Publié par Magali Marc le 18 avril 2018

L’illusion de Gaza : un conflit qui n’est pas entre deux nations mais entre deux visions du monde irréconciliables

Pour les lecteurs de Dreuz, j’ai traduit cet article de Liel Leibovitz paru sur le site Tablet, le 12 avril.

Leibovitz montre que les Gauchistes et leurs disciples de bonne foi se font des illusions sur la situation à Gaza. D’après Leibovitz, ils rejettent le nationalisme identitaire et profitent de l’expansion des réseaux sociaux pour promouvoir leur globalisme «progressiste», un concept où les lendemains qui chantent passent par le multiculturalisme, afin d’en arriver à l’abolition de l’identité et à une sorte de fraternité où les différences sont abolies.


Tout comme la physique quantique ou la meilleure façon de déterminer quelle équipe sera la championne nationale du football collégial, le conflit israélo-falestinien a acquis une réputation de complexité.
Abordez ce sujet et même ceux d’entre nous qui ont fait carrière en proposant une analyse des derniers développements vont probablement sourire poliment et attendre la première occasion de changer le sujet de la conversation pour parler de quelque chose de plus gai, comme la mystérieuse disparition des abeilles. Ce mois-ci, pourtant, la complexité habituelle des nouvelles venant du Moyen-Orient nous a procuré un rare plaisir : un moment de clarté.

Comment expliquer les escarmouches le long de la frontière israélo-gazaouie? Si vous en restez seulement aux faits , le portrait n’est pas difficile à saisir.
Voici ce que nous savons : des centaines de Falestiniens, dont beaucoup sont violents, ont marché à plusieurs reprises vers la barrière frontalière au cours des dernières semaines, tentant de la violer et d’entrer en territoire israélien.
Certains affichaient des croix gammées ; beaucoup brûlaient des drapeaux israéliens. Le Hamas a récompensé ces efforts en payant des centaines de dollars à toute personne blessée lors des affrontements, une récompense monétaire importante dans une économie détruite par le Hamas qui a préféré construire les tunnels de la terreur plutôt que des hôpitaux, des écoles et des infrastructures.
Parmi ceux qui ont été tués, une écrasante majorité étaient des militants du Hamas.
Cette confrontation, selon Yahya Sinwar, le chef du Hamas, a simplement pour but d’affirmer « que notre peuple ne peut pas abandonner un pouce de la terre de Falestine », raison pour laquelle « les protestations se poursuivront jusqu’à ce que les Falestiniens reprennent les terres dont ils ont été expulsés il y a 70 ans », ce qui signifie aussi la destruction de l’État juif.

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Maintenant, faites comme si vous n’aviez aucune idée préconçue concernant ce conflit et essayez de considérer froidement les faits.

Une nation souveraine, s’étant retirée d’un territoire il y a treize ans, se réveille un beau matin et subit les attaques d’émissaires d’une organisation terroriste qui, depuis qu’elle a pris le pouvoir, a déclaré vouloir franchir la frontière et avoir pour but l’oblitération de la nation souveraine. Dans de telles circonstances, le fait de prendre des précautions extrêmes n’est pas seulement autorisé, c’est absolument nécessaire.

Alors pourquoi, tant de personnes, y compris la plupart des gauchistes israéliens, se disent-elles consternées de voir l’armée israélienne agir avec force?

Posez la question et vous recevrez probablement un faisceau de réponses raisonnables :
1. L’utilisation de balles réelles constitue une force disproportionnée contre les civils et aide le Hamas à marquer des points de propagande ;
2. même si Israël s’est retiré de Gaza, les fermetures strictes de ses frontières rendent difficile la vie dans la Bande de Gaza et causent la rancœur des Gazaouis.

Mais la véritable raison de l’indignation suscitée par les récents affrontements vient de plus loin : ce que nous voyons à Gaza n’est pas un conflit entre deux nations mais entre deux visions irréconciliables du monde.

Si, comme moi et comme la plupart des Israéliens, vous croyez que l’humanité pourrait difficilement faire mieux que de s’organiser en États-nations, vous ne devriez pas avoir beaucoup de mal à comprendre pourquoi une frontière est parmi les emblèmes clés de la souveraineté nationale et pourquoi le fait de la violer va donner lieu à la réplique la plus dure imaginable.
Mais si vous croyez le contraire ? Si vous croyez, comme tant d’autres de la gauche progressiste ces jours-ci, que les États-nations ne sont ni des gardiens efficaces des libertés individuelles, ni des incarnations utiles de nos valeurs collectives, mais sont plutôt des survivants de temps révolus ?

Et si vous croyez que nous sommes maintenant tous des citoyens du monde et que notre évolution n’atteindra son apogée que lorsque nous serons prêts à nous défaire de l’idée que les Israéliens et les Falestiniens – ou, par ailleurs, les Américains, les Portugais, les Congolais et les Laotiens – sont intrinsèquement différents, et à nous concentrer plutôt sur la transcendance de nos différences qui doit nous mener vers une fin semblable à celle prophétisée par Isaïe qui sera faite d’harmonie et de paix ?

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De nos jours, cette vision n’est pas nécessairement chimérique. Après tout, les entreprises multinationales sont devenues puissantes et ont fait fortune en effaçant nos relations traditionnelles par le biais des deux barrières les plus redoutables pour l’humanité, l’espace et le temps.
Facebook, qui vous permet de communiquer avec n’importe qui, n’importe où, à n’importe quel moment, a maintenant une valeur marchande d’environ 500 milliards de dollars, ce qui est plus ou moins le produit intérieur brut de toute la Suède.
Si vous avez grandi en vous connectant principalement sur des plates-formes numériques, si vous connaissez beaucoup de gens qui voient leur éducation onéreuse comme un passeport leur permettant de décrocher un emploi et de travailler dans différentes villes à travers le monde, si les particularismes, les traditions et les contraintes liées à un lieu géographique particulier ne vous sont d’aucune utilité, pourquoi un État-nation vous paraîtrait-il autrement que comme un anachronisme ?
Et si vos opportunités de mobilité ascendante impliquent l’acceptation d’articles de foi cosmopolites – tels que voir votre nation, votre religion, même votre famille, comme un fardeau entravant votre capacité de voler dans le ciel bleu de promesses sans fin qui attendent toute personne intelligente et assez audacieuse pour trouver la bonne «app» – à quoi vous serviront les concepts dépassés comme les clôtures et les fusils ?

La technologie et l’avenir ne sont-ils pas faits pour abattre les barrières ? Alors pourquoi ces méchants en uniforme là-bas ouvrent-ils le feu ?

Les progressistes observant Gaza voient autre chose que vous. Appelez cela une réalité «augmentée», pour reprendre un terme favori de Silicon Valley : sur cet étroit corridor de terre au bord de la mer, des gens qui veulent simplement exercer leur droit de vivre où ils veulent, sont assassinés par des hommes qui insistent pour les en empêcher, pour une raison quelconque.

Comment résoudre ce conflit ? C’est impossible parce que le désaccord ici est ontologique, pas politique.

Et il ne se limite pas à Israël.

En Amérique, par exemple, les défenseurs de la réforme de l’immigration parlent trop souvent d’une citoyenneté américaine comme d’un droit humain fondamental, et non comme d’un privilège précieux. Les considérations concernant les compétences et les priorités nationales n’ont aucun rapport avec la question. Pourquoi, si le nationalisme vous semble inutile et effrayant, ne voudriez-vous pas ouvrir la porte et laissez entrer le vaste monde ? Cela n’a aucun sens.

Les escarmouches à Gaza, de manière tragique, vont probablement continuer, tout comme les arguties entre les deux groupes qui se jouent, selon le journaliste britannique David Goodhart, entre les enracinés quelque part et ceux qui sont prêts à vivre n’importe où.
Les premiers (les identitaires) demeurent enracinés dans une nation spécifique avec des frontières spécifiques et des intérêts et des traditions spécifiques. Les seconds ne ressentent aucune attraction gravitationnelle sauf celle du monde entier.

Nous voyons ces batailles partout: des bulletins de vote jusqu’aux étagères de livres. Ce sont elles qui façonneront notre avenir et celui de nos enfants. Alors autant voir clairement pour quoi nous nous battons.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Traduction de Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.

Source: tabletmag.com

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