Publié par Jean-Patrick Grumberg le 4 mars 2018

Lors d’une conférence donnée en Argentine début 2017 (YouTube.com), Michel Houellebecq explique que pour les médias, pour Le Monde qu’il décrit comme l’organe central du politiquement correct, les intellectuels français sont passés à droite.

“Concernant les principaux accusés, il faut voir ce qu’ils ont vraiment dit en termes de positionnement politique”, dit Houellebecq.

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Il ajoute :

“Michel Onfray se proclame toujours de gauche. La gauche actuelle ne correspond absolument pas à sa vision de la gauche, ni sous sa forme gouvernementale ni pour les partis d’extrême gauche opposés à la gauche gouvernementale. 

Le virage a droite n’est donc pas si net. A mon avis, ils [les intellectuels accusés par les médias] ont abandonné la gauche sans rejoindre la droite”.

C’est un débat intéressant. Que je n’ai pas tranché. Qui décide ce que nous sommes ? Nous, ou ceux qui n’aiment pas nos opinions ? Pour Michel Houellebecq, ce que les gens disent d’eux-mêmes semble plus important que ce que l’on dit d’eux. Mais une personne qui tient des propos antisémites ou racistes clamera forcément qu’elle ne l’est pas. Qui décide ?

  • Par ses prises de position sur l’immigration, sur l’islam et le naufrage du bateau France, beaucoup à droite voient en Michel Onfray un des leurs. Lui se dit à gauche, comme le rappelle Houellebecq.
  • Je n’ai pas d’opinions politiques. D’ailleurs je n’aime pas la politique. J’ai mon bon sens comme guide et l’être humain comme préoccupation. Il n’empêche, je suis classé comme une taupe de la gauche par les Fillonnistes, à l’extrême droite par les journalistes, et Macroniste par l’extrême droite.
  • Dreuz.info est un média conservateur au sens américain du terme : il est donc, et évidemment, totalement opposé aux thèses du Front national, qui défend l’idée d’un gouvernement fort, centralisé et dirigiste, et viscéralement hostile à la vision économique socialiste de Marine Le Pen, sa dirigeante. Pourtant, Dreuz.info est classé “fachosphère”.

Alors ? Qui décide ? J’ai posé la question à Michel Onfray. Parce qu’il est cité par Houellebecq, parce que je ne partage pas ses idées (selon moi, sur le libéralisme, il se trompe d’un bout à l’autre), et parce qu’il est à mes yeux un homme honnête et droit :

Jean-Patrick Grumberg : Est-on ce qu’on dit être, ou ce que les autres disent que vous êtes ? Si l’on vous classe à droite, et que vous affirmez être de gauche, qui a raison et pourquoi ?

Michel Onfray : Je me moque de ce que disent de moi les journaux qui, schizophrènes comme dans un cas d’école, disent qu’ils sont de gauche tout en défendant aujourd’hui le programme économique et libéral que Valery Giscard d’Estaing portait en 1974 ! Libération, Le Monde, l’Obs, mais aussi France-Inter et autres médias dominants ont intérêt à vouloir que je sois devenu un homme de droite puisque je suis resté fidèle à une gauche qu’eux ont trahie en 1983 en épousant non pas le « tournant de la rigueur » comme il est dit mais la contre-révolution libérale qu’ils ont soutenue, justifiée, légitimée ! Souvenons-nous en effet de Libération faisant sa « Une » avec un Yves Montand, revenu du stalinisme, qui affirmait : « Vive la Crise ! ». Cet Yves Montand paradait chez Anne Sinclair en se faisant d’ailleurs grassement payer pour ça et se faisait alors encenser par BHL, Minc, Attali, Glucskmann, Foucault – et les socialistes mitterrandiens…

Pour éviter de dire qu’ils ont changé et qu’ils se sont droitisés, ces médias qui font l’éloge du libéralisme pour les pauvres mais ne survivent que subventionnés par l’Etat, donc par l’argent du contribuable, ont intérêt à dire de moi qui n’ai pas changé que je me suis droitisé… Le socialisme libertaire est ma ligne de conduite depuis que j’ai découvert Proudhon quand j’avais dix-sept ans… Je ne suis pas devenu, moi, un parangon du libéralisme en me prétendant tout de même de gauche après avoir eu une jeunesse léniniste, trotskiste, maoïste, castriste ou stalinienne… Je n’ai rien à me faire pardonner au contraire d’eux…

Houellebecq dit qu’Eric Zemmour, Alain Finkielkraut et lui-même ont été étiquetés comme “réactionnaires” par les médias (en réalité parce qu’il leur est reproché de ne plus être de gauche), et que Finkielkraut s’en est dit ravi.

Je ne souhaite pas restaurer un ordre ancien, ce qui définit étymologiquement le réactionnaire, mais je veux défendre un progressisme humaniste qui refuse le libéralisme – le libéralisme étant pour moi le régime dans lequel le marché, donc l’argent, fait la loi. Le libéralisme est, permettez-moi le néologisme, un progressisme inhumaniste. Je défendais cette ligne il y a quarante ans, elle est toujours la mienne. Je ne crois pas, par exemple, que la location des utérus de femmes pauvres par des bobos riches soit un progrès humaniste, ni même la fabrication d’enfants sur mesure. Penser d’abord, pour prendre leur parti, aux femmes qui n’ont pas d’autres moyens pour vivre que de louer leur ventre ou aux enfants qui ont été voulus par des acheteurs sur catalogue, c’est pour moi faire preuve de progressisme humaniste. Il n’y a rien de réactionnaire à préférer l’homme à l’argent…

Ma troisième question : quel est selon vous le bénéfice pour soi d’être classé dans une petite boîte avec une étiquette dessus ?

Je me moque absolument des étiquettes collées par des gens qui souffrent de ce tropisme : la philatélie ou l’entomologie répondrait mieux aux exigences de leur pathologie…

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Reproduction autorisée avec la mention suivante : propos recueillis par Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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