Publié par Guy Millière le 15 juin 2018

Des auteurs italiens, Carlo Fruttero et Franco Lucentini, il y a bien des années, avaient publié un livre appelé La Prédominance du crétin*. Ils y traitaient du prêt-à-penser ambiant en Europe à l’époque. Depuis la situation s’est nettement aggravée. Et je pense qu’il serait utile de parler désormais d’hégémonie.

La France n’est pas le seul pays touché: le reste de l’Europe ne vaut guère mieux. Les Etats-Unis et le Canada ont aussi leur lot surabondant de crétins. Mais je trouve le crétinisme français très avancé, et porteur d’un mélange d’arrogance et de cuistrerie qui le rend particulièrement remarquable.

Un pays où, après avoir porté un Francois Hollande au pouvoir, on choisit de faire d’un Emmanuel Macron un Président, après le nombre d’imbécillités crasses et de phrases ignobles ou grotesques qu’il a pu proférer pendant la campagne électorale, est un pays en état de déliquescence mentale très avancée.

Mais c’est dans le domaine du journalisme que la France se distingue et atteint des niveaux de crétinisme presque insurpassables.

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J’ai déja eu l’occasion d’écrire que pour être un spécialiste à la française, il faut se tromper toujours, tout le temps et sur tous les sujets, et je continue à le penser. Cela vaut aussi pour les journalistes chargés d’analyser la politique internationale.

Et il m’arrive de me demander comment la plupart des journalistes chargés de la politique internationale en France sont formés, car ce sont vraiment des champions dans leur catégorie. Ils copient, certes, lorsqu’ils parlent de l’Amérique les accès de delirium tremens qui font désormais la quasi-totalité des programmes de CNN et de MSNBC, mais il parviennent toujours à y ajouter une touche personnelle qui les conduit à devenir burlesques tout en gardant un air docte et sérieux. Du grand art. On sent qu’ils s’entrainent.

Ils sont aussi les héritiers d’une longue tradition, et il est évident qu’ils veulent se montrer à la hauteur de ceux qui les ont precédé dans la carrière.

Il y a quarante ou cinquante ans, des abrutis qui, comme on dit, en tenaient déja une couche, et très épaisse, admiraient Jimmy Carter et trouvaient sa politique iranienne géniale, et s’extasiaient sur le libérateur Ruhollah Khomeini. Et ils ne se sont pas trompés à l’époque: comme chacun le sait, l’Iran sous Khomeini et ses successeurs est devenu une grande démocratie qui fait régner la paix, la liberté, et la prospérité.

Un peu plus tard, ils ont décrété que Ronald Reagan était un demeuré qui allait provoquer une guerre en qualifiant l’Union Soviétique d’“empire du mal”, et, quand le mur de Berlin, puis l’empire soviétique, sont tombés, ils ont su de source sûre que c’était grâce à la soudaine gentillesse de monsieur Gorbatchev, un type qui est censé s’être levé un matin en se disant, “bon, je vais faire tomber le mur de Berlin et faire s’effondrer l’empire que je dirige”. Ronald Reagan, pour les abrutis, n’a rien fait.

Strictement rien. Et il était entouré d’ignorants qui n’avaient pas le génie inhérent aux journalistes français.

Les successeurs des abrutis ont feint de verser une larme pour cacher leur jubilation quand le 11 septembre 2001, des islamistes ont attaqué les Etats-Unis. Puis, ils ont traité George Walker Bush de fasciste et d’analphabète parce qu’il a osé déclarer une guerre globale contre le terrorisme islamique. George Walker Bush n’avait pas compris ce qu’on comprend dans le raffinement délicat des salles de rédaction parisiennes : que lorsqu’on s’adresse aux terroristes islamiques, il faut le faire avec des fleurs semblables à celles qu’on dépose un peu partout où des attentats sont commis en Europe. On peut aussi, comme l’ont fait les Espagnols après l’attentat de Madrid, prendre des parapluies et déployer des banderoles sur lesquelles on écrit: la paz. Il n’y a eu aucun attentat aux Etats-Unis jusqu’à la fin de la présidence Bush, mais c’est juste, vous diront les successeurs des illustres abrutis, parce que George Walker Bush a eu une chance inexplicable.

Quand Barack Obama a été élu, les sucesseurs des successeurs des abrutis ont été saisis par une extase proche de l’orgasme. Barack Obama a tenté de mettre les Frères Musulmans au pouvoir dans tout le monde arabe sunnite, ré-enclenché la guerre en Irak et transformé une victoire en défaite, libéré de prison des gens aussi sympathiques qu’Abu Bakr al-Baghdadi, laissé passivement se créer l’Etat Islamique qui a servi de base de formation à des terroristes djihadistes qui ont ensuite fait des attentats par dizaines en Europe et ailleurs sur la planète, assisté passivement à la destruction de la Syrie, qui a fait plus de cinq cent mille morts, permis le glissement de la Turquie vers la dictature islamique, renversé Kadhafi, qui coopérait avec le monde occidental, permis l’enclenchement des vagues migratoires musulmanes qui ont submergé l’Europe en passant par les cotes turques et libyennes. Il a enfin passé un accord avec la République islamique d’Iran, principal financier du terrorisme islamique aujourd’hui, permettant à l’Iran de continuer ses activités nucléaires militaires (des simulacres d’inspections ont été prévues sur des sites choisis par l’Iran, et interdites sur d’autres sites, ceux où il se passait des choses sérieuses) et ses actions de soutien au terrorisme, et pour être certain que l’Iran se conduirait très nocivement, il a même permis à la République islamique de toucher 1600 milliards de dollars, qui se sont retrouvés dans les activités nucléaires de la Corée du Nord, et dans les actes criminels du Hezbollah, du Hamas et des milices Houthi au Yémen. Ils ont trouvé tout cela ab-so-lu-ment génial. Merveilleux. Extraordinaire.

Dès lors que les gouvernements européens ont espéré grappiller une fraction des 1600 milliards de dollars, ils ont trouvé admirable que les dirigeants européens reçoivent le sympathique Rouhani qui, en parallèle, continuait à ruiner l’Iran et à faire prononcer des peines de morts suivies d’exécutions capitales par centaines. Ils n’ont pas vu le moindre lien, même infinitésimal, entre tous les éléments que je viens d’énoncer, qui constituent la part essentielle du bilan de la politique étrangère d’Obama. Ils les ont considérés comme des éléments totalement dissociés les uns des autres. Et ils n’ont donc vu aucune relation de cause à effet, par exemple, entre la libération d’Abou Bakr al-Baghdadi par Obama et la création de l’Etat Islamique, ou entre le renversement de Kadhafi par Obama, le chaos qui a suivi (et qui est né sans doute d’un hasard inexplicable) et les vagues de migrants arrivant d’Afrique. Quand la Corée du Nord s’est dotée d’armes nucléaires grâce aux 1600 milliards de dollars. Obama a parlé de “patience stratégique”, et, pour montrer sa “patience”, a préféré aller jouer au golf ou au yoyo. Ils l’ont trouvé subtilement cool.

Puis Trump est arrivé, et ils ont, avec un instinct qui ne trompe pas, tout de suite compris qu’il était au moins aussi idiot et dépourvu de neurones que Ronald Reagan. Diriger pendant quarante ans une entreprise multinationale présente sur les cinq continents et l’avoir fait de manière efficace en faisant une fortune qui se compte en milliards est, selon eux, un signe avéré d’idiotie. Comme eux sont extrêmement intelligents, ils n’ont dirigé aucune entreprise et ont un livret A de caisse d’épargne. Quand Trump est sorti des accords de Paris censés lutter contre le réchauffement global anthropique qui n’existe pas, ils ont eu des vapeurs et ont cité tous les successeurs de Lyssenko qui sont payés par les Nations Unies pour siéger au GIEC et dire que le réchauffement global existe (si les successeurs de Lyssenko disaient la vérité, ils perdraient leur poste) : ils croient vraiment que les successeurs de Lyssenko disent la vérité, ce qui montre qu’ils sont plus bêtes que les successeurs de Lyssenko qui, eux, au moins, savent qu’ils mentent pour toucher leur chèque.

Ils ont ensuite eu une crise d’apoplexie quand Trump est sorti de l’accord avec l’Iran : ils ont affirmé comme un seul homme qu’un accord qui permet des simulacres d’inspection et qui a permis à l’Iran de continuer à financer le terrorisme islamique et le régime nord coréen est un accord impeccable et exemplaire, et ils ont fait comme s’ils croyaient vraiment à ce qu’ils disaient (pour le coup, même s’ils sont bêtes, je ne pense pas qu’ils le sont à ce point). Ils ont fait comme s’ils n’avaient pas vu les documents saisis par le Mossad à Téhéran. Ils devraient s’entraîner pour jouer Tartuffe : “cachez ces documents que nous ne saurions voir !”.

Au moment du sommet du G7, ils n’ont pas entendu Trump exiger le libre échange, et si vous leur demandez ce qu’ils faisaient pendant que Trump parlait, ils vous diront sans doute qu’ils ne comprennent pas l’anglais quand Trump parle, mais le comprennent parfaitement quand Justin Trudeau dit Hare Krishna en prenant la pose d’un yogi. Et ils vous diront même, pour vous montrer que ce sont des fins connaisseurs de l’économie, que Trump est protectionniste parce qu’il met des taxes de dix et quinze pour cent aux fins de créer un rapport de force, mais qu’en taxant les produits laitiers américains à 300 pour cent Trudeau est un adepte du libre marché. Ils ont prévu que lorsque l’ambassade des Etats-Unis serait installée à Jérusalem, tout le Proche-Orient serait à feu et à sang et ils ont fait montre, là, d’une capacité de prédiction transcendentalement pénétrante. Vous avez vu, j’espère, les émeutes qui ont détruit Jérusalem, Le Caire et d’autres grandes villes de la région. Moi, je ne les ai pas vues, mais je n’ai pas d’hallucinations, et je ne me trompe pas toujours, tout le temps et sur tous les sujets : je ne suis vraiment pas un spécialiste à la française.

Je savais qu’en voyant Trump rencontrer Kim Jong-Un dans un endroit choisi par Trump, à la date choisie par Trump, aux conditions exigées par Trump, après que Trump ait asphyxié le régime nord-coréen et l’ait menacé de destruction totale, il diraient que cela a été un triomphe ab-so-lu pour Kim Jong-Un. Si la Corée du Nord était totalement détruite, ils diraient que c’est un triomphe encore plus absolu pour Kim Jong-Un. Quelle capacité remarquable à dire n’importe quoi !

Et ils ont tellement l’habitude de dire n’importe quoi que cela désormais leur vient aux lèvres sans que cela aie besoin de passer par le cerveau.

Tout comme leurs prédécesseurs dans les années 1980 ont su immédiatement que monsieur Gorbatchev s’est levé un matin en se disant “bon, je vais faire tomber le mur de Berlin et faire s’effondrer l’empire que je dirige”, ils ont su tout de suite que Kim Jong-Un s’était spontanément dit un beau matin “Quelle joie! Mon régime est menacé de destruction totale. Je vais montrer que je résiste triomphalement en allant rencontrer Donald Trump là où il veut quand il le veut, je vais dire à Trump que j’accepte une dénucléarisation totale et vérifiable, puis je vais m’amuser à lui faire un pied de nez, car je suis sûr que c’est une lavette et qu’il ne sera pas du tout en colère”. Ils ont su aussi que Trump avait tout improvisé, et que si Mike Pompeo est allé deux fois à Pyong Yang, c’était pour faire du tourisme gastronomique. Ils ont su que Trump à Singapour était tout seul et sans aucun conseiller, comme le montrent les photos (et si vous reconnaissez sur les photos John Bolton, Mike Pompeo et John Kelly, on vous dira peut-être à la télévision française qu’ils sont venus seulement pour voir si la maison hantée du Disneyland Singapore est aussi amusante que celui du Disneyland de Los Angeles et pour faire du pédalo).

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Ils savent désormais que Kim Jong-Un a obtenu tout ce qu’il voulait.

La preuve ? Il ne recevra pas un centime des Etats-Unis, les sanctions strictes contre la Corée du Nord sont toujours en place, les troupes américaines sont toujours en Corée du Sud, des vaisseaux militaires américains prêts à intervenir massivement sont toujours au large des côtes nord-coréennes, et Trump considère plus que jamais que l’accord passé implique une dénucléarisation totale, rapide et vérifiable (vraiment vérifiable à la différence de ce qu’Obama avait accepté concernant l’Iran).

Ce sont bien des preuves que Kim Jong-Un a obtenu tout ce qu’il voulait, non ?

Ce sont des preuves, vous dira-t-on, que Trump est nul. Quel nul, en effet ! Comparez avec Obama !

Trump n’a pas donné 1600 milliards de dollars : Obama, lui, l’avait fait avec l’Iran. Obama était vraiment supérieur, non ? Trump demande de vraies inspections, pas les clowneries acceptées par Obama. Supériorité incontestable d’Obama ! Trump coupe la coopération nucléaire Corée du Nord-Iran alors qu’Obama l’avait créée. Absolue supériorité d’Obama !

Bien sûr, il ne sera jamais dit que tous les prédécesseurs de Trump depuis la fin de la présidence Reagan ont échoué à obtenir quoi que ce soit de la Corée du Nord (sur ce point, Obama n’a pas fait pire que Bill Clinton et George Walker Bush). Il ne sera proposé aucune solution au danger qu’a représenté la Corée du Nord depuis des décennies (la patience stratégique, le golf et le yoyo, peut-être). Il n’y aura qu’un souhait très perceptible : que Trump échoue à son tour. Malheureusement pour tous ces gens, Trump a réussi depuis dix-huit mois tout ce qu’il a entrepris.

En lisant les commentaires sous les articles publiés dans la presse française, je peux voir que ceux qui commentent sont, quasiment tous, aussi abrutis que les sucesseurs des successeurs des abrutis des années Carter : ceux qui écrivent les articles. Sans doute que les “modérateurs” suppriment les commentaires intelligents : des commentaires intelligents casseraient l’ambiance.

A la télévision, les crétins sont entre eux sans personne pour les contredire, c’est vraiment l’hégémonie du crétin.

C’est vraiment un beau spectacle.

La France, comme disait un vieux slogan, n’a pas de pétrole, mais on y diffuse des idées de crétins à jet continu.

Sur le Titanic, les musiciens ont joué jusqu’à ce que le navire sombre totalement. En France, le spectacle se poursuivra-t-il jusqu’à ce que le pays ait sombré irrémédiablement. Je n’ai pas la réponse.

© Guy Millière pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

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