Publié par Guy Millière le 24 avril 2018

Je combats et je dénonce l’antisémitisme depuis plusieurs décennies. Je n’ai cessé d’écrire que l’antisémitisme d’extrême droite est en reflux et ne tue pas, et que l’antisémitisme qui se propage et tue en France est l’antisémitisme musulman.

Je pourrais en ces conditions me réjouir et voir un pas franchi dans la bonne direction en lisant le texte écrit par Philippe Val, et en voyant qu’il a recueilli plus de deux cent signatures.

Je pourrais envisager de me joindre aux signataires.

Je vois là un pas franchi dans la bonne direction, mais je ne peux me joindre aux signataires, car tout en dénonçant une situation insupportable, ce texte est porteur d’illusions qui le rendent absolument vain.

Il est exact que s’opère en France une épuration ethnique qui pousse les Juifs à quitter le pays, à déménager hâtivement pour changer de quartier s’ils n’ont pas les moyens financiers de partir, et à cacher qu’ils sont juifs lorsqu’ils sont sur le territoire français. J’ai publié des textes sur ce sujet depuis longtemps, en langue anglaise surtout. Je n’ai pu le faire dans les grands médias français. Que cela se fasse enfin dans les grands médias français est une bonne chose.

Noter que “la radicalisation islamiste – et l’antisémitisme qu’elle véhicule – est considérée exclusivement par une partie des élites françaises comme l’expression d’une “révolte sociale” est pertinent : un aveuglement volontaire règne assez largement en France, qui fait que les Musulmans sont considérés le plus souvent comme des opprimés dont le glissement vers un islam violent est décrit comme le fruit d’une mauvaise insertion sociale. Inciter à sortir de cet aveuglement volontaire est positif.

Ecrire qu’ “au vieil antisémitisme de l’extrême droite s’ajoute l’antisémitisme d’une partie de la gauche radicale qui a trouvé dans l’antisionisme l’alibi pour transformer les bourreaux des Juifs en victimes de la société ” est pertinent, encore que le “vieil antisémitisme d’extrême droite”, comme je l’écris plus haut est en reflux et ne tue pas. L’extrême gauche utilise effectivement de façon presque systématique sa haine d’Israël pour excuser les agressions contre les Juifs en France. Mais le texte ne va pas assez loin : une part importante de la gauche radicale, par ses propos et ses comportements, par la haine d’Israël qu’elle ne cesse d’exprimer, contribue à créer des assassins de Juifs et doit être accusée d’incitation au meurtre.

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Ajouter que “la bassesse électorale calcule que le vote musulman est dix fois supérieur au vote juif” est tout aussi pertinent, mais je vois très mal comment cette bassesse va disparaître. Elle va, au contraire, je pense, s’accentuer avec la montée en puissance de la population musulmane en France.

Vient alors le plus grave et le plus trompeur, que je ne puis cautionner. Parler d’ “imams conscients que l’antisémitisme musulman est la plus grande menace qui pèse sur l’islam du XXIème siècle et sur le monde de paix et de liberté dans lequel ils ont choisi de vivre” est décrire la réalité de manière falsificatrice : deux ou trois imams ne changent pas la religion musulmane et n’en font pas autre chose que ce qu’elle est. L’antisémitisme musulman n’est pas une menace qui pèse sur l’islam : il est partie intégrante de ce qu’est l’islam depuis quatorze siècles, et cela doit être dit. Mon amie Bat Ye’or a écrit sur le sujet des ouvrages pertinents et importants que les signataires du texte devraient relire d’urgence. La menace effective n’est une menace qui pèserait sur l’islam mais une menace qui pèse sur le monde dans lequel nous vivons et cette menace est l’islam tel qu’il est. Nous ne sommes par ailleurs plus dans un monde de paix et de liberté : les attentats terroristes, les agressions antisémites montrent que nous sommes en guerre, les atteintes constantes à la liberté de parole au nom de la lutte contre “l’islamophobie”, le danger inhérent au fait de pénétrer dans des zones de non droit montrent que nous ne sommes plus en liberté, ou que nous le sommes beaucoup moins. Les imams en question sont des dissidents sous protection policière non pas en raison de la terreur que font subir les islamistes, mais parce qu’ils sont rejetés, détestés, et considérés par nombre de Musulmans comme des traîtres à l’islam.

Ajouter enfin que “les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants” devraient être “frappés de caducité par les autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et l’antisémitisme catholique aboli par (le concile) Vatican II, afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime”, dénote une ignorance profonde de ce qu’est l’islam, de ce qu’est la Bible et de ce qu’est le catholicisme.

Une très large part du Coran appelle au meurtre des Juifs, des Chrétiens et des incroyants, et c’est le Coran en son entier qui devrait être exclu des sociétés démocratiques. Les sourates dites “de La Mecque” pourraient paraître à même d’être, à la rigueur, sauvées, mais elles ne sont pas dissociables de l’ensemble du livre. Par ailleurs Le Coran est censé être la parole d’Allah dictée à Mohamed par l’intermédiaire de Jibril. Il est la parole d’Allah pour les Musulmans. Il doit être suivi à la lettre, et c’est dit dans le texte. Il ne peut faire l’objet d’interprétations : ceux qui s’y sont risqués en utilisant la pensée aristotélicienne ont été exclus et éliminés, il y a dix siècles environ. Nulle autorité religieuse musulmane ne peut déclarer qu’une partie du Coran est obsolète et doit être abrogée. Un Musulman qui se risquerait à faire ce genre de déclaration serait accusé de trahison envers l’islam. Même les dirigeants du monde musulman qui demandent un changement de comportement des Musulmans envers les Juifs et les Chrétiens (Abdel Fattah al Sissi, Mohamed ben Salman) se gardent bien de déclarer que quoi que ce soit dans le Coran est obsolète (ou caduc).

La Bible n’est pas la parole de Dieu et n’a cessé d’être interprétée, qu’il s’agisse de l’Ancien testament, qui est le texte juif, ou du Nouveau Testament, qui est l’ajout chrétien. Parler des incohérences de la Bible est une concession douteuse au politiquement correct. Comparer l’antisémitisme catholique à l’antisémitisme musulman est inepte : le catholicisme peut évoluer car il ne repose pas mot pour mot sur la parole de Dieu, l’islam ne le peut pas. Et c’est bien là le problème essentiel, qui devrait être au cœur de tous les débats sur l’islam en France, mais n’y est pas un seul instant (j’ai achevé la rédaction d’un livre sur l’islam il y a un an, et j’attends avec impatience qu’il puisse être publié, car il rappelle ce qui doit l’être sur le sujet).

Noter enfin que “nous attendons de l’islam de France qu’il ouvre la voie. Nous demandons que la lutte contre cette faillite démocratique qu’est l’antisémitisme devienne cause nationale avant qu’il ne soit trop tard. Avant que la France ne soit plus la France” est pathétiquement ridicule, et je ne me reconnais pas dans ce “nous”.

Il n’y a pas et il n’y aura jamais d’islam de France, et il faut décidément ne rien comprendre à l’islam pour imaginer le contraire. L’islam a des courants mais il est transnational et ne s’arrête aux frontières d’aucun pays. Les millions de Musulmans français font partie de la oumma, communauté des croyants. Ils ont accès à internet, et aux télévisions par satellite. Ils savent ce qui se dit à al-Azhar ou ailleurs dans le monde musulman. Il ne peut y avoir un islam de France, de Belgique, du Luxembourg ou de l’Italie qui serait absolument différent du reste de l’islam.

Y a-il derrière ce texte la volonté de contribuer à construire un illusoire islam de France, comme l’a suggéré Emmanuel Macron ?

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L’antisémitisme n’est pas le fruit d’une “faillite démocratique” : c’est le poids croissant de l’islam qui menace la démocratie, et la faillite démocratique réside dans l’acceptation aveugle de l’islam.

Ce qui menace la démocratie est aussi, pour tout dire, l’absence de débats dignes de ce nom sur une multitude de sujets, et l’islam n’est qu’un sujet parmi d’autres.

Ce qui menace la démocratie est, en outre, la facon dont l’information est transmise sur des sujets essentiels : si on veut que l’antisionisme (qui est une forme d’antisémitisme) cesse de monter en puissance, ne serait-il pas temps de cesser de désinformer sur Israël et sur la “cause palestinienne”?

Décréter la lutte contre l’antisémitisme cause nationale serait inutile tant que des débats dignes de ce nom et des informations non biaisées n’existeront pas.

Je crains fort que rien de tout cela n’existe de sitôt.

Ecrire “Avant que la France ne soit plus la France” relève à mes yeux de l’optimisme béat. La France n’est d’ores et déjà plus ce qu’elle était il y a vingt ou trente ans. Et les choses s’aggravent de jour en jour.

Un redressement impliquerait infiniment plus que ce qui est proposé dans la pétition.

© Guy Millière pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

PS : Je vois que des journalistes critiquent la pétition, pourtant bien timide, et que Dalil Boubakeur s’en prend à elle, bien qu’elle fasse preuve d’une immense mansuétude envers l’islam. La situation est décidément très grave….

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