Publié par Jean-Patrick Grumberg le 16 février 2018

Le conseiller spécial Robert Mueller vient de mettre en accusation 13 ressortissants russes et trois sociétés russes soupçonnés d’avoir décidé en 2014 d’interférer dans les élections de 2016, soit 13 mois avant que Trump ne déclare sa candidature, en réponse aux sanctions imposées par Obama.

Les opérations de la pépinière de trolls, composée d’environ 50 personnes au “département américain”, visaient à semer la discorde dans le processus politique américain, explique le dossier d’accusation (ci-dessous), et non à faire élire Donald Trump, car elles ont commencé en 2014. De plus, elles ciblaient tous les candidats.

Le budget du projet dépassait 73 millions de roubles russes, soit environ 1,2 million de dollars par mois.

” Nous n’avions aucun objectif de soutient de Trump”, a déclaré à RBC un employé de la ferme de Trolls, confirmant le dossier d’accusation de Mueller, qui ajoute que ses ordres étaient de “découvrir et de mettre en lumière les problèmes existants et les questions sociales aux États-Unis.”

Cependant, il semble qu’au fil du temps, selon des messages publiés dans l’acte d’accusation, les opérations se soient déplacées pour dénigrer tantôt Hillary Clinton, tantôt Marco Rubio et Ted Cruz, pour soutenir Jill Stein et Bernie Sanders et même dénigrer Donald Trump.

Dreuz a besoin de votre soutien financier. Cliquez sur : Paypal.Dreuz, et indiquez le montant de votre contribution.

  • Les Russes mis en accusation ont exploité des comptes de médias sociaux pro et anti-Trump,
  • Des comptes ont également été utilisés pour soutenir le candidat démocrate Bernie Sanders et la candidate du parti Vert Jill Stein.
  • Le gouvernement russe avait pour objectif stratégique de “semer la discorde dans le système politique américain, y compris l’élection présidentielle de 2016”, peut-on lire dans l’acte d’accusation.
  • Le document révèle également les activités menées par les Russes pour organiser des manifestations, fabriquer des audiences couvrant l’ensemble du spectre politique sur les médias sociaux, et financer des faux événements politiques.

Selon Mueller, le gouvernement russe a créé une agence sous le nom de “projet Lakhta”, qui “se concentrait sur la population américaine et menait des opérations sur les plateformes de médias sociaux, y compris Facebook, Twitter, Instagram et YouTube”, ajoutant que l’objectif stratégique d’interférer dans les élections américaines de 2016 a été élaboré dès le mois de mai 2014.

L’objectif déclaré était de répandre “la méfiance envers les candidats et dans le système politique en général”. Pari 100% réussi.

D’après les informations dont Dreuz a eu connaissance, la ferme de trolls comptait plus de 6 millions d’abonnés à 120 groupes créés par la fabrique de trolls.

  • Un groupe de droite “Cœur du Texas” avait 254 membres,
  • Un groupe religieux “Musulmans unis d’Amérique” en avait 330 membres,
  • Et le groupe d’activistes racistes “Blacktivist” figurait parmi les nombreux faux comptes.

Les trolls ont également organisé de faux événements Facebook, comme une distribution gratuite de Hot dog à Manhattan, ainsi qu’une quarantaine de rassemblements politiques en se faisant passer pour des sponsors américains en recrutant des militants.

2014 a été une année noire dans les relations américano-russes suite à la décision du président Vladimir Poutine d’occuper et d’annexer la Crimée. Cette année-là, les Etats-Unis et l’UE ont imposé des sanctions dévastatrices à l’économie russe.

Le 6 mars 2014, Barack Obama signait un décret imposant des sanctions à la Russie.

Un mois plus tard, les Russes décidaient de s’attaquer aux élections américaines.

Toutefois, l’acte d’accusation de Robert Mueller n’allègue pas que les activistes russes ont aucunement réussi à modifier le résultat des élections de 2016, et il précise qu’aucun Américain n’a participé à cette opération.

  • Le numéro deux du département de la Justice Rod Rosenstein, qui supervise Robert Mueller puisque le secrétaire d’Etat à la Justice Jeff Sessions s’est récusé dans le dossier russe, a précisé “qu’il n’y a aucune allégation dans l’acte d’accusation selon laquelle des Américains auraient eu connaissance de l’opération.”
  • Les individus et les entités sont associés à l’Internet Research Agency, une ferme de troll russe située à Saint-Pétersbourg, qui a acheté l’an dernier pour 100 000 dollars de publicités politiques sur Facebook avant les élections. La plate-forme des médias sociaux avait déclaré au Congrès que les publicités étaient conçues pour semer la discorde et exciter les divisions politiques et sociales aux États-Unis. Elles auraient potentiellement atteint 126 millions d’utilisateurs américains.
  • Twitter a également détecté quelque 3 800 faux comptes, et 50 000 robots liés à l’opération.

Les Russes impliqués sont accusés de “complot en vue de frauder les États-Unis” ; trois d’entre-eux font également face à l’accusation de “complot en vue de commettre une fraude électronique et une fraude bancaire” ; et cinq sont accusés de “vol d’identité aggravée”.

Ces derniers ont volé des numéros de sécurité sociale, les adresses de domiciles et les dates de naissance de six Américains pour ouvrir des comptes bancaires et PayPal et obtenir de faux documents gouvernementaux entre juin 2016 et mai 2017, précise l’acte d’accusation.

Ils ont ouvert quatre comptes dans une banque américaine avec les identités volées de quatre personnes américaines. Ils ont également acheté en ligne plus d’une douzaine de numéros de comptes bancaires dans cinq banques américaines pour échapper aux mesures de sécurité de PayPal.

Yevgeniy Viktorovich Prigozhin propriétaire d’Internet Research Agency

L’un d’entre eux, Yevgeniy Viktorovich Prigozhin, connu sous le diminutif de “cuisinier de Poutine” a un passé sulfureux, et plusieurs journalistes qui ont enquêté sur lui ont soit reçu des menaces, soit ont disparu. En 1979, il a été condamné pour fraude, vol, implication dans un réseau de prostitution d’enfants, et a passé 9 ans en prison. A sa sortie, il a ouvert une chaîne de restaurants, puis a rencontré Vladimir Poutine, et il est devenu très actif dans la promotion immobilière et les médias. Il est soupçonné d’être derrière les “fermes de trolls” lesquelles ont initialement ciblé les opposants politiques de Poutine.

Puis en 2012, Prigozhin devient fournisseur de l’armée russe, et il acquiert des exploitations de pétrole en Syrie.

Prigozhin a déclaré vendredi à l’agence de presse d’État russe RIA Novosti qu’il n’est “absolument pas dérangé” par l’acte d’accusation de Mueller. ” Les Américains sont des gens vraiment impressionnables, ils voient ce qu’ils veulent voir” a dit encore Prigozhin. ” Je les respecte beaucoup. S’ils veulent voir le diable, qu’ils le voient.”

Deux des accusés, Aleksandra Krylova et Anna Bogacheva, se sont rendus aux États-Unis durant l’été 2014 pour “recueillir des renseignements” aux fins du projet, selon l’acte d’accusation.

Mueller a également annoncé ce vendredi que Richard Pinedo, de Californie, a plaidé coupable de fraude pour avoir vendu des numéros de compte bancaire au travers de la société, «Auction Essistance», à des clients qui incluent des ressortissants étrangers utilisant de fausses identités. Il n’est pas spécifié si la vente des numéros de compte a été faite aux ressortissants russes.

Le président américain vient de réagir aux révélations explosives de l’enquêteur Mueller en précisant que :

“La Russie a commencé sa campagne anti-américaine en 2014, longtemps avant que j’annonce que je me présenterais à la présidence. Les résultats des élections n’ont pas été affectés. La campagne Trump n’a rien fait de mal – pas de collusion !”

Conclusion

L’acte d’accusation de 37 pages de Mueller complique sérieusement le narratif selon lequel Donald Trump s’est allié aux Russes pour voler l’élection présidentielle. Ne serait-ce que du fait que l’opération a commencé en 2014, un mois après les sanctions imposées par Obama.

“Le principal objectif de la conspiration des Russes”, dit l’acte d’accusation de Mueller, était de “semer la méfiance à l’égard des candidats et du système politique en général”, et pas nécessairement d’installer Trump dans le Bureau ovale, comme l’ont affirmé les Démocrates.

De plus, l’acte d’accusation dresse un tableau d’une campagne d’influence russe bien plus nuancée et large que celle que les Démocrates et les Républicains ont tenté de caractériser pour appuyer leurs objectifs partisans.

D’ailleurs Mueller ne parle pas, dans son acte d’accusation, de collusion entre la campagne Trump et la Russie.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

Mueller indictment 2/16/2018 by acohnthehill on Scribd

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous

En savoir plus sur Dreuz.info

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading