Publié par Abbé Alain René Arbez le 11 mars 2018

L’évangile de Jean est souvent considéré comme « l’évangile de la révélation ». Révélation de l’amour de Dieu pour son peuple et pour toute l’humanité, et paradoxalement, cette « gloire » de Dieu, kavod Elohim, comme dit St Jean, se manifeste dans un événement tout ce qu’il y a de plus tragique : la crucifixion du rabbi Jésus par les Romains.

Evangile selon St Jean 3, 14…

Jésus disait à Nicodème : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’Homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour qu’à travers lui le monde trouve son salut. »

Le passage en question se situe de la rencontre de Nicodème avec Jésus. Un dialogue qui a lieu symboliquement la nuit, pour montrer qu’il n’est pas si simple de faire un pas décisif vers cette lumière qui est révélée !

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Visiblement, l’évangéliste tient fortement à relier son message à l’épisode fondateur de l’Exode : ce moment-clé de l’histoire sainte d’Israël en dehors duquel on ne peut rien comprendre aux événements suivants. On s’étonne que Jésus en croix soit comparé au serpent de bronze. Mais dans la culture de l’antiquité, cette effigie de serpent stylisé était un symbole positif très connu, celui d’Asklepios et celui d’Hermès, que ce soit en Egypte, en Grèce ou à Babylone, parce qu’il représentait le pouvoir de guérison confié à l’homme par les divinités. (N’oublions pas que ce même symbole du serpent est resté jusqu’à aujourd’hui l’emblème des médecins, des infirmières et des pharmaciens !)

Lorsque les Israélites ont fait leur longue traversée du désert après la sortie d’Egypte, ils ont été entre autres harcelés par des serpents venimeux, alors Moïse a fait dresser en-haut d’une longue perche l’effigie bien connue du serpent guérisseur. Tous ceux qui étaient mordus – au lieu de rester les yeux rivés au sol – élevaient leur regard vers le symbole de vie afin d’échapper à la mort… Mais le livre de la Sagesse précise, afin qu’on ne se méprenne pas :”quiconque se tournait vers le serpent de bronze était sauvé, non pas par l’objet regardé, mais par la confiance en toi, Dieu, le Sauveur de tous”…

Plutôt que de rester tristement le visage tourné vers la terre, sans perspective et sans espérance, le serpent de bronze élevé vers le ciel encourageait les croyants à regarder en haut, en direction du Dieu qui sauve. L’épreuve du désert a mis en lumière le fait que – au milieu des dangers et des blessures de l’existence – le salut vient de Dieu seul. Alors, Jean fait le parallèle : celui qui oriente ses regards vers le Fils

de l’homme élevé en croix aura la vie…Par cette attitude spirituelle, le venin de la mort n’aura plus d’emprise sur lui dans la traversée de l’existence. Les morsures du péché ne détruiront plus son être protégé par Dieu.

Le message porte donc sur la liberté et le refus de la fatalité : c’est l’homme qui – dans son libre arbitre – se ferme à lui-même la voie du salut, si son orientation personnelle est hostile à la lumière, ce n’est jamais Dieu qui le rejette. On touche ici au mystère de la grâce, c’est à dire la manière dont chacun se situe face à cette lumière de l’amour divin révélée sur la croix. La grâce n’est pas l’adversaire de la liberté humaine, mais son stimulant et son multiplicateur.

« Dieu a tant aimé le monde », répète st Jean, et il l’aime toujours aujourd’hui. S’il y a de graves problèmes dans le monde, s’il y a de graves déficiences dans nos propres existences, ce n’est pas parce que Dieu ne nous aime pas, c’est plutôt parce que nous n’aimons pas assez Dieu et que nous n’accueillons pas vraiment la puissance guérisseuse de sa Parole.

Il y a ainsi deux manières de comprendre l’événement du Golgotha : ou bien, horizontalement, on y voit l’échec de Jésus, sa mort ignominieuse et on se demande : mais où est la toute-puissance de Dieu ? Ou bien, comme les disciples on découvre, verticalement, que l’amour est victorieux, au-delà des apparences de l’échec. Alors, selon cette seconde approche, cet abaissement du Fils de l’homme est en réalité une élévation, un combat réussi pour la vie et pour la dignité de la personne humaine manifestée aux yeux de tous.

Les premiers témoins de la résurrection ont compris que celui qui avait été transfiguré sous leurs yeux, en compagnie de Moïse et d’Elie, était bien celui qui accomplit l’appel des dix paroles dans le sillage des prophètes d’Israël. Cette lumière en a rendu la perception possible et cela évoque la vision mystique de Moïse sur le Sinaï : lorsqu’il rencontre le Dieu unique sous les apparences du buisson ardent, Moïse ne se prosterne pas devant un arbuste, aussi rayonnant soit-il, ce serait alors une idole. Il s’incline devant la présence lumineuse de Dieu, dont la flamme ne détruit pas, car elle est pour lui et pour chacun lumière et chaleur bienfaisantes.

De même, si nous suivons l’évangile de Jean, nous reconnaissons en Jésus crucifié l’amour éternel du Père, nous n’adorons pas un cadavre humain suspendu à une potence, mais nous vénérons en lui le

Verbe de Dieu manifesté, la parole éternelle (semblable au Logos de Philon d’Alexandrie) incarnée en cet homme Jésus injustement élevé en croix. Lorsque nous mangeons le pain qui est présence de son corps et de son sang sacrifiés, nous nous nourrissons de l’élan dynamique et oblatif du Ressuscité, nous ne sommes pas en face des restes figés d’un être mort.

C’est ainsi que l’eucharistie peut nous construire personnellement et communautairement. Cette confiance au Dieu-amour que St Jean met en évidence devrait nous parler, face aux défis, face aux questions de nos contemporains devant la vie et la mort, la justice et l’injustice, la violence et la paix…Cela devrait nous guider dans les débats sur le respect de la vie, de la conception à la mort.

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Cet évangile nous met tous sur la voie pour comprendre selon quel regard interpréter les faits, les situations, les projets humains – de sorte qu’en toutes circonstances, l’homme soit élevé, comme le Fils de l’homme a été élevé sur la croix, et son amour généreux rendu accessible à tous.

L’évangile de Jean est un puissant message d’espérance au milieu des épreuves: quand nous avons tendance à ne voir que ce qui va mal, il nous invite à regarder plus loin ; il nous rappelle qu’en tout homme venant en ce monde il y a des étincelles de lumière prête à grandir.

Ainsi, quoi qu’il arrive, l’espoir reste toujours possible, puisque fondamentalement – en la personne du Christ mort et ressuscité – la vérité de Dieu et la vérité de l’homme sont entièrement réconciliées. L’alliance est ainsi perçue dans sa perfection holistique, il reste à l’incarner, et à en vivre.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, Commission judéo-catholique des évêques suisses, pour Dreuz.info.

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