Publié par Ftouh Souhail le 19 janvier 2018


Le Maroc vient de perdre une nouvelle bataille juridique en rapport avec le Sahara occidental.

L’accord de pêche conclu entre l’UE et le Maroc est invalide en raison de son application au Sahara occidental et à ses eaux territoriales occupées, selon les conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). 

Dans un avis rendu public le 10 janvier 2018, devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), l’avocat général Melchior Wathelet a affirmé que l’Union européenne, qui exploite les eaux au large du Sahara pour ses activités de pêche, “ne respecte pas le droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination“.

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En concluant cet accord, l’Union (européenne) a violé son obligation de respecter le droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination ainsi que de ne pas reconnaître une situation illicite découlant de sa violation et n’a pas mis en place les garanties nécessaires pour assurer que l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental se fasse au bénéfice du peuple de ce territoire“, peut-on lire dans les conclusions de l’avocat de la Cour européenne.

Les conclusions de Wathelet n’auront d’effet juridique sur les accords Maroc-UE qu’après approbation de la CJUE. Les juges de la Cour vont délibérer, et un arrêt devrait être rendu en mai 2018.

Dans cette affaire, la Cour a été appelée à se prononcer à la demande d’un tribunal britannique ayant sollicité son avis juridique après avoir été lui-même saisi par une association pro Polisario, Campagne Western Sahara (WSC), qui contestait l’application par le Royaume-Uni de l’accord de pêche avec le Maroc.

En 2013, l’UE signait un accord avec le Maroc autorisant les bateaux de pêche européens– la plupart espagnols– à œuvrer dans les eaux du Sahara occidental, actuellement sous occupation marocaine.

Un an plus tard, le Front Polisario lançait un recours pour demander l’annulation de l’accord.

Craignant une issue semblable à l’arrêt rendu le 21 décembre 2016 par la CJUE qui a conclu que les accords d’association et de libéralisation UE-Maroc ne s’appliquent pas au Sahara occidental, le gouvernement marocain a adopté, en juillet 2017, deux projets de loi visant à redéfinir le domaine maritime du Royaume, procédant ainsi à une annexion unilatérale de la mer du Sahara occidental afin de s’assurer de garder la main mise sur les ressources halieutiques sahraouies.

Mais aujourd’hui, selon les conclusions de l’avocat général de la CJUE, l’accord de pêche conclu entre l’UE et le Maroc est invalidé en raison de son application au Sahara occidental et à ses eaux territoriales. Aussi a-t-il estimé qu’«en concluant cet accord, l’Union a violé son obligation de respecter le droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination».

Le Maroc menace d’utiliser la question de l’immigration comme un moyen de pression et de chantage exercé contre les Européens 

Rabat réagit toujours de la même manière lorsqu’il perd un bras de fer en rapport avec le Sahara occidental.

Aussitôt le contenu du rapport de Melchior Wathelet connu, Mohammed VI s’est empressé de faire comprendre à ses «partenaires européens» que cela pourrait mal se passer dans le cas où Bruxelles venait à prendre en ligne de compte le point de vue de la CJUE et entreprenait une révision de l’accord UE-Maroc allant dans le sens souhaité par Melchior Wathelet.

Il a clairement suggéré qu’il pourrait être aussi amené à revoir considérablement à la baisse les efforts du Maroc en matière de lutte contre l’immigration clandestine et la drogue. Dit autrement, Mohammed VI menace tout simplement les Européens de laisser grandes ouvertes ses frontières et d’inonder l’Europe en drogue et en migrants clandestins.

Le haschich, qui est le produit phare des Marocains, ainsi que la question des migrants subsahariens ont toujours été des instruments de chantage du Royaume sur les pays européens.

C’est ce même instrument de chantage que Mohammed VI avait utilisé, en février 2017, pour contraindre l’Union européenne (UE) à ne pas appliquer les décisions de cette même Cour de justice concernant l’accord agricole UE-Maroc. Les autorités marocaines avaient laissé passer des tonnes de drogue et plusieurs centaines de migrants africains dans l’enclave espagnole de Ceuta, pour faire pression sur l’Union européenne.

A rappeler que la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, l’an dernier, d’exclure le Sahara occidental de cet accord agricole avait aussi suscité des menaces implicites de Rabat.

«Comment voulez-vous que nous fassions le travail de bloquer l’émigration africaine si aujourd’hui l’Europe ne veut pas travailler avec nous», avait lancé le ministre de l’Agriculture marocain, Aziz Akhannouch, réputé proche du roi Mohammed VI, lors d’une interview accordée à l’agence de presse espagnole, EFE le 6 février 2017.

Pillage marocain des ressources qui appartiennent au peuple sahraoui

Le Front Polisario a appelé, par la voix de son coordinateur avec les Nations unies, Mohammed Khaddad, toutes les instances de l’Union européenne «à pleinement considérer la force des principes dégagés par la justice européenne», suite aux conclusions de l’avocat général près de la CJUE à propos de l’accord de pêche conclu entre l’Union européenne et le Maroc.

«Tout choix politique qui n’intégrerait pas ces principes est voué à l’échec et prolonge de manière inconsidérée la souffrance du peuple sahraoui», a affirmé Khaddad.

Le Front Polisario a réitéré la demande d’ouverture de discussions directes et sans préalable pour rétablir les droits du peuple sahraoui sur ses ressources naturelles, soulignant que les décisions ouvertement illégales prises par le Conseil et la Commission européenne engagent leur responsabilité sur le plan juridique, historique et moral.

A ce titre, le Polisario a lancé un appel «solennel» à l’ensemble des entreprises européennes présentes au Sahara occidental et dans les eaux adjacentes.

«En l’état actuel, elles développent leurs activités dans l’illégalité, comme le rappelle l’avocat général, et elles ont désormais clairement l’obligation de se conformer à ces décisions de justice. Ces entreprises doivent se rapprocher de la délégation du Front Polisario à Bruxelles pour régulariser leur situation», note l’instance dirigeante sahraouie.

Pour les Sahraouis, ces avancées judiciaires doivent être l’occasion de relancer le processus de décolonisation du Sahara occidental sous l’égide de l’ONU, bloqué depuis des années par l’intransigeance du Maroc.

Rabat a délibérément refusé aux Sahraouis le contrôle de leurs ressources et prépare sans retenue le terrain pour une domination complète, s’octroyant des outils supplémentaires pour exercer son hégémonie sur la population et les territoires sous occupation.

Une ONG britannique, Western Sahara Campaign, a également fait état d’une utilisation illégale de ces ressources dans sa dernière publication «Analysis» qui revient sur la situation des droits de l’homme au Sahara occidental.

Les ressources terrestres et maritimes du Sahara occidental ne sont pas rares –elles comprennent le phosphate, le fer, le cuivre, l’uranium (3 millions de tonnes potentielles), l’ammoniac, le plomb, le ciment, le gypse, le méthanol, le nitrate, le sable de silice, le sulfure, le zinc, l’hélium, la calcite, l’argile, le métal argenté, le marbre, la pouzzolane et bien sûr tous les produits de la pêche.

Le Maroc empêche totalement les Sahraouis d’accéder à ces ressources.

De plus, le Maroc, puissance à la fois occupante tout en dénonçant “l’occupation” israélienne, a l’obligation en vertu du droit international humanitaire d’assurer la dignité et le bien-être de la population sous son contrôle. Cela inclut les obligations relatives à la fourniture et l’accès à l’aide humanitaire et aux services de base, y compris l’eau et son assainissement.

Mais Rabat ne fait rien pour assurer ces besoins fondamentaux… Ses politiques discriminatoires de gestion de l’eau prouvent aussi que l’eau est également exploitée comme un outil pour dominer les Sahraouis, imposer son pouvoir d’occupant, et punir une population entière en privant délibérément ses habitants du plus élémentaire de leurs droits.

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