Publié par Ftouh Souhail le 18 avril 2018

Douma, le dernier bastion sunnite dans la Ghouta orientale a été arraché par les forces gouvernementales syriennes appuyées par des miliciens chiites. Plusieurs milliers de syriens sunnites ont été expulsés hors du périmètre de la capitale syrienne pour faciliter l’installation des groupes chiites à la solde du régime. Ce transfert forcé des populations de la Ghouta orientale constitue un crime de guerre, voire un crime contre l’humanité comme pour les attaques chimiques.

«Un drapeau syrien a été hissé sur un bâtiment de la ville de Douma, annonçant la prise de contrôle de la ville et donc de toute la Ghouta orientale», a déclaré à la presse, le 12 avril 2018, le major général Iouri Ievtouchenko qui dirige le centre russe pour la réconciliation en Syrie.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, le groupe jeïch al-Islam auraient remis la veille leurs armes lourdes aux militaires russes, et leur chef Issam Bouwaydani serait sorti de la ville pour se rendre dans une zone rebelle dans le nord du pays. Le ministère russe de la Défense a par ailleurs annoncé le déploiement de la police militaire russe dans Douma.

Début avril 2018, les forces gouvernementales avaient assuré avoir occupé la plupart des villes et des villages de l’enclave rebelle sunnite, précisant que leurs opérations militaires se concentraient dans le dernier bastion aux mains des éléments de jeïch Al-Islam, dans le noyau urbain de Douma. Comme dans le reste de l’enclave, un accord avait été trouvé pour évacuer des milliers de sunnites de la ville et pas seulement des combattants du groupe armé comme le prétendent les médias syriens. Avec cette séquence, l’opération militaire entamée le 18 février dernier par l’armée syrienne pour conquérir la Ghouta orientale touchait à sa fin.

Le dernier bastion sunnite qui était encore aux mains des forces de jeïch al-Islam est tombé entre les mains des miliciens en première ligne dans la bataille pour Bachar al-Assad.

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Des milliers de sunnites ont été expulsés via le point de passage près du camp de Muhayam al-Wafidine. Ces syriens de la Ghouta orientale doivent se rendre à Jerablus dans le nord de la Syrie, près de la Turquie. D’autres familles syriennes sunnites se sont dirigées, via le passage de Muhayam al-Wafidine, vers le nord-est d’Alep.

Ces syriens  expulsés par  le gouvernement syrien voyageaient à bord des autobus verts qui sont devenus en Syrie le symbole  de ces transferts forcés. Ces citoyens syriens n’auront aucune chance de rentrer chez eux après l’installation des groupes chiites dans leurs villages et habitations.

Le jeudi 12 avril, le processus d’évacuation des populations sunnites de Douma s’était achevé et l’armée syrienne avait pris le contrôle de la ville avec les milices chiites engagées aux côtés du régime de Bachar Al-Assad, dont des mercenaires chiites irakiens, afghans, pakistanais, libanais…

L’opération de transfert des sunnites vers Jerablus et vers le nord d’Alep intervient alors que le ministère russe de la Défense a annoncé pour sa part que la police militaire russe avait commencé, ses activités à la ville de Douma.

Plus grave que l’utilisation des armes chimiques,  le régime syrien appuyé par les Iraniens et les Russes est responsable du transfert forcé de population. Les groupes chiites étrangers expulsent les derniers sunnites autour de la capitale syrienne. Ce transfert forcé des populations de la Ghouta orientale constitue un crime de guerre, voire un crime contre l’humanité.

Des sunnites ont été chassés aussi de Homs (centre) en 2014 après deux ans de bombardements intenses et d’un siège asphyxiant imposé par les forces gouvernementales. Les rebelles sunnites et leurs familles ont été évacués de cette ville “capitale de la révolution” en mai 2017. En décembre 2016, les habitants sunnites ont abandonné également Alep (nord).

Rebelles et civils sont entassé notamment dans la province d’Idleb (nord-ouest) devenue la destination de milliers de personnes évacuées des ex-fiefs insurgés.

Après avoir perdu de vastes régions face au régime, des milliers de sunnites se sont vus contraints de se soumettre  aux accords d’évacuation pour échapper au siège et aux bombardements.

L’évacuation de la Douma, supervisée par la Russie, marque la dernière déroute en date pour la rébellion sunnite, écrasée par les troupes du régime et les miliciens chiites engagées aux côtés du régime de Bachar Al-Assad, dont les plus importants le Hezbollah libanais et un groupe irakien, Harakat Al-Noudjaba.

Le transfert forcé de population est un crime de guerre, voire un crime contre l’humanité.

Dans le cas syrien, le transfert forcé des populations sunnites est une arme de guerre et un moyen de créer un espace culturellement et politiquement pro-iranien autour de Damas et des grandes villes du pays. Ce transfert forcé des populations diminue les chances de stabiliser le pays  et constitue un crime de guerre, voire un crime contre l’humanité.

En droit humanitaire international, le crime de transfert forcé de population est une infraction grave.

L’Article 49 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre stipule que « les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre État, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif. »

La seule exception de déplacements forcés admise consiste en une évacuation « …si la sécurité de la population ou d’impérieuses raisons militaires l’exigent. »

Certains transferts ont été permis avec l’accord des personnes concernées, spécialement les personnes victimes de mesures discriminatoires ou de persécution qui souhaitaient quitter le pays. C’est donc pour permettre aux gens voulant quitter leur foyer que les transferts volontaires sont implicitement autorisés, prohibant seulement les transferts forcés ou involontaires.

Le crime de transfert forcé de population engage la responsabilité des États et des individus. Selon le Statut de Rome, il est sujet à la juridiction de la Cour pénale internationale « …lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque

En ce sens, le transfert forcé de population est défini comme « …le fait de déplacer de force des personnes en les expulsant, ou par d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international. »

Le transfert illégal est un crime de guerre sujet à la juridiction de la Cour lorsqu’il s’inscrit « …dans le cadre d’un plan ou d’une politique ou lorsqu'[il fait] partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle. »

Le transfert illégal est une infraction grave aux Conventions de Genève du 12 août 1949 et se définit en droit humanitaire international comme « le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire

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Les victimes de ces transferts de population ont droit à une réparation, qui doit autant que possible éliminer les conséquences associées aux transferts de population. Le droit du retour au foyer ou au lieu de résidence habituel s’avère l’élément central de ce processus qui vise à restaurer le statut quo et à renverser les conséquences du transfert.

Les droits des personnes déplacées et des victimes de transferts et à la restitution ont été reconnus dans plusieurs traités de paix, notamment dans l’Accord de San José sur les Droits de l’Homme au Salvador en 1990, l’Accord Général de Paix au Mozambique en 1992, l’Accord de Paix de Dayton en Bosnie-Herzégovine en 1995 et l’Accord de Paix de Lomé au Sierra Leone en 1999. Plus récemment, le Conseil de sécurité a souligné l’importance du retour des réfugiés et déplacés internes dans le processus de réconciliation nationale en Libye.

Les principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays stipulent que toutes les autorités concernées de la communauté internationale ont l’obligation de prévenir et éviter les situations de nature à entraîner des déplacements de personnes.

Les tribunaux pénaux internationaux, tel le Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie et le Tribunal pénal international pour le Rwanda, ont pour mandat de poursuivre les personnes qui commettent et donnent l’ordre de commettre des infractions graves aux Conventions de Genève et/ou des crimes contre l’humanité, notamment le transfert illégal de civils et les expulsions de la population civile.

Il faut espérer la constitution dans le futur d’un pareil Tribunal pénal international pour la Syrie pour poursuivre Bachar Al-Assad et les miliciens chiites proches de l’Iran responsables du transfert forcé de la population sunnite.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Ftouh Souhail pour Dreuz.info.

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