000 personnes, soit moins de 1 % de la population française qui pratique l’islam. [MDR]

[NDLR : un rappel des chiffres de l’INSEE s’impose, pour apprécier les déclarations délirantes d’Hervé Le Bras.

Dans son édition 2016 des “Tableaux de l’économie française”, l’INSEE donne les chiffres suivants :

  • Immigrés selon le pays de naissance en 2012 :
    • Algérie 748 000,
    • Maroc : 693 000,
    • Tunisie : 251 000,
    • Turquie : 240 000.
    • Soit, pour ces 4 pays quasi exclusivement musulmans, 1 million 940 immigrés.
  • A cela s’ajoute 778 000 immigrés “d’autres pays d’Afrique” dont une part conséquente (Mali, Sénégal, …) est également musulmane.
  • Et il faut ajouter les enfants et petits enfants]

Finalement, quel est l’intérêt de telles statistiques ?

Ceux qui s’intéressent aux chiffres invraisemblables que l’on peut lire le font toujours pour faire peur. Il y a une peur ambiante de l’immigration, de l’altérité, de la différence. On entend des voix qui prônent l’intégration mais selon le discours ambiant aujourd’hui : musulmans = islamistes = salafistes = djihadistes. Et ce glissement de sens s’opère avec une facilité redoutable et dangereuse. Pour ma part, il s’agissait d’un travail de déconstruction des préjugés.

Dans le cadre de l’enquête du Pew Research Center, qui avance des chiffres pour 2050, quelle est la valeur de telles statistiques à long terme ?

En un mot : aucune. Déjà, s’agissant des projections démographiques classiques, on a tendance à se tromper lorsque l’on se projette à long terme. Prenez les chiffres de l’INSEE : en 1994, l’institut avançait que la France compterait 60 millions d’habitants en 2050. En 2014, l’INSEE tablait ensuite sur une population de 73 millions de Français. En vingt ans, il a revu sa copie considérablement à la hausse, montrant au passage que ses projections étaient complètement fausses.

Je déconseille donc fortement de prêter trop attention aux prévisions à si long terme, parce qu’elles ne sont pas fiables. Scientifiquement, ces travaux n’ont aucune valeur. Il est impossible de prévoir ces données, déjà parce qu’il y a à la base un problème de définition et ensuite parce qu’on ne peut pas prédire le solde migratoire.

Concrètement, ces projections lointaines n’ont aucun intérêt, aucune utilité pratique : cela ne sert pas sur un plan économique ni sur un plan institutionnel : ces données-là, l’Etat ne se fondera pas dessus pour adapter sa politique, c’est tout simplement inutile.

Source : 20minutes.fr

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