Publié par Magali Marc le 22 juin 2018
Andrew Scheer (gauche) et Richard Martel

Lors de l’élection partielle du lundi 18 juin dans la circonscription de Chicoutimi/Le Fjord, les Conservateurs d’Andrew Scheer ont infligé une raclée aux Libéraux de Justin Trudeau.

Cette circonscription située dans la région du Saguenay avait été prise au Bloc Québécois (un parti indépendantiste au niveau fédéral) par le NPD lors de la fameuse «vague orange» de 2011. Les Libéraux l’avaient donc prise au NPD, en 2015, lors de l’élection fédérale qui a porté Justin Trudeau au pouvoir. Le NPD de Thomas Mulcair a retrouvé la place de tiers parti qu’il occupait avant l’arrivée du très populaire Jack Layton.

La circonscription de Chicoutimi/Le Fjord située au nord de la Ville de Québec, dans la région du Saguenay est traditionnellement considérée comme un bastion nationaliste.

Dreuz a besoin de votre soutien financier. Cliquez sur : Paypal.Dreuz, et indiquez le montant de votre contribution.

Cette victoire des Conservateurs constitue un premier test pour Andrew Scheer qui tente de recréer la coalition nationaliste-conservatrice qui avait aidé les Conservateurs fédéraux à dominer la province dans les années 1980 (l’époque de Brian Mulroney, un Québécois, natif de Baie Comeau).

Le candidat conservateur Richard Martel a recueilli 52,7% des voix, soit plus de 5 000 voix d’avance sur la libérale Lina Boivin, qui en a eu 29,5%. Les candidats du NPD et du Bloc québécois n’ont recueilli que 8,7% et 5,6% des voix respectivement. L’élection partielle a été causée par la démission du député libéral (élu en 2015) Denis Lemieux qui n’avait remporté que 31% des voix lors des élections générales de 2015. À ce moment-là, la lutte était serrée puisque le NPD obtenait 29,7% des voix, le Bloc 20,5% et les Conservateurs 16,6%.

Les Conservateurs, qui ont assidûment courtisé les anciens séparatistes et les nationalistes modérés de la circonscription, ont profité de l’effondrement du Bloc québécois et du NPD, passant de la quatrième à la première place.

Le chef conservateur Scheer y a fait campagne avec l’ancien chef du Bloc Québécois, Michel Gauthier, qui a exhorté les électeurs ayant appuyé dans le passé le parti séparatiste – actuellement sans chef et désorienté après des mois de luttes intestines – à se rallier aux Conservateurs.

M. Scheer a aussi énoncé un certain nombre de politiques axées sur le Québec visant à attirer les séparatistes et les nationalistes modérés, soit :

  1. Permettre au Québec de percevoir des impôts fédéraux au nom d’Ottawa afin que les Québécois puissent produire une seule déclaration fédérale-provinciale chaque année plutôt que les deux qu’ils sont actuellement tenus de déposer.
  2. Donner au Québec plus de pouvoir en matière de culture et d’immigration.
  3. Sévir contre l’afflux de demandeurs d’asile irréguliers, qui est devenu un problème particulier au poste frontalier de Lacolle, au Québec.

L’élection partielle est intervenue alors que Trudeau était embourbé dans un conflit commercial avec le président américain Donald Trump. La circonscription est située dans la région du Saguenay au Québec, le cœur de l’industrie de l’aluminium de la province.

Trump a imposé un droit de douane de 10% sur les importations d’aluminium et de 25% sur l’acier, en se fondant sur la sécurité nationale. Trudeau a qualifié cela d ‘« insultant envers le Canada » et a juré d’imposer des tarifs dollar pour dollar sur une série d’exportations américaines au Canada, à compter du 1er juillet.

Même si les sondages d’opinion suggèrent que les Canadiens se sont ralliés derrière Trudeau, la question n’a pas aidé les Libéraux lors de cette élection partielle.

Les Conservateurs ont habilement augmenté leurs chances dans la circonscription en choisissant Martel comme candidat, un entraîneur de hockey junior bien connu qui était le candidat le plus en vue dans la course. Un candidat local bien connu peut être particulièrement influent lors d’une élection partielle, alors que les électeurs savent que leur choix ne fera aucune différence quant à savoir quel parti forme le gouvernement.

Le résultat de lundi est une très mauvaise nouvelle pour le chef du NPD, Jagmeet Singh, dont les efforts pour relancer son parti n’ont donné jusqu’à présent aucun résultat tangible.

C’est d’autant plus de mauvais augure pour le NPD qui fera face sous peu à une autre élection partielle québécoise alors que le prédécesseur de Singh, Tom Mulcair, démissionnera de son siège d’Outremont à Montréal, possiblement en juillet.

La Débandade annoncée de Jagmeet Singh au Québec

Selon Hélène Buzzetti du journal Le Devoir (20 juin), Jagmeet Singh refuse de reconnaître que son turban pose problème au Québec. Certains Québécois au NPD pensent que c’est plutôt son absence de notoriété qui nuit à Singh (mais Andrew Scheer n’est pas très connu des Québécois, lui non plus !) D’autres pensent que Singh est charmant et sympathique, mais que son approche en faveur du multiculturalisme, copiée sur celle de Justin Trudeau, ne passe pas au Québec.

Pendant la course à la chefferie, des militants avaient dit craindre qu’un chef portant des symboles religieux ostentatoires ne passe pas la rampe dans un Québec qui a longtemps débattu de la laïcité.

Ne ratez aucun des articles de Dreuz, inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter.

Lundi soir, le NPD n’a récolté que 8,7% des voix exprimées à l’élection partielle, soit moins du tiers des 30% qu’il avait obtenus en 2015.

M. Singh a commis quelques impairs vis-à-vis de son caucus québécois :

  1. En novembre, deux mois après son arrivée à la tête du NPD, il a soutenu que le bilinguisme anglais/langue autochtone devrait être considéré comme suffisant pour être nommé juge à la Cour suprême du Canada.
  2. La semaine dernière, il s’est désolidarisé du Québec et du Manitoba en soutenant qu’il ne faisait aucun doute qu’Ottawa avait la compétence exclusive pour permettre la culture de la marijuana à domicile (ce que le gouvernement libéral du Québec veut interdire).

Conclusion

Les Libéraux sont en perte de vitesse partout au Canada mais ce n’est rien comparé à la dérouillée subie par le NPD de Jagmeet Singh dans cette élection partielle lors de laquelle il a fait pire que Thomas Mulcair en 2015.

Il est trop tôt pour affirmer qu’Andrew Scheer sera le prochain premier ministre du Canada. En politique, 16 mois c’est une éternité.

Afin de rallier les Québécois, Scheer devra tenir compte de leurs aspirations, de leur spécificité et de leur crainte d’être noyés dans le grand tout anglophone canadien. Il devra aussi rallier l’ensemble des Canadiens et renoncer, comme l’avait fait Stephen Harper, à faire interdire l’avortement (un combat d’arrière garde, mené au Canada par ceux qui sont considérés comme des intégristes religieux).

Jusqu’à présent, Andrew Scheer a fait un sans faute et a joué habilement ses cartes pour infliger une première défaite cuisante aux Libéraux de Justin Trudeau. Ainsi il est maintenant assuré que les Québécois vont l’observer et le prendre au sérieux.

C’est déjà pas mal, compte tenu du fait qu’il était peu connu des Québécois en mai 2017 lorsqu’il est devenu le chef des Conservateurs. C’est surtout mieux que Jagmeet Singh qui fait semblant de croire que les signes religieux ostentatoires (son turban) et son multiculturalisme forcené vont lui faire gagner des points au Québec !

On peut prédire sans risquer de se tromper que la raclée que son parti vient de prendre à Chicoutimi/ Le Fjord n’est qu’un prélude de ce qui va lui arriver en octobre 2019, surtout s’il reste chef du NPD (certains murmurent que le NPD devrait élire un nouveau chef avant qu’il ne soit trop tard).

Pour ce qui est de Trudeau, il peut encore se reprendre s’il obtient une entente d’échanges commerciaux bilatéraux intéressante avec Trump et s’il s’abstient de se déguiser lors de ses prochains voyages.

Pourtant, les Canadiens pourraient se souvenir en octobre 2019 de la taxe carbone (impopulaire), de la légalisation précipitée de la marijuana (qui ne fait pas l’unanimité), de sa politique de portes ouvertes envers les réfugiés, et de son intention de permettre le retour des djihadistes au pays (et de les réhabiliter). Qu’un seul ex-Djihadiste «réhabilité» commette ou tente de commettre un viol ou un attentat et ce serait la fin de la carrière politique de Justin Trudeau.

Les Canadiens ne risquent pas d’oublier non plus que Trudeau avait axé sa campagne électorale sur la promesse de plafonner les déficits budgétaires à 10 milliards $ au cours des trois premières années de son mandat et d’équilibrer son budget en 2019-20. En réalité, son gouvernement a enregistré un déficit de 17,8 milliards en 2016-17, prévoit un déficit de 19,9 milliards pour 2017-18 et de 18,1 milliards pour 2018-19. Selon le ministère des Finances, ce déficit devrait être résorbé en 2045 !

C’est ce côté irresponsable qui risque de causer sa défaite en 2019.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Traduction de Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.

Sources:

  • http://winnipegsun.com/news/national/tories-win-federal-byelection-in-quebec/wcm/885bfb21-86bc-4668-8658-f296ee0a1cc7/
  • https://www.ledevoir.com/politique/canada/530724/le-npd-entame-un-examen-de-conscience
  • http://www.journaldemontreal.com/2018/05/25/la-credibilite-de-mtrudeau

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous