On se pose bien des questions sur la situation en Iran et sur la possibilité que les manifestants iraniens finissent par renverser le régime des ayatollahs après quarante ans de désillusion et de souffrance.
J’ai traduit pour les lecteurs de Dreuz ce long texte de l’expert, Malcolm Lowe, paru le 6 juin dernier sur le site du Gatestone Institute. Sa comparaison avec la débandade du régime est-allemand après quarante ans de répression est très encourageante.
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L’éviction du régime iranien
Le 28 décembre 2017, de grandes manifestations contre le régime iranien ont éclaté à Mashhad et se sont rapidement étendues à de nombreux autres centres urbains. De simplement bruyantes la plupart du temps, certaines sont devenues violentes et finalement le Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (IRGC) y a mis fin en tuant des contestataires et en en arrêtant des milliers d’autres. Les protestations ont continué, mais les nouvelles à leur sujet se sont faites rares. Comment doit-on les considérer ?
On peut faire des parallèles intéressants avec le crépuscule du régime est-allemand. Par coïncidence, le régime iranien est dans sa quarantième année et le régime de l’Allemagne de l’Est s’est soudainement effondré juste après que ses dirigeants eurent organisé une grande fête pompeuse de son quarantième anniversaire dans la capitale, Berlin-Est.
Au moment de sa chute, le gouvernement et l’appareil de sécurité de la soi-disant « République Démocratique Allemande » semblaient être, comme toujours, complètement maîtres de la situation, mais il a suffit de quelques occasions pour que soit déclenché un effet domino qui l’a emporté. Il y a eu d’abord la vague des vacanciers qui conduisaient leurs «Trabis» polluantes vers la Hongrie ou la Tchécoslovaquie et de là, via l’Autriche, vers l’Allemagne de l’Ouest, parce que ces pays d’Europe de l’Est avaient cessé de les en empêcher. À partir du 4 septembre 1989, il y a eu les marches du lundi qui débutaient après la prière du matin à l’église Saint-Nicolas de Leipzig.
La célébration du quarantième anniversaire eût lieu le 6 octobre. Le 9 octobre, la marche du matin à Leipzig comprenait 70 000 personnes. En un revirement décisif, les dirigeants locaux du régime avaient décidé de ne pas envoyer la police par peur de pertes massives. Par la suite, les marches étaient sans limites et pas seulement à Leipzig. Le 9 novembre, un porte-parole du gouvernement, essayant d’apaiser les citoyens en leur accordant une mince concession, a bredouillé une annonce concernant le fait qu’il était plus facile d’obtenir des permis pour visiter l’Allemagne de l’Ouest. Les Berlinois de l’Est se sont mépris, comprenant que la frontière était maintenant ouverte et ils se sont précipités vers les checkpoints de Berlin-Ouest. Les gardes, eux aussi dans la confusion, les ont laissé passer. Là où une centaine de milliers de personnes avaient défilé le 6 octobre pour célébrer le régime, des dizaines de milliers de personnes ont commencé à circuler quotidiennement dans les deux sens.
En un an, l’Allemagne était réunifiée. L’arbre vigoureux qu’était l’Allemagne de l’Est s’est effondré à cause de quelques rafales de vent parce qu’il avait été miné de l’intérieur par la fin de l’estime que les citoyens avaient pour leurs dirigeants ou par le fait qu’ils avaient cessé de s’identifier à l’idéologie dominante (du régime).
Il est crucial de comprendre que ni en Allemagne de l’Est ni en Iran, le régime n’est arrivé au pouvoir grâce aux agissements d’une petite clique, comme lors de la Révolution russe d’octobre, mais en vertu d’une base idéologique qui a reçu un soutien populaire considérable. C’est le déclin de ce soutien qui a transformé l’Allemagne de l’Est en un arbre creux et qui menace maintenant de faire de même en Iran. Considérons d’abord le cas allemand. Nous verrons ensuite le cas iranien.
Le régime SED est-allemand
Le parti communiste allemand avait été un mouvement de masse dans la République de Weimar. Lors des élections fédérales allemandes de novembre (versus celles de mars) 1932, les résultats des plus grands partis étaient: Nazis 196 (-34), Sociaux-démocrates 121 (-12), Communistes 100 (+11) sur 584 (-24) . Ainsi, aucune coalition majoritaire ne pouvait exclure à la fois les nazis et les communistes. Ce qui a amené Hitler au pouvoir, c’est que le président Hindenburg a, cette fois, invité Hitler à diriger une coalition de droite avec une petite majorité, alors que dans les précédents parlements, il avait invité un politicien centriste à la tête d’un gouvernement minoritaire. Ceci, en dépit du fait que les nazis avaient perdu des sièges et que les communistes en avaient gagné.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’Union Soviétique a permis à plusieurs partis d’avant-guerre d’exister (au moins nominalement) dans la zone allemande occupée, mais a fait pression sur les anciens Sociaux-Démocrates et sur les communistes en avril 1946 pour les obliger à fusionner avec le Parti socialiste unifié (SED: Sozialistische Einheitspartei Deutschlands). Ce parti (au moins nominativement) régna alors tout au long de l’existence de la République Démocratique Allemande (DDR: Deutsche Demokratische Republik), la zone soviétique ayant été renommée en octobre 1949. Le parti ainsi constitué hérita d’une certaine légitimité de la République de Weimar. les composantes avaient été les principaux partis et leur programme commun annoncé comprenait des politiques socialistes typiques de la période de Weimar.
Bien sûr, le SED et le DDR se sont rapidement révélés être des instruments du totalitarisme communiste et de l’impérialisme soviétique (ou plutôt russe). Cependant, pour ceux qui avaient commencé et persévéré à se bercer d’illusions, le régime n’était pas entièrement privé d’une base idéologique authentique. C’est pourquoi la désaffection ne fût pas écrasante au départ, mais un lent processus d’évidement qui s’était établi chez les opposants idéologiques tranchés, s’est étendu au nombre croissant de victimes malheureuses, déçues et désillusionnées, et a finalement sapé l’enthousiasme même des fidèles du régime.
Quelques exemples illustreront comment l’évidement a fonctionné. Une de mes connaissances à Berlin-Ouest avait l’habitude de faire de nombreuses visites au DDR pour des raisons familiales. Selon elle, le moment décisif de la décadence est venu précisément lorsque le régime a cru qu’il avait atteint tous ses objectifs initiaux. En dépit de la nationalisation générale de l’industrie et des services, qui avait également eu lieu dans une certaine mesure sous les gouvernements socialistes d’Europe occidentale, les très petites entreprises locales avec une poignée d’employés étaient légalement autorisées depuis longtemps. En définitive, le régime a annoncé la perfection du socialisme mettant ainsi fin à ces derniers vestiges du capitalisme. Après cela, dit-elle, une apathie générale s’est installée.
Un deuxième exemple concernait la fourniture universelle de logements subventionnés. Le régime était très inefficace pour faire réparer tous ces bâtiments. Comme les résidents payaient peu pour leur logement, ils avaient les moyens de les repeindre eux-mêmes, mais estimaient que ce n’était pas à eux de s’en occuper. C’est pourquoi, lors de l’ouverture de la frontière, les visiteurs ont été choqués de voir partout les façades écaillées et le délabrement des maisons solidement construites à l’origine. Les chefs-d’œuvre architecturaux étaient dans un état catastrophique de délabrement. Par exemple, il a fallu 25 ans après la réunification allemande pour restaurer le célèbre quartier hollandais de Potsdam.
Un troisième exemple vient d’un autre visiteur, qui a offert en cadeau à ses hôtes de l’argent de l’Allemagne de l’Ouest. Comme dans d’autres parties de l’empire soviétique, ils ont pu alors se rendre dans des magasins spécialisés où les biens étrangers n’étaient accessibles qu’à ceux qui avaient de fortes devises étrangères. Là, ils ont acheté des denrées alimentaires. Les conserves et les boîtes vides ont ensuite été placées de façon décorative sur la cheminée du salon à côté d’objets plus anciens. Interrogé à ce sujet, les hôtes ont dit qu’une fois la nourriture consommée, il semblait dommage de jeter les conteneurs avec leurs extérieurs joliment conçus. Le visiteur a ensuite remarqué que d’autres ménages avaient des petites «décorations» similaires. La nourriture de base subventionnée, emballée dans des contenants neutres, avait peut-être autrefois gagné leurs cœurs, mais maintenant leurs cœurs avaient évolué.
Le régime des ayatollahs
Le régime iranien actuel a également commencé avec un certain degré de légitimité et une auto-justification plausible. Ce fait crucial doit être expliqué puisqu’il semble être inconnu des politiciens étrangers qui traitent du régime et des commentateurs de l’Iran à partir de leurs lointains pays. En particulier, c’est une erreur de rejeter la révolution de 1979 comme une prise illégitime du pouvoir par des fanatiques religieux dépassés. Au lieu de cela, en un mot, la révolution de 1979 était initialement largement considérée – et pas seulement par les ayatollahs – comme la réintégration légitime de la révolution constitutionnelle avortée de 1906.
Dans ces premiers jours, la dynastie régnante était les Qajars. Son fondateur, Mohammad Khan Qajar, avait mené une campagne particulièrement brutale durant quinze ans pour envahir tout le pays, où il avait commis des massacres de populations entières et l’aveuglement de 20 000 hommes à Kerman, une ville qui lui avait résisté. Heureusement pour les autres Iraniens, il fût assassiné en 1797 un an après son couronnement. Son neveu et successeur s’est distingué en produisant entre cent et quatre cents enfants dans un harem où il avait jusqu’à 1000 femmes et en perdant un vaste territoire lors de deux guerres désastreuses avec la Russie. Les dirigeants ultérieurs de la dynastie étaient diversement corrompus ou incompétents ; ils ont également essayé de financer leurs dépenses excessives en accordant des concessions aux gouvernements étrangers. À la fin du dix-neuvième siècle, il n’est pas surprenant qu’un puissant mouvement constitutionnaliste se soit développé en Iran. Ses objectifs étaient d’introduire un gouvernement parlementaire sur le modèle européen et de libérer le pays de la servitude envers les étrangers.
Les constitutionnalistes ont eu leur chance lors des troubles populaires qui ont commencé en 1905. Sans entrer dans les détails, on peut noter trois similitudes
qu on envoie tous les AYATOLLAH EN FRANCE
MACRON LES ACCUEILERA.
Les Mollahs durs amis de la France molle n’aiment pas les homos
le fait est que Trump a fermer le robinet du financement etranger est une maniere sans violence contre l’iran donc l’embargo economique commence a porter fruit …c’est a ce prix que les mollahs vont payer pour attaquer toujours Israel
@ Magali Marc.
Madame votre analyse de la situation iranienne est pertinente. Cependant ce qui vaut pour l’Iran vaut également pour l’Union Européenne actuelle (pattern)! Je sais qu’il faut chausser de bonnes lunettes pour s’en apercevoir mais quelques uns l’aperçoivent déjà. Un exemple: prenez les trois MMM (Merkel-May-Macron) et bien ils sont dans la M….!
Les iraniens ne s’en sortiront pas tous seuls : ils doivent pouvoir compter sur des appuis étrangers pour renverser le régime… Par ailleurs, ce sont les iraniens des villes qui manifestent, méfions-nous des iraniens des champs !
40 ans!
l’urss a tenu 70 ans, donc une génération!
pauvres iraniens ils ont donc encore 30 ans à souffrir (pour le moins)
La France a l’ habitude des les prendre chez elle et elle a déjà la même politique antisémite ; donc il n’ y aura pas de problème .
Moi , je pense qu’il faut aider le peuple iranien a se liberer de cette dictature des barbus chiites et apocalyptique , israel essaie de le faire avec son Premier Ministre Bibi qui envoie régulierement des messages positifs au grand peuple perse ….
il faudrait surtout que l’occident lache et collabo arrete de soutenir ce régime barbare pour de simples interets économiques …..
Seul ‘ l’avenir nous dira , la suite des évenements , mais je peux vous dire par des témoignages d’ iraniens exilés pour sauver leur peau , que ce régime ne tient que par la terreur des gardiens corrompus de la révolution et des bassijis , véritable S.A du régime dictatorial et hitlérien ( prisons , tortures , viols hommes et femmes et enfants sous les yeux de leurs parents , pendaisons en place publique sur des grues , etc….
Ce régimùe ne pourra pas durer trés longtemps encore , si le trio Merkel , May et Macron arretait de le soutenir …..
et en tout cas , cet article est une trés bonne analyse de la situation en iran !
La comparaison est plus que boiteuse et inutile de s’illusionner naïvement.
L’Allemagne de l’Est faisait partie du bloc entièrement dépendant du bon vouloir de l’URSS d’un côté et appartenant à la zone civilisationnelle où les notions de la liberté et de la démocratie était profondément ancré dans le patrimoine politico-philosophique (malgré des aléas contraires temporaires) de l’autre.
Aucune de ces conditions n’est remplie dans le cas de l’Iran.
Il n’y a aucune méta-URSS dont l’effondrement soudain ouvrirait toutes les portes.
Il n’y a STRICTEMENT aucune tradition politico-philosophique autre que l’islam qui demeure l’unique référence (référentiel) pour TOUT.
Trump n’est pas Reagan et l’Iran n’est pas l’URSS. L’époque, le climat international et le contexte ne sont absolument pas les mêmes.
Qu-a-t-on réussi a accomplir en Afghanistan ? Et la superbombe coûteuse a-t-elle changé quelque chose ?
L’islam a derrière lui 1400 ans et en est venu au bout d’autres qu’un président occidental forcément limité en temps et qui plus est encore et toujours assis sur un siège éjectable.
Tout ça a cause de la faiblesse du démocrate Jimmy Carter et de La France complice qui as donner refuge au tyran Khomeny
40 ans plus tard la France collabo de Macron est encore a genou devant ce régime de mollahs clérico facistes
@Magali Marc
Très intéressant. On peut toutefois regretter que dans votre historique il n’y ait nulle mention de l’élimination du premier ministre Mossadegh en 1953 par les services secrets anglo-américains (opération Ajax ).
Il est plus que probable que l’accession au pouvoir des khomeinistes ait été une conséquence à long terme imprévue de cette scandaleuse ingérence étrangère de 1953 dans les affaires intérieures de l’Iran…Je pense que si les anglo-américains avaient eu le bon sens de prévoir en 1953 les conséquences à long terme de leur politique désastreuse, ils auraient renoncé à leur opération barbouzarde de l’époque !
Le régime Iranien ne fait pas rêver, mais c’est un régime par des iraniens pour les iraniens.
Je préférerais que Israël trouve un modus vivendi pacifique avec un régime pas forcément amical, mais ni belliciste (il n’a mené que des guerres défensives), ni irrationnel, ni voisin.
Ces gens me semblent bien plus fréquentables que ceux qui massacrent impitoyablement les yéménites ou soutiennent vicieusement l’Etat Islamique.
La paix avec l’Iran (et non le désarmement unilatéral des occidentaux, évidemment inacceptable), c’est un objectif souhaitable même s’il n’est pas évident. Je préfère entendre parler les diplomates que les canons.
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cet article. Je travaille parfois avec des iraniens, c’est un plaisir comparé aux Burgondes.