Publié par Abbé Alain René Arbez le 29 juillet 2018

Pour parler de la relation entre l’Eglise catholique et le judaïsme, il faut rappeler que nommer « Israël » recouvre une réalité plus grande que l’Etat hébreu réapparu en 1948 dans le concert des nations. Israël est d’abord le nom donné par Dieu au patriarche Jacob, c’est un nom théologique qui s’applique ensuite au peuple issu d’Abraham, constitué autour des dix paroles du Sinaï lors de la sortie d’Egypte, et dont les membres seront appelés « juifs » après le retour d’exil.

La dimension spirituelle est inséparable de la dimension culturelle et politique, même s’il est nécessaire de faire la distinction en fonction du sujet abordé. Le peuple d’Israël a existé dans sa souveraineté durant quelques siècles, puis à la suite d’invasions et de persécutions, il a perduré dans la dissémination de la diaspora pour renaître politiquement après la 2ème guerre mondiale sans que le fil conducteur de son identité n’ait été rompu au cours de ces périodes éprouvantes. Israël désigne donc aujourd’hui une réalité culturelle, religieuse et politique plurimillénaire dont l’existence a réussi à échapper aux tragédies de l’histoire les plus sombres telles que les massacres, les pogroms, la shoah, l’acharnement antisémite. Beaucoup de juifs et de chrétiens considèrent ce parcours hors du commun du peuple d’Israël comme un signe relevant de la transcendance et un message fort pour notre époque en proie aux menaces multiples. Les chrétiens dont l’héritage spirituel est issu d’Israël ne peuvent pas rester indifférents à une réalité autre qui les concerne, puisque leurs textes sacrés sont partagés en commun avec le judaïsme. Souvent mal comprise, la relation qu’entretient le judaïsme avec le politique est facilement critiquée par certains milieux chrétiens encore marqués par la mésestime obstinée des siècles antérieurs. Cette relation devrait au contraire inciter les chrétiens à réévaluer leur propre histoire et à vérifier l’ancrage de leurs modes de pensée. Le fait est que le Concile Vatican II a opéré un changement radical dans les relations qui prévalaient entre catholiques et juifs jusqu’à la promulgation déterminante de Nostra Aetate en 1965. L’intervention de Jules Isaac auprès du pape Jean XXIII a mis fin à l’enseignement du mépris et a permis d’établir, à travers le Concile, un rétablissement permanent des relations entre Eglise et peuple juif. De multiples rencontres et groupes de travail en sont nés.

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Le changement de regard de l’Eglise sur les juifs est un enjeu majeur. La vision antijudaïque qui a terni les relations intercommunautaires durant des siècles a eu pour effet de réduire considérablement la résistance des chrétiens face à la montée en puissance du nazisme et sa criminalité de masse. Il s’agit aujourd’hui de neutraliser les séquelles persistantes de l’antisémitisme traditionnel. Lorsque le pape Jean Paul II a déclaré à Mayence en 1980 que « l’alliance de Dieu avec Israël n’avait jamais été révoquée », il a résumé le nouveau regard théologique enclenché par Vatican II, en employant selon le cardinal Villebrands une « formule théologique remarquable ». Il est vrai que suite aux retrouvailles, l’Eglise peut développer avec le peuple juif une relation qu’elle n’a avec aucune autre religion. En 2001, la commission biblique pontificale a justement édité un travail intitulé « les Saintes Ecritures du peuple juif dans la bible chrétienne ». La préface était signée du cardinal Ratzinger, soulignant la continuité entre Premier et Nouveau Testaments ainsi que les liens unissant Eglise et Synagogue. Il s’agit en effet du même Dieu, créateur et sauveur. A cette lumière, l’ouvrage romain rappelle que les ruptures du passé n’auraient jamais dû se produire entre Synagogue et Eglise, c’est une fracture contraire à la manifestation de l’Esprit Saint. Le travail de la commission biblique recommande aux catholiques l’étude des textes sacrés en tenant compte de la perception juive des Ecritures et des riches commentaires de cette tradition. Il y a là une part importante de l’héritage commun. On peut ainsi retrouver l’élan initial qui a donné lieu à la formulation de la foi chrétienne dans son milieu d’origine. Le cardinal Ratzinger soulignait le fait que chaque fois que des catholiques se rapprochent du peuple juif, ils prennent conscience de ce qui fonde leur conviction chrétienne, ils redécouvrent que, venus du paganisme, ils ont été introduits au Messie d’Israël par la foi biblique. L’espérance reçue d’Israël par les chrétiens anime encore le peuple juif d’aujourd’hui. C’est le signe de la fidélité de Dieu qui assure la pérennité de l’alliance dans le monde, et le monde catholique a besoin – pour retrouver le vrai visage de son Christ – d’entendre le témoignage des prophètes hébreux ainsi que d’accueillir la clairvoyance des sages d’Israël. Le cardinal Ratzinger estime qu’un christianisme sans racines se dessécherait en philosophie religieuse, en gnose sans profondeur, alors que la révélation authentique relie l’histoire avec le mystère de la Présence qui dépasse infiniment les limites de la raison.

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Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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