Publié par Gilles William Goldnadel le 8 mai 2018

Le Figaro a publié le 4 mai une analyse signée par son correspondant en Israël, Cyrille Louis, très éclairante. Dans son article, le journaliste rappelle d’abord le dernier écart du président de l’Autorité Palestinienne effectué lors de l’allocution qu’il a prononcé le 30 avril devant le Conseil National Palestinien. Le raïs a en effet suggéré que les persécutions subies à partir du Moyen Âge par les communautés juives d’Europe n’étaient pas causées par la haine antisémite mais «par leur fonction sociale liée à la banque et à l’usure». Pour faire bonne mesure, le présent palestinien affirme que l’antisémitisme n’a jamais existé en terre musulmane… Selon lui encore, les juifs ashkénazes ne descendent pas des tribus d’Israël mais d’un peuple khazar européen et n’ont donc aucune raison de pouvoir revendiquer une terre proche-orientale. Enfin Abbas a contesté la légitimité de l’État d’Israël en l’assimilant à «un projet colonial conçu pour introduire un corps étranger dans la région».

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À la suite d’une levée de boucliers internationale exceptionnelle, Abou Mazen, comme on l’appelle, a été contraint de faire des excuses rien moins que spontanées. Mais l’essentiel est ailleurs et fonde le présent article de réflexions élargies. Car après tout l’antisémitisme foncier du vieil Abou Abbas n’a rien de nouveau et ce présent discours a presque valeur testamentaire depuis qu’il a fait ses classes à l’université Lumumba de Moscou et qu’il a rédigé sa thèse négationniste. Et son propre antisémitisme est consubstantiel au mouvement national palestinien depuis le grand mufti de Jérusalem, son alliance avec Adolf Hitler et ses exhortations à éliminer le peuple juif de la surface de la terre. Ce qui est nouveau, c’est, qu’enfin, la critique du discours antisémite palestinien ne soit plus le monopole des Israéliens. Comme l’écrit Cyrille Louis: «ces écarts systématiquement dénoncés par les dirigeants Israéliens, furent longtemps ignorés par les soutiens de l’Autorité Palestinienne au nom d’un certain pragmatisme». J’ajouterai que le monde médiatique européen dans son ensemble a tout autant ignoré superbement cette judéophobie arabe, musulmane, et plus spécifiquement palestinienne en raison du conflit territorial avec les juifs.

La critique du discours antisémite palestinien n’est plus le monopole des Israéliens.

Et voici à présent mes deux réflexions. La première, c’est que je ne pense pas que le pragmatisme soit l’explication principale de ce mutisme. En tout état de cause, ce prétendu pragmatisme a tourné le dos à la réalité et a été, bien au rebours, la cause principale de l’immobilisme. Depuis des années, et notamment dans ces colonnes, j’ai tenté d’attirer l’attention de mes contemporains vers cette réalité d’un nationalisme palestinien empreint d’islamisme, avec un succès très relatif.

Quand, ici même, j’ai rappelé les félicitations du président palestinien aux «shahids» qui s’en prenaient aux juifs «qui posaient leurs sales pieds sur l’esplanade des mosquées».

Quand j’ai dénoncé les menées de l’Autorité Palestinienne pour obtenir avec succès de l’Unesco de ce que les liens historiques de Jérusalem avec le peuple Juif et le christianisme soient délibérément niés, croit-on vraiment que c’était pour me plaindre d’une attitude à laquelle je m’étais résigné depuis longtemps?

C’était en réalité pour fustiger un reniement occidental de lui-même en même temps qu’un aveuglement préjudiciable non seulement à Israël et à l’Occident mais également à l’intérêt bien compris des Arabes palestiniens. Et cet aveuglement n’a rien de pragmatique, il est, comme nous le verrons, pathologique.

Et il est d’abord l’une des causes principales de l’échec du processus de paix.

L’acuité critique avec laquelle l’Europe politique et médiatique regarde l’État juif à la loupe ne m’aurait pas gêné, si elle n’avait pas coïncidé avec l’indulgente et coupable cécité dont elle fait preuve à l’égard de la partie arabe de Palestine.

En se montrant quelquefois plus palestiniens que les Palestiniens eux-mêmes, en dépit de leurs méthodes, ce strabisme européen aura encouragé ces derniers dans leur irrédentisme agressif à l’égard des juifs d’Israël. Il les aura empêchés d’effectuer le nécessaire travail critique pour arriver à un compromis historique. Il est bien possible qu’aujourd’hui, les actuels dirigeants israéliens, résignés, se satisfassent trop facilement de cette situation pour justifier l’immobilisme et les implantations.

Mais j’affirme que cette situation résulte d’un irrédentisme palestinien fortifié par l’absence de sens critique européen. Pour ne prendre qu’un exemple récent, je n’ai pas trouvé dans la presse hexagonale cette évidence aveuglante que la présente revendication du droit au retour dans l’actuel Israël des descendants des descendants des descendants, toujours nommés «réfugiés», par privilège exceptionnel, était une revendication suicidaire pour les Palestiniens, criminelle à l’égard des Israéliens et inepte dans le cadre du compromis territorial pacifique encore espéré.

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Ma seconde réflexion, plus large, porte sur l’explication de la fin de cette cécité européenne à l’égard de l’antisémitisme arabe de Palestine. Je ne pense pas qu’elle se résume à la lassitude des Occidentaux à l’égard des revendications maximalistes des Palestiniens.

Je crois tout au contraire qu’elle correspond à la reconnaissance européenne de l’antisémitisme islamique, par un début d’émancipation morale. Ce n’est pas un hasard si au même moment, en France, des personnalités aussi importantes que diverses osent à présent, sans crainte d’être taxées d’islamophobes, demander au monde islamique de faire son aggiornamento sur la question juive en France.

J’ai toujours pensé et écrit que cette cécité avait pour origine non la honte du colonialisme mais celle, plus profonde et enfouie, du crime originel contemporain commis par un Occidental blanc nommé Adolf Hitler. Que l’État juif soit aujourd’hui l’une des premières victimes de cette honte inconsciente est d’une triste et cruelle ironie.

Le peuple occidental n’est certainement pas sorti complètement de cette honte congénitale incapacitante. On en est loin. S’il en était autrement, il ne tolérerait pas, entre mille exemples, des camps racistes, interdits aux blancs, au beau milieu de Paris.

Ainsi, on voit comment le mur de Jérusalem n’est pas si éloigné que cela de la rue du Temple.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro Vox.

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