Publié par Abbé Alain René Arbez le 14 juillet 2018

Que ce soit Daesh ou d’autres groupes islamiques combattants, l’islam radical reste omniprésent dans cette région où les conflits entre factions belliqueuses concurrentes n’en finissent pas. Dans les siècles précédents, la religion mahométane s’est acharnée à éradiquer les chrétiens de cette terre mésopotamienne où ils furent majoritaires. Cette situation locale dramatique, médiatisée depuis 10 ans sous l’angle d’événements militaires, devrait inciter à connaître le passé de ce pays meurtri, afin de comprendre de quelle manière son avenir a été bafoué et compromis.

L’Iraq d’aujourd’hui est en effet un état récent : c’est une création des Occidentaux voulant répondre à la conjoncture du début du 20ème siècle, après l’effondrement de l’Empire ottoman et face à un nationalisme arabe en effervescence. Anglais et Français ont cherché à imposer une transition à la région en arbitrant la concurrence interne à l’islam entre musulmans turcs et arabes, mais cela s’est fait hélas sur le dos des chrétiens. Aujourd’hui les Occidentaux sont dépassés par l’affrontement entre sunnites et chiites à l’intérieur d’une plus vaste conflagration. A part les opérations russes récentes en Syrie et leurs importantes conséquences collatérales, il n’a pas été possible de modifier le chaos régional où il est bien difficile de s’y retrouver.

C’est donc au début du 20ème siècle – époque marquée par le génocide arménien et chaldéen perpétré par les Ottomans (2 millions de victimes chrétiennes) – que fut créée la Jordanie sur 70% de l’ancienne Palestine historique, et qu’à l’instigation de Churchill, furent dessinées, sur des territoires assyro-chaldéens, arabes, kurdes et perses, les frontières de l’Iraq actuel …

Si cela eut pour effet de calmer le jeu des revendications nationalistes arabes, au prix de l’oubli des Kurdes et de leur ancien territoire, le Kurdistan, la communauté historique des chrétiens autochtones (assyro-chaldéens) fut marginalisée et condamnée dès lors à la disparition progressive. Alors qu’il avait été question de donner naissance à un état assyro-chaldéen pour assurer la survie des autochtones chrétiens, la SDN en 1925 n’eut pas le courage de donner suite au projet. Suite aux spoliations kurdes des plaines fertiles habitées par les chrétiens, c’est le Hakkâri, bastion montagneux de repli pour les persécutés, et continuellement harcelé par les Kurdes, fut rattaché à la Turquie.

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Ce problème spécifique de survie pour les chrétiens indigènes de culture syriaque a commencé à vrai dire à une époque déjà ancienne: car il y a environ vingt siècles, la Mésopotamie était un vaste territoire de riche civilisation héritée de l’antiquité. Une population nombreuse, composée de Juifs depuis l’exil à Babylone, et de Zoroastriens présents depuis des siècles, avait vu se développer sur ce terreau favorable de très nombreuses communautés chrétiennes dynamiques : Assyriens, Chaldéens, et Nestoriens, parlant tous une langue hébraïque semblable à celle de Jésus: l’araméen.

L’invasion brutale de l’islam au 7ème siècle dans cette région judéo-chrétienne florissante a (malgré quelques rares périodes tolérantes) provoqué le déclin inexorable des non-musulmans. En raison du djihad, fer de lance de la colonisation islamique, les chrétiens ainsi que les juifs disparurent progressivement au gré des persécutions, mises en esclavage, expropriations, conversions forcées, etc.

Pourtant, sous l’empire abbasside aux 8ème et 9ème siècles, Bagdad était devenue un centre islamique réputé. Mais on a souvent occulté le fait que cette gloire fièrement revendiquée par l’islam était essentiellement due aux chrétiens locaux enrôlés par les califes et sultans. C’est en raison de leurs connaissances bibliques (hébreu et grec) que les nestoriens furent appelés à traduire en arabe les œuvres majeures de la science et de la philosophie gréco-romaine. Humaïn al Hishaq, célèbre intellectuel chrétien, animait la “maison de la sagesse” du calife de Bagdad Al Mamoun. Le premier ouvrage d’ophtalmologie écrit en arabe le fut par le chrétien Youhanna Ibn Massawayh, médecin personnel d’Haroun al Rachid.

Ainsi, les chrétiens, utilisés par les califes comme ressources d’appoint pour développer leur civilisation, étaient en fait des “dhimmi”, citoyens inférieurs pour lesquels la considération était variable et aléatoire. De nombreux épisodes sanglants marquèrent cette région au fil des décennies, par exemple avec Tamerlan, qui enterra vivants des milliers de chrétiens, ou encore le féroce Sélim 1er et d’autres sultans qui massacrèrent massivement les populations chrétiennes de Mésopotamie occupée.

Dès lors, cette terre qui avait été spirituellement et culturellement rayonnante devint peu à peu, sous domination arabe puis turque, le plus grand champ de ruines de monastères et d’églises, et aussi le plus grand cimetière chrétien du Moyen-Orient, selon l’expression de l’historien jésuite le père J.M. Fiey.

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Qui aujourd’hui se souvient du rayonnement pluriséculaire de cette région du Moyen Orient? Les désastres séculairement successifs ont été totalement occultés par une arabisation forcée au temps de la dictature de Saddam Hussein, sous les yeux d’une Europe plus soucieuse de ses alliances commerciales et de ses moyens énergétiques, que des fondements d’anciennes valeurs humanistes et spirituelles aujourd’hui reniées.

La libération de Mossoul par l’armée irakienne aidée par les Américains n’est qu’une étape significative d’un long processus. Celui-ci a été au long des siècles celui de la destruction progressive par l’islam d’une foi et d’une culture préexistantes, selon laquelle l’être humain avait encore une valeur inestimable et où la Paix biblique restait l’horizon d’avenir.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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