Publié par Guy Millière le 15 juillet 2018

Il est inutile de commenter ce que disent les Démocrates américains sur quelque sujet que ce soit. Les discours qu’ils tiennent sont de plus en plus délirants.

Ce serait inquiétant s’ils avaient la moindre chance de revenir au pouvoir, mais plus le temps passe et plus les délires s’accentuent, plus je pense qu’ils sont destinés à rester dans l’opposition pour un temps assez long. Ce qu’ils disent de la réunion de l’OTAN à Bruxelles, et de la suite du voyage de Donald Trump en Europe n’a donc strictement aucune importance.

Il est peut-être un peu plus utile de commenter ce qui se dit sur le sujet en Europe. Les titres que j’ai pu lire dans la presse française sont éloquents : “Trump tire à boulets rouges sur ses alliés européens”, “Trump va t-il tout casser à l’OTAN ?”, ou encore ce joyau qui montre qu’on a affaire à un penseur profond :  “Le président américain n’est pas un cérébral, mais il a une vision du monde cohérente qui peut se résumer à une formule :  Nous sommes l’Amérique, putain !” (je n’invente rien).

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Disons donc ce qui doit l’être :

  1. L’OTAN a été créée sur la demande des pays d’Europe occidentale, qui craignaient une invasion soviétique, en 1949. L’objectif était essentiellement de préserver les pays européens membres de l’Alliance et de les placer sous la protection de la puissance américaine. Les Etats-Unis qui aidaient déjà très généreusement les pays européens concernés par le biais du plan Marshall, et qui avaient posé les bases d’une coopération économique entre ces pays ont accepté d’accorder cette protection. Ce fut un accord gagnant-gagnant dans le cadre duquel les pays européens concernés furent effectivement protégés et les Etats-Unis purent endiguer l’avancée soviétique en Europe. Les pays européens concernés purent se reconstruire. Il y eut des accrocs (la décision du Général de Gaulle de quitter l’OTAN en 1966, la réticence de plusieurs pays de l’OTAN à riposter à l’installation de missiles SS 20 soviétiques pointés vers l’Europe occidentale en 1982-83) mais l’accord tint. L’Union Soviétique fut effectivement endiguée.
  2. La chute du mur de Berlin, puis l’effondrement de l’empire soviétique firent changer les paramètres. Les différences qui étaient déjà présentes (les dirigeants d’Europe occidentale à l’époque étaient plutôt sur une ligne d’apaisement et très pro-Gorbatchev, guère pro-Reagan, à l’exception de Margaret Thatcher) se sont creusées. Elles sont devenues flagrantes après les attentats du onze septembre 2001. Des dirigeants d’Europe occidentale ont mis en place assez vite un axe anti-américain (Chirac-Schroeder-Poutine). Il est devenu évident que les dirigeants de la plupart des pays d’Europe occidentale avaient une vision du monde assez éloignée de celle prévalant assez largement aux Etats-Unis. La présidence Obama a occulté les fissures, car Obama, premier (et, espérons-le, dernier) Président anti-américain des Etats-Unis, était sur des positions d’apaisement qui étaient celles des Européens, et tout comme il y eut une “gorbymania” en Europe occidentale au temps de Gorbatchev, il y eut une “obamania” au temps d’Obama.
  3. Trump dans ces conditions procède à un ensemble de constats tous très exacts :
    1. Les Etats-Unis paient 70 pour cent des dépenses militaires de l’OTAN aux fins de continuer à protéger l’Europe, alors que les principaux pays d’Europe membres de l’OTAN paient très peu, tout particulièrement l’Allemagne,
    2. Tout en prétendant être alliés des Etats-Unis, les principaux pays d’Europe membres de l’OTAN ont des comportements très douteux sur plusieurs dossiers :
      • Ils continuent à vouloir entretenir des relations commerciales avec la République Islamique d’Iran, malgré les implications de celle-ci dans le terrorisme islamique et dans les guerres qui ravagent la Syrie et le Yémen, et ils veulent sauver un “accord” indigne qui ne peut que permettre à l’Iran d’accéder à l’arme nucléaire,
      • Ils ont des positions anti-israéliennes et continuent à soutenir obstinément l’Autorité Palestinienne bien qu’elle n’ait aucunement cessé d’être une organisation terroriste incitant à l’assassinat de Juifs et récompensant les assassins,
      • Tout en prétendant vouloir encore endiguer la Russie, ils se livrent à des transactions commerciales avec celle-ci, qui contredisent la politique de sanctions qu’ils prétendent maintenir, et c’est particulièrement le cas de l’Allemagne encore une fois, qui, par le pipeline Nord Stream, accepte un approvisionnement énergétique venant de Russie qui contourne l’Ukraine (censée être soutenue par l’Europe) et met les pays baltes et la Pologne, membres de l’OTAN comme l’Allemagne, à des pressions russes. Trump dit que l’Allemagne se place en position d’être contrôlée par la Russie, et ce qu’il dit est vrai. Soixante-dix pour cent des fournitures énergétiques de l’Allemagne viennent de Russie, et le discours de l’Allemagne qui parle de “fermeté“ envers la Russie tout en se plaçant en situation de dépendance énergétique vis-à-vis d’elle, et tout en payant grassement ce qu’elle lui achète, est un double discours absolument hypocrite.
    3. S’ajoute à tout cela le comportement économique inadmissible de l’Union Européenne vis-à-vis des Etats-Unis, qui n’est pas du tout un comportement d’alliés. Des produits américains ne peuvent pénétrer sur le marché européen, d’autres sont très taxés. Voir les Européens accuser Trump de livrer une “guerre commerciale” est un discours éhontément mensonger. Tout en tirant avantage de la défense américaine, l’Union Européenne depuis des années vend ses produits aux Etats-Unis au nom du libre-échange, mais empêche ou freine l’entrée de produits américains en Europe.
  4. Sur la base de ces constats, Trump demande clairement aux pays européens membres de l’OTAN de contribuer aux dépenses de défense à hauteur de leurs engagements, et il leur suggère même d’aller au-delà aux fins de cesser de se comporter en assistés et de tirer avantage de la défense américaine. Il leur demande de se comporter en alliés dignes de ce nom sur les dossiers ci-dessus indiqués, en leur demandant s’ils sont vraiment alliés ou s’ils jouent un double jeu (pour l’heure, ils jouent un double jeu). Il entend que les missions de l’OTAN soient redéfinies et que les pays européens membres de l’OTAN respectent la redéfinition. Il entend enfin que les pays d’Europe se comportent aussi en alliés en matière économique et dit que le libre-échange doit marcher dans les deux directions sans quoi ce n’est plus du libre-échange. Il a raison sur tous ces points.

Il ne remet pas en cause l’OTAN.

Il pense, à juste titre, que ce sont les pays d’Europe occidentale membres de l’OTAN qui ont réduit l’OTAN à un marché de dupes pour les Etats-Unis et qui, ainsi, remettent en cause l’OTAN.

Il demande aux pays concernés une droiture et un respect des engagements qu’ils ont pris. Il les place face à leurs responsabilités.

Il sait que les pays du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, Republique tcheque, Slovaquie) et les pays baltes se comportent comme ils le doivent. Il attend la même chose de la France et, surtout, de l’Allemagne. Il le fait en Président de la première puissance du monde occidental et de Président de la premiere puissance du monde tout court. Rien de plus normal. Trump est un dirigeant, un vrai, pas un personnage en papier maché.

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Que  les médias français et européens n’expliquent pas tout cela ou très insuffisamment est extrêmement grave, car médias français et européens retirent ainsi aux populations auxquelles ils s’adressent les moyens de pleinement comprendre.

Un modelage des opinions s’opère en Europe occidentale. L’anti-américanisme remonte en puissance, en Allemagne particulièrement, mais aussi au Royaume Uni, et il n’est pas absent en France.

On entend monter des discours parlant d’une défense européenne qui serait rendue “nécessaire” parce que Trump est censé “abandonner l’OTAN”. Ce sont les pays d’Europe occidentale qui, à des degrés divers abandonnent l’OTAN, et les prétentions à constituer une défense européenne seraient risibles si elles n’étaient pas délétères.  Deux armées en Europe occidentale gardent quelques capacités opérationnelles (et encore, avec de grosses limites) : les armées française et britannique, les autres armées d’Europe sont pathétiquement asthéniques et incapables de défendre leurs territoires.

A moins d’un effort financier considérable qui mettrait des années à porter ses fruits, une “défense européenne autonome” ne serait pas une défense du tout et livrerait l’Europe à l’axe Pékin-Téhéran-Moscou qui a visiblement les faveurs d’Angela Merkel (même si elle dit le contraire, les actes parlent). Un nombre croissant d’Européens en Europe occidentale semblent tentés, les Européens d’Europe centrale le sont beaucoup moins. Ils ont passé plus de quatre décennies sous la botte soviétique et savent le prix de la liberté. Bien trop d’Européens en Europe occidentale semblent prêts à prendre la route de la servitude. C’est inquiétant. Ce n’est que l’un des multiples signes du déclin de l’Europe.

© Guy Millière pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

PS : Entendre des commentateurs européens dire que l’OTAN repose sur des “valeurs communes” dont Donald Trump ferait peu de cas en demandant aux Européens de payer pour leur propre défense fait sourire : se conduire en assistés fait peut-être partie des valeurs européennes, cela ne fait pas partie des valeurs d’une Amérique qui retrouve ses valeurs. Se conduire en carpette servile devant l’abject régime iranien fait peut-être partie aussi des valeurs européennes, cela ne fait pas partie non plus des valeurs d’une Amérique qui retrouve ses valeurs.

Je reviendrai sur le passage de Donald Trump au Royaume Uni dans un prochain article.

La photo que j’ai mise en illustration correspond pleinement à la situation : Trump regarde dans une direction, les Européens présents regardent en sens inverse.

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