Publié par Magali Marc le 6 mai 2018

Le 3 mai dernier, les journalistes célébraient la Journée mondiale de la liberté de presse. Comme si Trump était le seul dirigeant d’une démocratie, le seul président des États-Unis à avoir jamais critiqué les médias, il fallait que les journaleux en Amérique du Nord se défoulent sur lui.

Alexandre Sirois, écrivait dans le quotidien La Presse, le 3 mai dernier que ce qui est particulier cette année « c’est que l’organisation Reporters Sans Frontière a sonné l’alarme (…) parce qu’elle estime que «la haine du journalisme» menace désormais les démocraties. De plus en plus de chefs d’État démocratiquement élus voient la presse non plus comme un fondement essentiel de la démocratie, mais comme un adversaire pour lequel ils affichent ouvertement leur aversion ».

Évidemment Sirois n’allait pas rater Trump: « Il suffit de jeter un coup d’œil chez nos voisins du Sud pour comprendre que les choses ont vraiment commencé à dégénérer. Donald Trump, qui avait tenu des propos odieux à l’égard des journalistes lors de sa campagne, est devenu encore plus virulent depuis son élection.(…) il a été jusqu’à traiter d’«ennemis du peuple» les journalistes de certains médias. Il a même ciblé des reporters en particulier, les traînant dans la boue sur Twitter. La Maison-Blanche a même orchestré la remise de «Fake News Awards» en janvier dernier. »

Avec la plus parfaite mauvaise foi, Sirois ne dit rien des attaques constantes des médias envers Trump, ni de la couverture biaisée, totalement négative, de tout ce qu’il dit ou fait.

Pour les lecteurs de Dreuz, j’ai traduit cet article de Wesley Pruden* publié dans le Washington Times, le 3 mai. Pruden remet les choses en perspectives.

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Quand on ne versait pas de larme dans les salles de rédaction

De nos jours, tout le monde veut passer pour un être sensible, même les journalistes.
Il n’y a rien de fondamentalement mauvais avec ce qu’on appelle la « Journée mondiale de la liberté de la presse », mais le journalisme a toujours été un sport brutal. C’est ce qui fait de la liberté de la presse l’une des meilleures idées que les pères fondateurs aient jamais eues.

Les Nations Unies soulignent les événements importants tels que la Journée mondiale de l’environnement, la Journée internationale de l’alphabétisation et la Journée mondiale de la prévention du suicide.
Il y a 25 ans, la Journée mondiale de la liberté de la presse s’ajoutait au calendrier.
Cependant nombreux sont les grands noms de la presse, de la télévision et de l’Internet, qui se disent « journalistes » à présent que le terme de « reporters » n’est plus assez grandiose pour désigner les écrivains du monde de l’information, et qui assimilent toute critique de leur travail à des menaces.

Des journalistes mexicains ont été tués par des assassins des cartels de la drogue, des reporters russes sont morts dans des circonstances suspectes et un journaliste de Sibérie qui avait écrit sur la corruption militaire a été tué quand il a été poussé du balcon d’un cinquième étage. En Afghanistan, 10 journalistes ont été tués en une seule journée.

Jusqu’à présent, les journalistes américains n’ont enduré aucune punition plus grande que d’être envoyés au dîner de l’Association des correspondants de la Maison-Blanche, et vous pourriez penser que les grands médias seraient reconnaissants de cela. Malheureusement, ce n’est pas la gratitude qui les étouffe.
Naturellement, le gros méchant loup tout désigné de cette Journée mondiale de la liberté de la presse cette année est Donald Trump.

« La Maison Blanche a déploré les attaques en Afghanistan comme étant un acte insensé et odieux », a écrit le chroniqueur Patt Morrison dans le Los Angeles Times, «… pourtant l’Administration Trump a fait ses propres dégâts sur les principes d’une presse libre ici et , par contrecoup, dans le monde entier. »

Bien entendu, selon Morrison, « Quand le président Trump a qualifié les médias américains d’ennemis du peuple, il a ressuscité une phrase favorite de Staline, Lénine et du voyou de la propagande d’Hitler, Joseph Goebbels, qui l’utilisait pour décrire les Juifs. L’insulte de ‘fausse nouvelle’ de Trump a été reprise par d’autres leaders pour taper sur les journalistes de leurs propres pays. »

Tout le monde veut passer pour un journaliste maltraité, en autant qu’il ne subit de mauvais traitement que de loin.

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David M. Shribman, rédacteur en chef du Pittsburgh Post-Gazette, a raconté son héroïsme dans le New York Times. « L’officier de relations publiques le plus en vue à Pittsburgh », nous a-t-il dit, « nous a dit qu’un rapport parfaitement bénin et tout à fait exact sur les activités de son institution était un autre exemple de fausses nouvelles. » (C’est sans doute la raison pour laquelle l’ouest de la Pennsylvanie a pris le nom de Pyongyang-sur-les-trois-rivières là où aucun rédacteur en chef n’est à l’abri d’un agent de presse acrimonieux).

La Journée mondiale de la liberté de la presse a été l’occasion cette semaine de dénombrer les assauts de Goebbels sur la presse américaine. Tout le monde voulait raconter ce qu’il avait vécu au front.

Donald Trump a traité un «animateur» de NBC-TV de SOB (NdT: Son Of a Bitch), et a précipité les foules (qui n’en avaient pas besoin) dans une frénésie rageuse contre « la presse dégoûtante ».
Katy Tur, correspondante du réseau, s’est sentie insultée quand Donald l’a appelée « la petite Katy malhonnête», et a demandé à un agent des services secrets de la faire sortir d’un rassemblement. Elle a écrit un livre à ce sujet.

De telles choses arrivent aux gribouilleurs et aux bavards, et elle ne sont pas agréables. Personne ne devrait se sentir menacé.

Une journaliste du Washington Times, chargé de couvrir la campagne de Geraldine Ferraro, en tant que colistière de Walter Mondale (NDLR : Démocrate), en 1984, avait écrit un reportage qui avait tellement irrité Mlle Ferraro que celle-ci l’avait expulsée de son avion de campagne et l’avait laissée au bord de la piste dans un aéroport d’une petite ville de l’Ohio, debout, blottie sous la pluie à la tombée de la nuit. La journaliste a attrapé un rhume, a écrit son reportage, mais elle n’a pas écrit de livre sur cet incident.
La véritable crise du journalisme est que trop de journalistes, ainsi que leurs éditeurs, veulent faire partie des reportages.

Ils ont oublié de se limiter au «qui, quoi, pourquoi, quand, où et comment», comme c’était requis autrefois des réponses qu’ils apportaient dans chacun de leurs reportages.

Maintenant, ils confondent parfois leur reportage avec les commentaires qu’ils n’arrivent tout simplement pas à laisser de côté.

Les lecteurs le savent et n’apprécient pas.

L’organisation internationale, Reporters Sans Frontières a publié l’Indice mondial de la liberté de la presse l’autre jour, classant les pays du monde pour leur engagement envers une presse libre et dénonçant « l’animosité croissante envers les journalistes » et « le climat de haine », notamment aux États-Unis, qui sont classés au 45e rang mondial pour la liberté de la presse, au-dessus d’Haïti.

Tout le monde reconnaît que ce classement est stupide.

C’est assez inoffensif que les éditeurs et les journalistes se rencontrent, se distribuent des récompenses les uns aux autres, et se parlent des difficultés rencontrées dans leur travail, mais le lecteur ou le spectateur s’en fout.

Presque tout le monde qui travaille connaît des journées difficiles.

Il fut un temps où cette notion était enfoncée dans la tête dure de chaque nouvel homme et femme dans la salle de rédaction. Pas de sentimentalité, pas de sifflement permis, et pas de larme en journalisme. Jamais.

* Wesley Pruden est rédacteur en chef émérite du Washington Times.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Traduction de Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.

Sources:

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