Publié par Abbé Alain René Arbez le 13 décembre 2017

Préambule :

L’abbé Alain René Arbez a été choqué d’apprendre par un article de Jforum (1), que des missionnaires ont mis en place une vaste organisation destinée à convertir au christianisme les jeunes juifs d’une petite ville du sud d’Israël, Ashkelon. C’est en découvrant que plusieurs jeunes ont été baptisés sur la plage d’Ashkelon que les pratiques du réseau ont été exposées.

Pour détourner les jeunes de leur religion, les missionnaires, qui ont installé une église dans une maison du centre-ville d’où ils “recrutent” leurs futures victimes, ont appliqué les méthodes des sectes : déconstruction des repères familiers menant au rejet de leurs parents et de leurs familles, lavage de cerveau jusqu’au refus d’aller à l’école qui représente une source de stabilité sociale, mise sous domination destructrice, au point que les jeunes ont menacé de se suicider si leurs parents les empêchaient de rester en contact avec les missionnaires.

Les parents des victimes ont réagi en déposant une plainte au pénal pour infraction à l’article 368A du Code pénal, qui interdit la conversion des mineurs de moins de 18 ans.

Au-delà du délit pénal, il y a le terrible délit moral. Les missionnaires ont pratiqué l’inversion du “tendre l’autre joue si l’on te frappe” en frappant celui qui leur tend la main. Ils frappent Israël pour le remercier d’être le seul pays du Moyen-Orient qui protège les chrétiens et la libre pratique de leur religion.

Voici la réaction de l’abbé Arbez :

Nous ne sommes plus dans les périodes opaques de l’antijudaïsme des siècles passés où l’Eglise, aidée de l’inquisition espagnole, voulait convertir les juifs à sa foi.

Depuis le Concile Vatican II, il y a maintenant une soixantaine d’années, les perspectives sont radicalement autres. L’Eglise a reconnu l’injustice nocive de son comportement antérieur qui reposait plus sur l’idéologie du pouvoir que sur la théologie biblique.

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Le point de départ doctrinal de ce processus de clarification et de rapprochement a été la déclaration « Nostra Aetate » qui a mis fin aux prétentions antérieures d’une substitution d’Israël par l’Eglise et aux accusations mortifères de « déicide ». Seuls les Lefebvristes –refusant les positions de Vatican II et donc indépendants du magistère catholique– demeurent dans cet ancien état d’esprit accusateur et hégémonique. A noter en passant que ces dérives antijudaïques n’avaient jamais atteint le statut de dogme et s’étaient élaborées au cours des siècles par le jeu d’une grave myopie envers l’histoire du salut. Cette posture ecclésiale était le fruit d’une amnésie et d’une autosuffisance culminant dans l’hérésie marcionite.

Qu’en est-il aujourd’hui de l’évangélisation ? Les Juifs sont-ils visés par cette démarche de toute l’institution ? En ce qui concerne l’Eglise catholique, l’attitude officielle est claire.

Si les chrétiens ont une mission d’annonce à remplir dans le monde, c’est par un témoignage dans le total respect de l’autre et non pour restaurer un imperium coercitif. Cette promotion des valeurs de l’évangile a essentiellement pour but de proposer aux mentalités païennes de nos sociétés un chemin d’humanité dans la conversion au Dieu de la Bible. Pousserait-on le paradoxe jusqu’à proposer aux Juifs de découvrir le Dieu d’Israël alors que les fondamentaux de la foi chrétienne ont été reçus du judaïsme?

Le cardinal allemand Walter Kasper déclarait à ce sujet en 2002 :


« Les juifs n’ont pas à devenir chrétiens pour être sauvés. S’ils suivent leur propre conscience et croient dans les promesses de D.ieu comme ils les comprennent dans leur Tradition, ils sont dans la ligne du projet de D.ieu qui, pour nous chrétiens, atteint son achèvement en Jésus ».

C’est là le fruit d’un repositionnement fondamental de l’Eglise catholique et d’une dynamique de rapprochement encouragée depuis des décennies par les papes Jean Paul II et Benoît XVI. Le pape François s’inscrit dans la même perspective et il professe le même désir de communion avec le judaïsme.

Benoît XVI appuyait sa réflexion sur le fait que, dans ses discours eschatologiques, Jésus précise bien que la fin des temps et la gloire de tout Israël seraient précédées par la prédication du Règne de Dieu aux païens. Il appuie cette priorité en citant St Bernard de Clairvaux qui formule cette urgence au pape Eugène III. Benoît XVI cite également Hildegarde Brem, mère abbesse de Mariastern en Autriche : « L’Eglise n’a pas à se préoccuper d’une conversion des Juifs ! Il faut qu’ait d’abord lieu l’entrée de la totalité des païens dans le Royaume de Dieu ». Le pape ajoute : « Les Juifs eux-mêmes sont une prédication vivante vers laquelle l’Eglise doit orienter les esprits ».

Le successeur du cardinal Kasper au dicastère romain pour l’unité des chrétiens et les relations avec les juifs est le cardinal suisse Kurt Koch. Récemment il reprenait ces éléments éclairants dans une interview à AED (Aide à l’Eglise en détresse). Le cardinal Koch évoquait « la légitimité théologique du peuple d’Israël à vivre sur sa terre » et il rappelle avec les mots de Nostra Aetate que « les Juifs restent, à cause de leurs pères, très chers à Dieu, dont les dons et l’appel sont irrévocables »(Epître de Paul aux Romains). C’est pourquoi dit-il, « l’Eglise ne se donne aucune mission d’évangélisation à l’égard des Juifs, au contraire de certains groupes évangéliques aux méthodes invasives».

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Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, pour Dreuz.info.

(1) http://www.jforum.fr/ashkelon-des-adolescents-baptises-sur-une-plage-de-la-ville.html

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