Publié par Magali Marc le 11 mai 2018
Le vert, couleur de l’opposition iranienne

Pendant que les médias se répandaient sur les malheurs qu’allait provoquer le retrait du Président Trump de l’accord sur le nucléaire iranien, allant jusqu’à parler de décision irrationnelle, d’autres espèrent que les Américains vont en faire d’avantage pour contrer le régime oppressif des mollahs.

Pour les lecteurs de Dreuz, j’ai traduit cet article d’Eli Lake*, paru le 8 mai sur le site de Bloomberg.com.


La tâche la plus urgente après l’abandon de l’accord sur le nucléaire est d’augmenter les chances de succès des révoltés iraniens

Le président Donald Trump a finalement tenu sa promesse mardi de sortir de l’accord sur le nucléaire iranien. Comme je l’ai déjà écrit, j’aurais plutôt choisi de laisser l’accord sombrer dans l’oubli et j’aurais abandonné les mollahs dans la tourmente. Mais ce qui est fait est fait.

On va beaucoup écrire sur ce que les États-Unis et leurs alliés devraient faire dans le dossier du nucléaire.

Les dirigeants iraniens ont fait de vagues menaces, et l’Occident doit se préparer à la perspective de perdre de vue l’infrastructure nucléaire de l’Iran. Cela dit, la tâche la plus urgente pour Trump est d’augmenter les chances de réussite du mouvement démocratique iranien.

Pour comprendre pourquoi, considérons l’argument mis en avant en 2005 par l’ancien analyste de la CIA et spécialiste de l’Iran, Kenneth Pollack.

Dans son livre « Persian Puzzle », Pollack dit qu’il y a deux horloges de compte à rebours en Iran : une pour la fabrication d’armes nucléaires, et une pour l’avènement de la démocratie.

Il fait valoir que la meilleure stratégie pour les Américains consiste à tenter de ralentir la première horloge afin d’accorder plus de temps à la seconde.

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L’accord sur le nucléaire iranien – le plan d’action global commun, ou JCPOA – aborde la première partie de la formule de Pollack. Il fixe des limites temporaires, entre 10 et 15 ans, à la quantité d’uranium que l’Iran peut enrichir, adaptée à l’énergie nucléaire et au nombre de centrifugeuses qu’il peut installer dans ses installations nucléaires. Idéalement, cela ferait gagner du temps à la seconde horloge de Pollack.

Le problème est que l’accord sur le nucléaire a aussi servi à enrichir le régime que les démocrates iraniens espèrent changer.

Comme l’ont demandé les diplomates iraniens, depuis 2015, les États-Unis étaient tenus d’assurer les autres puissances mondiales que des investissements importants dans l’économie iranienne étaient autorisés.

En effet, jusqu’à l’investiture de Trump, c’était la politique des États-Unis d’apaiser les inquiétudes européennes concernant les investissements en Iran.

Au-delà de cela, le président Barack Obama a conféré une légitimité à un président impuissant, Hassan Rouhani, qui avait fait campagne pour la libération des prisonniers politiques mais a, en fait, été responsable d’une répression croissante.

En 2015, l’année où l’Iran a accepté le JCPOA, l’État iranien a exécuté plus de 1 000 prisonniers. Au moment où le peuple iranien commençait à être désillusionné envers ses dirigeants non élus, les dirigeants élus des États-Unis leur accordaient un respect qu’ils ne méritaient pas.

Dans une interview la semaine dernière, le dissident iranien Heshmat Tabarzadi m’a avoué qu’il ne verserait aucune larme sur le JCPOA.

« Obama et les Européens ont sacrifié les droits civiques du peuple iranien afin d’obtenir plus de sécurité pour eux-mêmes », a-t-il déclaré. « C’était une erreur flagrante : le régime islamique, en exerçant son chantage par le biais de son programme nucléaire, a réussi à gagner du temps, à recevoir des millions de dollars, à sévir contre le peuple iranien, à se mêler des conflits en Syrie et au Yémen et à mettre en danger la sécurité du monde par le développement de ses missiles. »

Jeune homme au début des années 1980, Tabarzadi était un partisan du premier dirigeant suprême de l’Iran, l’ayatollah Khomeiny. Au fil du temps cependant, il a perdu ses illusions et il est devenu un dissident connu, faisant des séjours à l’intérieur de la tristement célèbre prison d’Evin en Iran.

En 1999, il a aidé à diriger le soulèvement de l’université de Téhéran et il a également participé aux manifestations de 2009 contre l’élection présidentielle volée cette année-là.

Maintenant Tabarzadi est le porte-parole du mouvement de solidarité de l’Iran pour la démocratie et les droits de l’homme, une organisation faîtière clandestine qui chapeaute d’autres groupes de la société civile.

En raison de sa présence en Iran, il est à l’affût des insurrections qui sévissent actuellement dans son pays, allant des problèmes liés à l’approvisionnement en eau potable, à la crise bancaire, et jusqu’au mouvement des jeunes femmes iraniennes qui veulent se débarrasser du hijab. Il faut donc porter attention à ce qu’il dit.

Il m’a dit que maintenant la meilleure chose à faire pour les États-Unis est d’encourager des technologies comme Telegram qui permettent aux Iraniens de communiquer en toute sécurité les uns avec les autres. Un tribunal iranien a récemment annoncé une interdiction de Telegram, ce qui a de nouveau mis en lumière l’impuissance de Rouhani.

Tabarzadi m’a dit que le fondateur de Telegram, Pavel Durov, « a réussi à créer une révolution de l’information en Iran », ce que les programmes anti-censure du département d’État américain n’avaient pas réalisé.

M. Tabarzadi a également déclaré qu’il appuie les sanctions ciblées contre les organes de propagande du régime ainsi que l’élargissement des sanctions contre les dirigeants iraniens pour violations des droits de l’homme.

Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel iranien, m’a fait une remarque similaire le mois dernier dans une interview lorsqu’elle a demandé que des sanctions soient décrétées contre le Radiodiffuseur de la République islamique d’Iran, l’entité qui dirige les efforts de propagande du régime, nationalement et à l’étranger.

Tabarzadi a déclaré qu’il s’oppose à l’investissement venant de l’extérieur de l’Iran à ce stade-ci. Ebadi a dit la même chose.

Dans cet esprit, il est important de rappeler quelques règles de base pour soutenir les mouvements de résistance non-violents comme celui de l’Iran.

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Premièrement : les Iraniens doivent organiser eux-mêmes leur libération. Ils ne réussiront pas en vertu d’une décision politique prise dans une capitale étrangère. Trump doit s’abstenir de choisir des leaders, d’armer des factions ou d’envahir l’Iran. Le peuple iranien doit mener, l’Occident doit soutenir.

Deuxièmement : la solidarité avec la résistance démocratique de l’Iran exige un canal de communication crédible. Cela signifie ne pas tenir compte des groupes extérieurs qui cherchent à imposer leur agenda au mouvement, comme les groupes Mujahadin du peuple ou ceux, basés aux États-Unis, qui agissent comme un lobby de facto en faveur du régime comme le Conseil national iranien.

Au lieu de cela, la Maison Blanche doit chercher des expatriés iraniens qui veulent soutenir le mouvement en Iran mais qui ne cherchent pas à retourner en Iran comme l’a fait l’Ayatollah Khomeini en 1979 pour mener sa «révolution».

Troisièmement : dans la mesure où Trump veut changer le comportement du régime iranien, il doit élargir la liste de ses exigences et aller au-delà de la question du nucléaire. Cela implique de lier les sanctions à la libération des prisonniers politiques, tels que Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karroubi, les deux candidats à la présidence dont l’élection a été volée en 2009 et qui sont toujours assignés à résidence.

Une autre idée consisterait à lier les sanctions au Mouvement pour un référendum contrôlé par les Nations-Unis visant à supprimer le poste de guide suprême de la constitution iranienne.

C’est une honte qu’Obama n’ait pas lui-même suivi cette voie en 2009, la dernière fois que les Iraniens sont descendus dans les rues pour demander la mise à mort de leur dictateur.

Maintenant que Trump a accéléré le compte à rebours de l’accès de l’Iran aux armes nucléaires, il est plus urgent que jamais pour lui d’accélérer l’horloge de la démocratie.

C’est finalement au peuple iranien d’organiser sa prochaine révolution, mais Trump a maintenant l’opportunité de continuer à se montrer solidaire de leur lutte au lieu de négocier un autre accord avec leurs oppresseurs.

* Eli Lake est un chroniqueur de Bloomberg Opinion, spécialiste des questions touchant à la sécurité nationale et à la politique étrangère. Il a été correspondant principal pour le Daily Beast, et a couvert la sécurité nationale et le renseignement pour le Washington Times, le New York Sun et UPI.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Traduction de Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.

Source : Bloomberg

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