Publié par Ftouh Souhail le 8 mars 2018

Les autorités turques ont arrêté et incarcéré plus de 17000 femmes depuis 15 juillet 2016 ont indiqués  des  militantes des Droits de l’Homme, à l’occasion de la Journée internationale des Droits de la femme du 8 mars 2018. Les arrestations de femmes ont atteint des niveaux record lors de la tentative de coup d’État de 2016 souligne une ONG, Ankara Women’s Platform (AWP), relevant que les autorités d’Ankara ont procédé à l’arrestation de 164 femmes kurdes l’année dernière.

Des milliers de femmes et de filles en Turquie ont vécu cette année la Journée internationale de la femme dans les prisons du régime. Parmi elles, des femmes enceintes et des mères incarcérées avec leur enfant.

En 2017, 264 femmes kurdes de Turquie ont été arrêtées par les forces turques contre 357 en 2016, ajoute la même source, notant que 2621 femmes kurdes croupissent aujourd’hui dans les prisons turques dont 73 mineures, 25 blessées et 419 mères. Les prisonnières kurdes ont fait l’objet de maltraitances pendant leur arrestation et leur détention dans les geôles turques, soulignent les défenseurs des droits de l’Homme.

Les Turcs utilisent les mêmes méthodes de torture sur les femmes que sur les hommes, leur infligeant privation de sommeil, refus de nourriture et d’eau, refus d’une hygiène de base et accès aux toilettes. Elles sont également soumis à du harcèlement sexuel et à des positions douloureuses et générant du stress.

Sur les 17 000 femmes emprisonnées, le gouvernement turc emprisonne, selon des sources européennes, au total plus que 668 bébés et enfants si on inclut les femmes turques et les kurdes. Et 23 pour cent de ces enfants sont des nourrissons de moins d’un an. La Turquie est pourtant signataire de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant.

 

Les femmes turques fêtent le 8 Mars dans les larmes et la peine

Les femmes en Turquie célèbrent ce 8 Mars 2018 avec une pensée particulière pour les détenues des prisons turques, pour celles qui sont emprisonnées avec leurs enfants. Tous ces bébés derrière les barreaux et les enfants luttent  aussi dans les prisons turques.

Les femmes turques célèbrent cette journée mondiale de la femme dans un contexte particulier marqué notamment par la poursuite de la répression et l’absence de perspectives pour la liberté qui a été confisquée par le dictateur Recep Tayyip Erdogan.

Depuis la tentative de coup d’État a été imputée par les islamistes d’Ankara au prédicateur Fethullah Gülen, installé aux États-Unis et qui dément toute implication, le gouvernement Erdoğan a lancé des purges sans précédent qui, au-delà des partisans présumés de M. Gülen, ont touché des opposants politiques du président islamo-conservateur et des médias. Plus de 50 000 personnes ont été arrêtées et plus de 140 000 limogées ou suspendues. La Turquie emprisonne systématiquement et délibérément les femmes dans le cadre de la campagne de peur et d’intimidation.

Pour désengorger les prisons turques saturées, le gouvernement décide le 17 août 2016 de libérer de manière anticipée et conditionnelle 38 000 criminels de droit commun condamnés pour des faits divers. Le dictateur islamiste turc va utiliser ces événements pour réprimer durement ses ennemis et éradiquer les supposés sympathisants du réseau Gülen.

Dans les jours suivants le putsch, les autorités turques entreprennent donc une série d’arrestations et de renvois au sein des Forces armées du pays, militaires, gendarmes, dans la police, mais aussi de l’enseignement, de la justice, du secteur de la santé, des médias et du secteur privé. Durant la purge, 16 chaînes de télévision accusées d’être proches du mouvement güleniste ont été mises hors service et supprimées du satellite Türksat par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et des dizaines de journalistes indépendants ont été arrêtés, dont 13 femmes.

C’est le corps de l’enseignement qui est le plus touché par la purge avec la suspension 22 000 fonctionnaires du ministère de l’Éducation dont 11 527 femmes et la démission de 1 577 recteurs et doyens des université. Le Conseil supérieur de la magistrature turc (HSYK) a également démis 2 745 juges dont 398 femmes de leurs fonctions en attendant leurs jugements.

Le dictateur turc a organisé dans la peur un référendum sur l’instauration d’un régime présidentiel en Turquie et il a accentué la répression du parti kurde, le Parti démocratique des peuples.

Les militants politiques et les intellectuels récalcitrants à la censure se rappellent, à cette occasion de la Journée internationale des Droits de la femme, que beaucoup de femmes dans ce pays musulman sont privées de leur liberté dans les camps pénitentiaires turcs. Des rapports relatent les violations des droits des femmes détenues :  les prisons turques  sont transformées en «camp de tortures des prisonniers».

 

Des journalistes et femmes intellectuelles célèbres jetées en prison

Une centaine de médias ont été interdits et des journalistes arrêtés lors de la campagne de répression lancée par les autorités turques depuis le putsch avorté de juillet 2016. Près de 167 journalistes sont actuellement prisonniers en Turquie, dont 45 femmes dans la prison pour femmes d’Istanbul, selon la plate-forme P 24 pour un journalisme indépendant en Turquie.

La Turquie occupe la 155e place sur 180 au classement de la liberté de la presse établi par Reporters Sans Frontières (RSF). Le président de RSF, Pierre Haski, a forgé l’expression de «plus grande prison pour journalistes» pour qualifier la Turquie. En 2016, selon leur propre bilan, 348 journalistes et blogueurs étaient emprisonnés dans le monde. À elle seule, la Turquie pourrait représenter un peu moins de la moitié de ces arrestations.

Un tribunal turc a, le 10 février 2018, condamné à la prison à vie six journalistes de renom accusés de liens avec la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016. Les frères Ahmet et Mehmet Altan ainsi que la journaliste Nazli Ilicak, qui nient toute implication dans le putsch avorté, ont été condamnés avec trois autres co-accusés à la prison à perpétuité dans le cadre de ce procès critiqué par les défenseurs de la liberté de la presse. MM. Altan et Mme Ilicak ont toujours clamé leur innocence dans cette affaire, rejetant des accusations «absurdes».

En janvier 2018, un tribunal turc avait refusé de libérer Mehmet Altan malgré un arrêt de la Cour constitutionnelle estimant que son incarcération était une « violation » de ses droits. Âgé de 65 ans, Mehmet Altan est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la politique. Il a été arrêté en septembre 2016 avec son frère Ahmet, un romancier et journaliste âgé de 67 ans qui a notamment fondé le journal d’opposition Taraf. Mme Ilicak, journaliste et écrivaine de 73 ans qui a travaillé jusqu’en 2013 pour le grand quotidien progouvernemental Sabah, est en détention depuis fin juillet 2016.

 

Nazlı Ilıcak

Nazlı Ilıcak est une journaliste turque et aussi écrivain francophone. Elle a créé son propre journal, Özgür Düsünce (La Libre Pensée) avant de se retrouver en prison à perpétuité.

Les autres personnes condamnées le mois dernier sont l’ancien directeur du marketing du quotidien Zaman, Yakup Simsek et le célèbre graphiste turc Zaman Fevzi Yazici.

Parmi les autre femmes célèbres emprisonnés ou menacés de l’être, Asli Erdogan (aucun lien avec le dictateur turc) une romancière qui a été arrêtée en tant que collaboratrice d’un journal d’opposition. C’est en tant que collaboratrice du quotidien Özgün Güden que la romancière de 49 ans a été raflée, en même temps que les vingt autres membres de la rédaction du journal.

Arrêtée dans la nuit du 17 août 2016 , celle qui est présentée par sa maison d’édition comme «l’une des voix les plus importantes de la littérature turque contemporaine» est accusée de «propagande en faveur d’une organisation terroriste», «appartenance à une organisation terroriste» et «incitation au désordre».

Asli Erdogan

Désespérée par la chasse aux sorcières en cours dans son pays, Mme Asli Erdogan avait écrit sur son blog une «lettre grave et nécessaire» selon son intitulé. Dans ce texte, publié par le quotidien Cumhuriyet quelques jours après son arrestation, elle confiait son angoisse pour son pays mais aussi sa solitude d’intellectuelle traquée et dénigrée.

Engagée dans la défense des droits de l’homme et des femmes, l’écrivaine a soutenu ces dernières années la cause des Kurdes. Dénonçant les exactions dont ils sont victimes dans l’est de la Turquie, elle a été à l’initiative d’une marche des écrivains à la frontière turco-syrienne en 2014.

Plusieurs pétitions ont été lancées par des intellectuels et des écrivains à travers le monde réclamant la libération d’Asli Erdogan. Connue pour son talent comme pour ses engagements, celle dont les romans sont traduits dans une dizaines de langues a reçu plusieurs récompenses hors de son pays. Rappelons enfin que les parents d’Asli Erdogan, étaient aussi détenus et torturés par les régimes turcs issus des putschs que le pays a connu dans les années 1980 et 1990.

 

L’état d’urgence a des conséquences aussi sur l’oppression des femmes en Turquie

Une femme est détenue par la police anti-émeute lors d’un rassemblement de la Journée de la femme à Ankara, en Turquie, le 4 mars 2018. REUTERS-

Quinze femmes ont été arrêtées par la police à Ankara ce dimanche 4 mars 2018. Des centaines de femmes s’étaient rassemblées dans le cadre d’une manifestation organisée par Ankara Women’s Platform (AWP), quelques jours avant la célébration de la journée mondiale de la femme, le 8 mars. Mais la protestation a été violemment réprimée par les autorités turques qui ont eu recours au gaz lacrymogène et à des balles en caoutchouc pour disperser la foule.

Des manifestations se tenaient dans plusieurs villes du pays pour la paix, contre l’état d’urgence et contre le sexisme en Turquie. “Nous sommes sous le régime de l’état d’urgence depuis deux ans. C’est particulièrement difficile pour les femmes car cela accentue l’oppression que nous que nous subissons” déplorent les manifestantes.

L’AWP protestait aussi contre à la campagne militaire turque contre les Kurdes en Syrie. Le président Erdogan considère ces militantes pacifistes comme des terroristes.

Nous pensons en ce jour du 8 Mars aux femmes kurdes, qui sont mortes pour un Kurdistan libre en Syrie, aux femmes turques prisonnières et aux femmes qui ont accouché dans les prisons.

Nous pensons aux femmes qui continuent de supporter de vivre sous ce régime inhumain.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Ftouh Souhail pour Dreuz.info.

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