Yad Vashem a mis à l’honneur – à titre posthume – la figure d’un juste, un homme de bien : Max Arbez, toujours bien présent dans le cœur de ses amis, de ses fils et de ses filles, et de ses petits enfants.
Il a été, avec son épouse Angèle, l’artisan d’actes de courage durant la seconde guerre mondiale. Tout s’est passé au hameau de La Cure – St Cergue, (VD) à 1150 m. d’altitude, dans cette belle région de la Vallée de Joux dominée par les monts du Jura vaudois, le Noirmont, la Dôle. Max est né en 1901 et il est décédé en 1992.
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Qu’est-ce qui – mises à part ses convictions religieuses profondes – a favorisé l’engagement de Max Arbez désireux d’aider juifs et résistants, lui qui pouvait rester tranquillement à l’abri chez lui, en Suisse ? Qu’est-ce qui l’a incité à poser des actes de grand humanisme, allant jusqu’à mettre en danger sa propre vie et celles des siens ?
Il se trouve que son père, Jules Arbez, avait repris à la fin du 19ème siècle une grande maison située à cheval sur la frontière entre la Suisse et la France, à La Cure, sur une enclave territoriale à la fois sur le canton de Vaud et le département du Jura. Le bâtiment avait antérieurement appartenu à une famille protestante, les Ponthus, lors du traité des Dappes en 1862. C’est cette maison binationale devenue Hôtel Arbez Franco-Suisse qui par sa position particulière permit à Max Arbez de faire passer discrètement de France occupée en Suisse un nombre impressionnant de résistants et surtout de juifs poursuivis par les SS.
Max Arbez, avec l’aide précieuse de son épouse Angèle, s’est organisé tout en prenant de grands risques, pour faire passer en Suisse des personnes et des familles entières, menacées parce que juives, durant les sombres années de guerre. Chaque mois il accompagnait par les combes et les monts du Jura vaudois des fugitifs, dont l’un, alors enfant, devint même par la suite Ambassadeur d’Israël en Suisse dans les années 90. Durant ces années de conflit, ce sont certainement quelques centaines de personnes juives, seules ou en groupe familial, auxquelles Max a permis de franchir le sas de la liberté par l’intérieur de sa maison. A plusieurs reprises, les balles des SS en rage lui ont sifflé aux oreilles dans la partie française de la salle de l’Hôtel Arbez, mais grâce à l’escalier intérieur, les fugitifs avaient déjà fait le pas décisif, juste à temps, et ils se trouvaient désormais en Suisse, protégés par les statut helvétique de l’hôtel! Max connaissait les douaniers de part et d’autre et il évitait soigneusement ceux qui par idéologie seraient réfractaires aux gestes de sauvetage et donc tentés de refouler vers la France les personnes en fuite, avec l’énorme risque d’arrestation, puis d’acheminement vers les camps de la mort.
Max Arbez, animé d’une constante détermination au cours des années où planait sur les juifs la menace de la solution finale, a été toujours d’une grande humilité et d’une totale discrétion. Il n’a évidemment jamais tiré le moindre avantage financier de ces transbordements périlleux, et il n’a jamais recherché une quelconque gloriole personnelle. De son vivant, il estimait comme normal ce qu’il avait réalisé et n’a jamais voulu de manifestation officielle en son honneur.
Max était en parfaite adéquation avec l’adage hébraïque qui estime que l’acte le plus haut en valeur est celui qui est accompli discrètement sans la moindre attente de récompense ou de reconnaissance. Ce sont par conséquent plusieurs familles rescapées, en particulier les familles Lande et Blot, qui ont oeuvré pour que ces actes ne tombent pas dans l’oubli et pour que Max Arbez reçoive à titre posthume la distinction de Juste parmi les Nations décernée par l’Institut Yad Vashem de Jérusalem.
Ce titre riche de sens humaniste et spirituel a été remis sur la base de témoignages concordants de survivants, en écho à cette période tourmentée où le fait d’aider des juifs à se cacher ou à s’exfiltrer de France occupée était considéré comme un crime punissable de mort par les nazis. L’Etat d’Israël confère aux Justes parmi les nations la citoyenneté commémorative en reconnaissance de leurs actes courageux.
Max aimait à raconter à ses proches et à ses amis ces moments d’intense émotion lorsqu’avec toute sa logistique il allait en France, par n’importe quel temps, à la rencontre des personnes signalées par ses contacts et qu’il attendait avec empathie, sans les connaître, pour les acheminer vers la Suisse en bravant les imprévus les plus divers.
Honorer Max Arbez pour ses actions de sauvetage de familles juives en péril, ce n’est pas seulement évoquer une personne de foi judéo-chrétienne et humaniste qui, comme d’autres, a su dire non à la barbarie, c’est rappeler aux jeunes générations la vigilance indispensable pour que ne se propagent pas de nouveau l’antisémitisme et les ravages qui en résultent.
Le Grand Rabbin Safran de Genève (z’l’), me dédicaçant son livre intitulé « juifs et chrétiens, la Shoah en héritage », me disait que les Justes parmi les Nations, des hommes tels que Max Arbez, sont, dans la mémoire souffrante des Juifs, comme une lueur d’humanité qui remonte des abîmes et fait signe vers l’avenir.
En évoquant le courage de Max Arbez à la demande insistante des familles survivantes, une flamme invisible brille dans les consciences de ce début de 21ème siècle, espérons qu’elle éclairera des chemins de sagesse et d’engagement pour les jeunes générations.
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Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, Commission judéo-catholique des évêques suisses, pour Dreuz.info.
un tsadik
Merci pour cet article.
Honneur à ce Tsadik.
Merci Monsieur l’abbé Arbez pour cet hommage à Max Arbez et surtout de nous l’avoir fait connaître.
Je passe régulièrement par la vallée de Joux et j’aurais une pensée pour lui maintenant à chaque fois. Le paysage que je traverserai s’enrichira de ses faits historiques qui rendent foi en l’homme et nous rend personnellement meilleur.
Ainsi, il y a des antécédents familiaux à votre vocation issue (sans relancer de polémique) d’un baptême précoce… 🙂 Vous pouvez leur en rendre grâce d’être « prochain » de père en fils!
Je commençais à trouver que vous vous faisiez rare…
Heureux de vous retrouver dans la présentation d’un membre exemplaire de votre famille, et au plaisir de vous lire.
« Je bénirai ceux qui vous bénissent, a dit YHWH aux enfants d’Israël, mais je maudirai ceux qui vous maudissent… »!
Le père de Corrie Ten Boom était d’une grande tristesse en pensant à ceux qui allaient les envoyer en camp de la mort, les soldats allemands. Devant l’étonnement de ceux qui l’écoutaient, il leur dit en citant le prophète Zacharie: » car celui qui vous touche, touche la prunelle de mon œil. » Un jour terrible de comparaitre pour ceux là!
La photo est terrible. C est celle qui a permis de découvrir les travaux du Père Desbois sur la Shoa par balle soit 1.5 milliom de plus que les 6 millions que l’on savait des camps. Merci à l’Abbé Arbez pour cet article et aux Chrétiens qui ont agi comme Max
Achem bénit la famille Arbez justes parmi les justes
Celui qui bénit ISRAËL sera bénit à vie.
Merci de nous avoir fait connaître l’action de votre père cher Abbé Arbez . J’espère que d’autres personnes qui ont risqué ou payé de leur vie pour sauver des Juifs dont on ignore malheureusement leurs noms, pourront être trouvés et reconnus officiellement
comme « Justes » parmi les nations.
Merci encore à vous qui, par vos explications sur le judaïsme, faites comprendre cette religion aux non-juifs et à les rapprocher spirituellement.
Le meilleur moyen pour rendre hommage a un homme de bien c’est de boire un coup de vodka a sa santé, j’y vais de ce pas
dans le cas présent, je vous recommande l’eau de vie de gentiane!
Monsieur l’ Abbé
Merci pour votre conseil, je ne connais pas cette eau de vie mais à l’occasion je la gouterais volontiers.
Pour le reste, comme on dit chacun sa religion et ses croyances aussi j’en resterais à la vodka, d’ailleurs vous arrivez trop tard j’ai déjà rendu hommage à votre parent.
Merci à lui et qu’il reste dans la mémoire de l’humanité pour l’éternité.
Monsieur l’abbé, vos antécédents familiaux me font mieux comprendre votre engagement aux côtés des Juifs et d’Israël que votre position religieuse…
c’est fifty-fifty!
Abbe ARBEZ Merci pour les deux fifty, et pour vous meme. Votre presence sur Dreuz dit tout.
Très belle histoire. Merci de l’avoir partagée Mr l’abbé.
L’hôtel existe t il toujours ?
Nous passons aussi souvent par cette frontière.
Merci à cet homme, Max Arbez, et merci de nous apporter, par le rappel de ces faits de bravoure et de générosité, un peu de lumière dans notre quotidien.
this photograph has haunted me for twenty years since i first discovered it in Daniel Goldhagen’s book ‘hitler’s willing executioners’ which is painful but absolutely necessary reading,
« une flamme invisible brille dans les consciences de ce début de 21ème siècle, espérons qu’elle éclairera des chemins de sagesse et d’engagement pour les jeunes générations. »
Père Arbez, je ne partage hélas pas votre espoir.
Les jeunes sont maintenant éduqués dans l’absence de spiritualité, dans un pays qui se veut laïc et fait la chasse à tout prosélytisme religieux, sauf celui qui nous pourrit la vie au quotidien.
Le cerveau de nos jeunes est lavé au gender, au multiculturalisme obligé et à la société d’ultra consommation.
Il y a un travail d’information, de mémoire, et de conscientisation à faire auprès des jeunes et des moins jeunes…
J’ai eu moi-même l’opportunité de donner – en l’an 2000 à Jérusalem et dans le cadre de Yad Vashem – des exposés sur l’antijudaïsme chrétien et sur le silence de l’Eglise.
Max Arbez Bravo , comme mes Grands parents qui viennent également de recevoir cette distinction au mois de novembre par la fondation Yad Vashem !
Si vous saviez quelle émotion je peux ressentir en lisant cet article….Je suis résigné devant la violence du monde, mais la transcendance de certains êtres me bouleverse. J’aimerais tellement qu’ils représentent l’humanité à venir.
Je n’ai rien contre les footballeurs professionnels qui font la Une des journaux et qui suscitent l’admiration, à mon avis démesurée, de leurs supporteurs, mais quand on sait les risques encourus par des illustres inconnus qui parvinrent à soustraire des familles juives des griffes acérées des nazies, j’ai le sentiment que les Justes ne sont pas honorés à leur juste valeur.
Inutile d’ajouter que je m’associe pleinement à tous les commentaires postés.
Merci pour cet émouvant billet, Abbé Arbez, et surtout merci pour votre père Max Arbez. Que son nom et son action restent gravés dans les mémoires.
MAX ARBEZ..Z »L
Guibor Am Israel..
Héros du Peuple Juif..
Ta Mémoire sera toujours éternelle à Jérusalem, en Terre Sainte, dans les coeurs du Peuple Juif..
AMEN !
@Monsieur l’Abbé René ARBEZ, c’est avec une certaine émotion que je viens de découvrir en lisant votre biographie que vous êtes le fils de Max ARBEZ , cité au Mémorial de Yad Vachem en Israël en tant que « Juste parmi les Nations » pour avoir sauvé de nombreux Juifs pendant la guerre en les faisant entrer en territoire Suisse grâce à son hôtel situé sur la frontière Franco-Suisse.
L’hérédité joue un grand rôle et si le Créateur en a décidé ainsi, c’est qu’il vous a choisi pour succéder à ce Héros que fut votre père en continuant son oeuvre que vous remplissez parfaitement grâce à votre talent et vos qualités morales exceptionnelles reconnues par tous ceux qui ont le privilège de lire vos écrits remplis de sagesse.