Publié par Ftouh Souhail le 28 avril 2018

Le Liban va tenir, le 6 mai 2018, ses premières élections législatives depuis près d’une décennie sous les intimidations et les menaces des hommes armés du Hezbollah. Le dernier scrutin au Liban remonte à 2009 : le Parlement avait prorogé son mandat à trois reprises à cause du blocage du Hezbollah, invoquant le risque d’un débordement de la guerre en Syrie voisine et la nécessité d’amender la loi électorale.

Le Hezbollah, qui fait partie du gouvernement libanais, est le seul parti politique à ne pas avoir déposé les armes à la fin de la guerre civile libanaise (1975-90). Ce puissant mouvement chiite soutenu par l’Iran participe depuis 2013 à la guerre civile syrienne.

La répartition des sièges au Parlement, formé de 128 membres, est régie par un subtil partage confessionnel entre les différentes communautés religieuses dans le cadre de la parité exigée par la Constitution à la suite de la guerre civile.

Il y a plus de trente ans, une petite milice chiite émergeait dans un Liban déchiré par la guerre civile. Soutenue par la République islamique d’Iran, cette force paramilitaire est devenue l’acteur politique le plus influent du pays, notamment par la force des armes et des centaines de millions de dollars. Critiqué dans son pays et blacklisté à l’étranger, le mouvement de Hassan Nasrallah continue à défrayer la chronique. Engagé dans des tueries contre les sunnites en Syrie, il assume son statut de force régionale présente sur plusieurs théâtres d’opération en Syrie, en Irak et au Yémen auprès des milices houthies.

Sur la scène libanaise, les détracteurs du parti chiite lui reprochent, sous couvert d’une assistance sociale et d’un puissant arsenal militaire, de se soustraire à la souveraineté étatique. Jusqu’où ira le Hezbollah après ces élections législatives ?

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Avec son poids électoral, ses opposants politique craignent que le Hezbollah puisse se montrer bien plus agressif  s’il venait à remporter les élections législatives de mai.

 

Les menaces du Hezbollah planent sur les candidats aux législatives 

Le journaliste Ali al-Amin, un candidat aux élections législatives au Liban, connu pour ses positions anti-Hezbollah, a été agressé  par un groupe d’hommes dans sa ville natale, Bint Jbeil, dans le sud du pays, où il est en lice contre le puissant mouvement terroriste chiite. Le mouvement jouit traditionnellement d’une forte popularité dans le sud du Liban, où vit une vaste population chiite.

M. Amin dit avoir été transféré à l’hôpital pour recevoir des soins après avoir été violemment battu par près de 50 hommes, alors qu’il était en train d’accrocher une affiche électorale dans la rue, près de sa maison.

Ses assaillants lui ont demandé de retirer son affiche, mais il a refusé. « C’était un groupe organisé et bien connu de tous, envoyé par le Hezbollah », a-t-il assuré.

« Cet incident ne va pas nous affecter, mais nous voulons que le monde entier sache comment sont organisées les élections sous le Hezbollah », déclare M. Amin, assurant avoir reçu des menaces par le passé.

Il est candidat pour la première fois dans une circonscription du Sud représentée par onze sièges – dont huit réservés à la communauté chiite.

En 2013, un jeune manifestant protestant contre l’implication du Hezbollah dans le conflit en Syrie a été tué par balle. Le mouvement a été pointé du doigt mais aucune inculpation n’a eu lieu.

Les armes du Hezbollah sont illégales selon les Nations-unis et leur maintien constitue une situation aberrante qui n’existe dans aucun autre pays. Cet arsenal est nuisible sur les plans politique, sécuritaire, économique et intellectuel au Liban. La majeure partie de la dette (publique) du Liban est une conséquence des armes du Hezbollah.

Le gouvernement libanais est incapable d’obtenir le désarmement du parti chiite et il ne peut pas compter sur l’Occident pour l’obtenir. Cela doit se faire, selon certains Libanais, dans les urnes en accordant le vote aux partis qui s’opposent au Hezbollah.

 

L’Arabie saoudite soutien la coalition du 14 mars et le chef du Courant du futur

Riyad cherche à encourager les forces sunnites au Liban lors des prochaines élections législatives, espérant les voir en sortir en position de force.

L’envoyé du monarque saoudien, Nizar al-Aloula, est arrivé à Beyrouth où il a rencontré des responsables libanais de haut rang et certains dirigeants des groupes politiques du pays. Al-Aloula était porteur du message du roi Salmane Ben Abdelaziz al-Saoud à l’adresse du président libanais, Michel Aoun. Il a également mené des échanges de vues avec le Premier ministre, Saad Hariri et le président du Parlement libanais, Nabih Berri.

Malgré le retour sur la démission controversée du 4 novembre 2017 du Premier ministre Saad Hariri et les tensions qui en sont la conséquence, il semble que Riyad compte encore sur le chef du Courant du futur pour contrer le Hezbollah qui veut saper les relations saoudo-libanaises.

Accusé d’avoir poussé à la démission le gouvernement de Saad Hariri en novembre, le Parti de Dieu poursuit son expansion dans le pays en utilisant notamment l’action sociale.

Des responsables saoudiens, dont l’ambassadeur saoudien au Liban, Walid Yaacoub, ont accusé le Hezbollah de chercher à compromettre de la sécurité et la stabilité au Liban. Le régime iranien, qui a toujours cherché à influencer le climat politique au Liban, veut s’assurer  que ses pions soient gagnants contre leurs rivaux sunnites au cours des prochaines législatives.

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Sur le même volet, l’Arabie saoudite a de nouveau invité Saad Hariri à coopérer davantage avec Riyad et faire de concert avec d’autres alliés sunnites. On ne sait toujours pas si les Saoudiens réussiront à consolider les bases du Courant du 14 mars ou pas.

D’après certaines estimations, la milice du Hezbollah et ses groupes alliés occuperont plus de sièges au Parlement lors des prochaines élections législatives. Ce sont ces mêmes prévisions qui ont peut-être inquiété les Saoudiens et les autres pays sunnites qui tentent de mobiliser leurs forces pour soutenir la coalition du 14 mars et le chef du Courant du futur dans les élections parlementaires dans le pays du Cèdre.

Le Courant du futur  a décidé de donner une chance à de nouvelles figures pour ce tour des élections législatives, ce malgré les efforts malveillants des Iraniens et des responsables du Hezbollah qui ont dépensé des dizaines de millions de dollars pour nuire au Courant du futur par divers moyens, dont la cyberguerre.

Le Hezbollah est en faveur d’un empire perse qui est contraire à la réalité et l’histoire du Liban. Le Hezbollah veut imposer par la force son projet. Il ne fait qu’appliquer la volonté de l’Iran sans prendre en considération les intérêts du Liban. L’engagement du Hezbollah en Syrie, en dépit de l’adoption en juin 2012 de la déclaration de Baabda – en vertu de laquelle le Liban s’engageait à rester à l’écart des conflits régionaux – en est l’illustration la plus probante.

Beaucoup de gens au Liban pensent qu’ils sont comme des otages des décisions du Hezbollah.

 

Les candidates libanaises ne sont pas découragées par le Hezbollah

Alors que le Hezbollah compte sur les menaces contre des candidats adversaires aux législatives pour gagner les élections législatives au Liban prévues le 6 mai, des centaines de personnes ont participé le 22 avril 2018 à la 5ème édition du marathon pour les droits des femmes à Beyrouth, à quelques jours du scrutin.

Une coalition inédite de 150 ONG féministes, comme Women in Front, s’est fortement mobilisée pendant la campagne pour réclamer plus de participation des femmes dans la vie politique et défier le climat de peur imposé par les extrémistes chiites du Hezbollah.

Patricia Elias, avocate et fondatrice du laboratoire de réflexion « Avenir Liban », est l’une de ces militantes. Elle est l’une des 77 candidates à se présenter à ces élections, dans la région de Keserwan au centre du pays. Sa circonscription est d’ailleurs la seule région à compter plusieurs femmes sur les listes proposées. Tandis qu’il existe aussi un parti où ne figure aucune femme : celui du Hezbollah.

Les chances de voir ces femmes candidates pousser la porte du Parlement libanais semblent cependant quasi nulles.

Les candidates aux prochaines élections législatives au Liban dénoncent la déclaration du leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, selon laquelle son parti « n’a pas de femmes pour ce poste ».

Le Hezbollah n’a présenté aucune candidate, Nasrallah déclarant clairement dans un discours télévisé le 4 janvier 2018 que les femmes ne sont pas les bienvenues dans l’arène politique.

Des candidates ont fait savoir au journal libanais Al-Mashareq– “l’Orient” en français –  que les déclarations de Nasrallah vont à l’encontre du droit qu’ont les femmes à participer à la vie publique et qu’elles comptent de toute façon poursuivre leurs campagnes.

Des hommes du Hezbollah ont déjà menacé la candidate, Rima Ali Hameed, qui se présente sur la liste de la société civile Nous sommes tous ma patrie à Bint Jbeil au sud Liban.

Pour le Hezbollah il est anormal de reconnaître aux femmes  le droit d’exercer leurs droits patriotiques et politiques ou leurs droits civiques, ce alors que la constitution libanaise a fait d’elles les égales [des hommes] en termes de droits et de devoirs.

Salwa al-Khalil al-Amin, une candidate, ancienne conseillère politique au ministère du Tourisme, qui se présente sur la liste Beirut al-Watan, dans le second district électoral de Beyrouth, estime que « en vertu de la loi, nous sommes tous égaux en droits et par conséquent personne ne peut limiter le droit des femmes  à se présenter aux élections ».

« J’ai les mêmes droits que les autres, et personne ne peut me dire ce que je peux ou ne peux faire » , a-t-elle indiqué.

De nombreuses autres personnalités féminines ont également réagi :

« La déclaration de Nasrallah m’a énormément provoquée et mise en colère », a fait savoir Olfat Hamza al-Sabeh, candidate aux élections sur la liste de Sawa pour Baabda, la capitale du Mont-Liban.

« En tant que femmes, nous excellons et nous avons les compétences pour nous présenter [aux élections] et exercer notre droit démocratique », a déclaré une professeure de droit à l’université la Sagesse et à l’université américaine du Liban.

« Notre candidature est une étape très importante, et elle représente une victoire pour les femmes chiites et une réponse à ceux qui dénigrent leurs droits », a une native de Burj al-Barajneh [dans le quartier de Dahieh à Beyrouth].

« Les femmes se présentent aux élections législatives parce qu’elles sont très compétentes, convaincues et croient en leur rôle constructif dans la société », a indiqué la militante libanaise et professeur d’université Mona Fayad. La déclaration de Nasrallah « est selon moi  injuste envers les femmes», a ajouté Fayad.  « De quel droit Nasrallah interdit il aux femmes de se présenter ? », a-t-elle demandé.

« Malheureusement, il existe un segment de chiites qui sont otages de lui et de son parti parce que leurs intérêts les y obligent, mais ils se libéreront de lui un jour », a-t-elle conclu.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Ftouh Souhail pour Dreuz.info.

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