Publié par Magali Marc le 10 juin 2018

Les Conservateurs ont remporté haut la main les élections provinciales en Ontario le 7 mai dernier.

Doug Ford devient Premier ministre de l’Ontario alors qu’il a été élu chef du Parti Conservateur ontarien depuis à peine trois mois. Mais on est en droit de se demander si ce sont les Conservateurs ontariens qui ont gagné ou si ce sont les Libéraux qui ont perdu après 15 ans au pouvoir, surtout à cause de l’impopularité de leur leader, Kathleen Wynne.

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Les raisons de l’impopularité de Kathleen Wynne

Selon Kelly McParland, chroniqueur au National Post (4 juin), Kathleen Wynne est passée en 5 ans de très populaire à totalement détestée pour les raisons suivantes:

  1. Elle a vendu un accès à elle-même et aux membres les plus connus de son cabinet aux plus offrants, considérant les paiements comme des «dons» pour le parti. Lorsque cette pratique a été dénoncée, elle a refusé de reculer jusqu’à ce que la pression publique l’oblige. Cette utilisation flagrante de son bureau pour remplir les coffres du parti n’a fait qu’exacerber le cynisme et la méfiance des électeurs déjà échaudés par son prédécesseur libéral, McGuinty.
  2. Elle s’est pliée aux exigences des syndicats du secteur public, en particulier les syndicats d’enseignants qui ont injecté des dizaines de millions de dollars dans des campagnes destinées à la maintenir au pouvoir. Pour conserver leur soutien, elle a utilisé des fonds publics, finançant des contrats généreux, à coups de millions de dollars qui ont été remis aux syndicats afin de les aider à payer leurs frais de négociation. Sa ministre de l’éducation, Liz Sandals, n’a pas demandé de reçu et, quand elle a été prise la main dans le sac, elle a répondu avec hauteur : «Nous savons ce que coûte la nourriture. Nous savons ce que coûtent 100 pizzas. Nous n’avons pas besoin de voir chaque facture lorsque nous faisons une estimation des coûts ». En fait, les enseignants du secondaire avaient un fonds de réserve de 65 millions de dollars pour payer les coûts de la négociation. La vice-première ministre, Deb Matthews, a admis qu’elle ne connaissait pas ce fonds et elle s’en fichait royalement: «Je ne sais pas si ce fonds existe. Je ne sais pas à quoi ça sert. Je ne vais pas commenter les finances d’OSSTF (Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l’Ontario)» a-t-elle dit.
  3. Le gouvernement de Mme Wynne a traité les critiques avec dédain. Lorsque la vérificatrice générale Bonnie Lysyk a statué que les Libéraux enfreignaient leurs propres règles en utilisant les publicités du gouvernement pour promouvoir le parti, Wynne lui a retiré son droit de veto. Lorsque Mme Lysyk et le Bureau de la responsabilité financière ont tous deux contesté les calculs budgétaires du gouvernement – suggérant qu’ils avaient omis plusieurs milliards de dollars – la Première ministre les a ignorés. Lorsque Mme Lysyk a révélé qu’un projet hydroélectrique de deux milliards de dollars avait coûté deux fois plus que prévu, le ministre de l’Énergie, Bob Chiarelli, a laissé entendre qu’elle était trop faible d’esprit pour comprendre cette question complexe – même si elle a passé dix ans chez Manitoba Hydro. Un comportement aussi condescendant de la part d’un non-libéral aurait provoqué de vives réactions de la part des «progressistes» libéraux qui auraient exigé sa démission, mais Chiarelli étant un libéral, le gouvernement a laissé faire.
  4. Quand elle a succédé à McGuinty, Mme Wynne avait souligné son inquiétude au sujet des finances provinciales. «Il est évidemment essentiel que nous nous attaquions au déficit et atteignions le point où nous rembourserons la dette», avait-elle affirmé. Ensuite, son gouvernement a accumulé déficit sur déficit, ajoutant des dizaines de milliards de dollars à une dette qui avait déjà doublé sous son prédécesseur.
  5. Le gouvernement Wynne avait prévu qu’il y aurait un déficit annuel de 6,7 milliards de dollars en Ontario, qui s’est chiffré en réalité à 11,7 milliards. Des erreurs de calcul similaires ont été commises pour les projections allant jusqu’aux années 2020 et atteignant 50 milliards de dollars. Mme Lysyk, contrainte légalement de réviser les livres avant une élection, a trouvé les chiffres si douteux qu’elle a dit publiquement qu’ils n’étaient pas crédibles, et a accusé le gouvernement de cacher délibérément des documents. C’était une tentative flagrante d’acheter des votes avec de l’argent emprunté, si évidente que les électeurs, insultés, ont compris la ruse et les appuis aux Libéraux ontariens ont encore diminué. Cette magouille reflétait encore une fois la piètre opinion du gouvernement à l’égard des électeurs, et son idée que ces derniers sont trop apathiques, ignorants ou désengagés pour savoir quand ils se font escroquer.
  6. Au cours des cinq années de son mandat, le gouvernement Wynne a régulièrement accordé la priorité aux intérêts du parti avant les intérêts de la province. Hydro One (une compagnie de transport d’électricité) a été vendue pour produire de l’argent rapidement pour des projets de transport en commun, mais des centaines de millions de dollars de revenus annuels produits par ce service public provincial ont été perdus.
  7. Même à ses dernières heures, le gouvernement prenait encore les électeurs pour des imbéciles. La Première ministre Wynne qui a toujours courtisé les chefs syndicaux, s’est mise en frais d’alerter les électeurs qu’un gouvernement néo-démocrate aurait des rapports beaucoup trop amicaux avec les syndicats.
  8. Après avoir empilé déficit sur déficit, sans égard aux critiques, Mme Wynne a promis que tous les futurs surplus budgétaires serviraient à éponger la dette. Manque de pot, le programme de son parti ne prévoyait pas d’excédents qui lui permettraient de tenir cette promesse.

Le gouvernement de Mme Wyne s’est montré autosatisfait, méprisant les opposants, ayant peu de considération pour les générations futures quand les intérêts du parti étaient en jeu, avec un niveau d’hypocrisie à couper souffle.

Les Libéraux ont prétendu en campagne électorale que Doug Ford allait diriger son gouvernement de manière à faire profiter ses «riches amis», alors qu’en mars les mêmes Libéraux avaient annulé, in extremis, un programme de subventions qui prévoyait verser jusqu’à 14 000 $ à des millionnaires qui achèteraient des voitures de sport d’une valeur de 150 000 $.

Conclusion

La preuve que les électeurs ontariens ne sont pas idiots: non seulement le parti de Mme Wynne a remporté seulement 7 circonscriptions, mais les Libéraux sont arrivés en deuxième position dans seulement 28 circonscriptions – dans toutes sauf une, le Libéral était un candidat sortant. Dans 85 circonscriptions, le candidat libéral sortant est arrivé troisième. Dans la majeure partie de l’Ontario, les Libéraux n’ont pas seulement perdu leur circonscription, ils n’ont plus assez d’emprise sur l’électorat pour être concurrentiels la prochaine fois.

Les élections qui ont duré 30 jours ont été marquées par des manœuvres malveillantes et une campagne de peur de la part des Libéraux et des Néo-Démocrates. Ils ont présenté Ford comme un populiste, le Trump de l’Ontario. Selon leur propagande, Doug Ford allait couper dans les services et se débarrasser de 200 000 fonctionnaires, démolissant les services de santé et d’éducation.

Élus avec une la forte majorité de députés progressistes-conservateurs qui le soutiennent, le nouveau premier ministre Doug Ford a pour mandat de mettre fin à 15 années de politiques libérales en matière d’impôts et de dépenses qui ont fortement endetté les contribuables ontariens.

La leader néo-démocrate Andrea Horwath, devenue cheffe de l’opposition plutôt que Première ministre, aurait mené l’Ontario dans la même voie de garage que la Première ministre Kathleen Wynne et ses Libéraux.

En entrant en fonction, Doug Ford et ses députés conservateurs héritent des dommages économiques causés par les Libéraux: gaspillage, incompétence, scandales, récompenses aux amis.

Ces derniers ont transformé l’Ontario, autrefois moteur économique du Canada, en l’un des gouvernements régionaux les plus endettés du monde, exigeant des paiements d’intérêts de 12,5 milliards de dollars chaque année, entraînant des tarifs d’électricité vertigineux, de la médecine de couloir, et des infrastructures publiques en détérioration.

Ford a promis de réduire le fardeau fiscal des Ontariens et d’équilibrer le budget au cours de son premier mandat, sans licencier les fonctionnaires, en commençant par trouver des économies de 6 milliards de dollars au gouvernement.

Afin de redresser le navire, il faudra que Ford négocie avec des syndicats puissants du secteur public qui le combattront à chaque tournant.

Ce sera un travail difficile et ingrat, surtout étant donné les nouvelles histoires d’horreur financière que nous allons entendre maintenant que les Libéraux ne peuvent plus les cacher.

La mauvaise gestion des Libéraux en Ontario et leur défaite cuisante aux élections auront forcément des répercussions sur Justin Trudeau au niveau fédéral dont la cote est déjà en baisse.

Les Libéraux de Philippe Couillard feront face à des élections cet automne au Québec et tout indique qu’ils seront battus par un parti de centre-droit, la Coalition Avenir Québec (CAQ) de François Legault.
Les mauvaises nouvelles risquent de continuer à pleuvoir en 2019 pour Trudeau, car en mars/avril, le gouvernement NPD de Rachel Notley en Alberta risque fort d’être battu par les Conservateurs de Jason Kenney.

Trudeau a désespérément besoin de bonnes nouvelles et une entente avec Trump sur les échanges commerciaux canado-américains pourrait constituer la seule bouée de sauvetage qui lui reste.
Ça et plus de gaffe ni de voyage dans des pays exotiques avec déguisements…

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © et traduction Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.

Sources:

https://www.thestar.com/opinion/editorials/2018/06/07/reality-will-quickly-bite-for-doug-fords-new-pc-government-in-ontario.html

Kelly McParland: The Liberals don’t know why Wynne is unpopular. Maybe I can help with that

EDITORIAL: With Ford’s victory the hard work begins

https://www.macleans.ca/politics/how-doug-ford-did-it/

http://www.journaldemontreal.com/2018/06/07/les-conservateurs-de-doug-ford-remportent-les-elections-en-ontario

Ontario election live results: How did your riding vote?

http://torontosun.com/news/provincial/levy-doug-ford-drives-big-blue-machine-to-victory#Echobox=1528431316
https://www.macleans.ca/opinion/kathleen-wynne-exits-as-she-governed-a-micro-manager/

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