Publié par Mireille Vallette le 16 juillet 2018

Une criminelle de l’EI témoigne, ainsi que son compagnon. Ils veulent revenir en Suisse, mais ne condamnent pas clairement le califat et ses atrocités.

La presse a révélé fin juin que trois femmes affiliées à l’Etat islamique, deux de la région de Bienne et une de Lausanne, sont retenues par des groupes kurdes en Syrie. L’une d’elles s’est déjà répandue dans la presse réclamant de revenir en Suisse avec sa fille de 15 mois. D’abord empathiques, comme le montre cet article, la TSR par exemple ayant appelé à la compréhension en interviewant un activiste de UN Watch, les journalistes ont réalisé au fil des articles que la djihadiste regrette beaucoup, mais ne peut se résoudre à condamner l’EI. La coupable serait plutôt la Suisse qui a interdit les minarets, empêche de porter le voile dans de nombreux lieux et est hostile aux musulmans.

«Selina», 29 ans, d’origine bosniaque naturalisée suisse, étudiait le droit. Elle vit aujourd’hui dans un camp de réfugiés au nord de la Syrie avec 370 femmes, dont 100 étrangères et 700 enfants. Elle aimerait tant revenir en Suisse et que celle-ci lui donne une « deuxième chance » ! Les Kurdes pour qui cette charge est lourde, même si des ONG ravitaillent de manière spartiate le camp, aimeraient bien que les pays européens reprennent leurs ressortissants. Les autorités concernées un peu moins.

La Confédération a recensé 93 personnes qu’elle considère comme des voyageurs du dhihad, 32 sont décédés, 16 sont revenus.

Selina souffre : la nourriture est monotone. Elle avait l’habitude de manger tous les jours des spaghettis au thon et voilà qu’elle n’a plus de thon!

Qu’est-ce qui l’a poussée à rejoindre l’EI avec son compagnon ? Elle s’ennuyait, dit-elle, rêvait d’aventure et d’aide au peuple syrien. Et l’EI promettait une maison, de l’argent… Le couple s’est marié religieusement à la mosquée de Renens, ce qui est interdit. Selon le journaliste, « à l’évidence, elle ne nous dit pas tout ce qu’elle sait au sujet de leur environnement islamiste en Suisse ».

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En 2015, le couple passe par la Turquie, rejoint l’EI et est envoyé à Mossoul. C’est une déception, mais « pas à cause des atrocités de Daech, ni des innombrables personnes qui ont été brutalement assassinées. Toutes ces victimes, Selina ne les mentionne pas ». Elle critique brièvement l’esclavage et le fait que des églises ont été enlevées aux chrétiens. Elle en veut au califat qui n’a pas tenu ses promesses, mais refuse de le considérer comme terroriste, car d’autres le sont bien plus. « Et elle a toujours une certaine compréhension pour les attaques commises en Europe ». Ce n’est pas plus condamnable que les gens qui meurent dans les rues de Raqqa. Elle estime même que les attentats de Paris sont des représailles légitimes aux frappes aériennes occidentales contre Daech.

Là-bas, elle faisait le ménage et regardait des séries occidentales qui témoignaient de la décadence des mœurs.

 

«Je n’ai jamais tué personne»

Son compagnon est appelé Abu Wael al-Swissri et n’est pas en reste. « 20 Minuten », quotidien alémanique, a fait depuis sa prison de Syrie une interview reprise par « 20 Minutes ». Il est dans une cellule en compagnie de 20 autres détenus, eux aussi sous la surveillance des YPG. D’origine bosniaque, naturalisé suisse, il avait quitté un apprentissage et était à l’aide sociale en Suisse. « Il dit s’être radicalisé après avoir rencontré des extrémistes bosniaques à Lausanne, plus précisément dans la mosquée de Prélaz. »

Arrivé avec Selina en Irak, il refuse de participer aux combats. Il affirme avoir été alors considéré comme une personne indisciplinée, qui ne respecte pas la loi.

Le djihadiste dit n’avoir jamais tué personne, mais répond mollement à la question de savoir si une vie dans le califat justifiait toutes ses atrocités. « Vous comprenez, l’EI fait miroiter un monde plein de possibilités pour les musulmans. Je croyais m’engager dans un combat juste. » Le pense-t-il toujours aujourd’hui, questionne la journaliste : « Non. Je ne sais plus ce que je dois croire. »

Des documents saisis par l’armée irakienne indiquent que al-Swissri aurait justifié son refus de combattre par des problèmes à un genou. Les papiers indiquent aussi qu’il sait manier des lance-roquettes et des mitrailleuses. « Lui avait pourtant assuré à nos confères qu’il savait uniquement se servir d’une kalashnikov. » Le djihadiste ne s’explique pas cette contradiction: «J ‘ai de gros trous de mémoire depuis que j’ai rejoint l’EI. Mais je suis certain que je n’ai jamais tué personne. »

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Le criminel, on le comprend, a lui aussi une forte envie de retourner en Suisse. « Si je dois encore rester plusieurs années ici, je préfère mourir d’une balle dans la tête (…) Je suis prêt à payer pour ce que j’ai fait. J’irai aussi dix ans en prison en Suisse s’il le faut. »

Il est vrai que la punition en Suisse serait légère. Notre droit oblige à prouver les crimes, et une participation à une organisation criminelle est sanctionnée de cinq ans au maximum. En 2016, le premier djihadiste revenu de Syrie, au nom étrangement similaire à celui de notre Biennois, Abu Mahdi Al-Swisri, n’a écopé que de 600 heures de travail d’intérêt général avec sursis, assorties d’une psychothérapie.

Des témoignages parmi d’autres qui illustrent cette réalité : le califat promettait une vie dorée à des jeunes gens bien matérialistes, qui n’expriment pas la moindre sensibilité aux atrocités dont ils se sont fait les complices. Si un tribunal pénal existait pour l’EI, chaque djihadiste devrait être condamné pour complicité de crime contre l’humanité.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Mireille Vallette pour Dreuz.info.

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