Publié par Magali Marc le 24 juillet 2018

Justin Trudeau a vu sa cote de popularité remonter (temporairement) depuis qu’au sommet du G7, il a fait semblant d’affronter Donald Trump.

En baisse depuis plus d’un an, la cote de popularité de Justin Trudeau a gagné 12 points par rapport au mois de mars, sa gestion étant à nouveau approuvée par une majorité de Canadiens (52 %), d’après deux sondages de l’institut Angus Reid. Par contre, au niveau des intentions de vote, ce sont toujours les Conservateurs d’Andrew Scheer qui mènent.

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M. Trudeau, après avoir “courageusement” attendu le départ du président américain, avait répété lors de la conférence finale du sommet que ces droits de douane, imposés au nom de “la sécurité nationale” des États-Unis, étaient “insultants” au regard de l’histoire des relations entre les deux pays.

Ainsi Trudeau, louangé dans les tous médias (même Richard Martineau dans le Journal de Montréal!) s’est servi du sentiment patriotique des Canadiens pour les inciter à boycotter les produits américains et à favoriser des produits canadiens.

Puis Trudeau a décrété qu’il imposera des surtaxes sur des produits courants importés des États-Unis tels que le ketchup, le papier de toilette, les tondeuses à gazon, les bougies, etc., ce qui aura pour effet d’en augmenter le prix pour les consommateurs canadiens.

Seul l’ex-Premier ministre Stephen Harper a réalisé que Justin Trudeau cherchait uniquement à marquer des points auprès de l’électorat canadien en se montrant ferme face à Donald Trump et en refusant d’en arriver à une entente sur l’ALÉNA.

Déjà en octobre 2017, c’est à dire bien avant le sommet du G7, M. Harper critiquait les Libéraux de Justin Trudeau, leur reprochant notamment d’avoir rejeté d’emblée les propositions des Américains, d’avoir insisté pour négocier avec Mexico, et d’avoir profité des discussions pour faire la promotion d’idées progressistes concernant le travail, l’égalité de sexes, l’environnement et les autochtones.

L’ancien premier ministre soutenait alors que les pourparlers se passaient “très mal”, qu’ils étaient “vraiment en péril”.

Maintenant, l’ex-Premier ministre du Canada n’est plus le seul à critiquer la stratégie de Trudeau en ce qui concerne les négociations de l’Aléna : ce sont les économistes et les gens d’affaires canadiens qui s’inquiètent.

Divers experts sur le sujet, dont la Banque Scotia, disent que le Canada perdrait une guerre commerciale contre les États-Unis.

Pour les lecteurs de Dreuz, j’ai traduit cet article de *Jack. M. Mintz, publié le 12 juillet dans le Financial Post (Le Financial Post est le supplément d’actualité financière et économique du quotidien canadien anglophone The National Post.)

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Le Canada a choisi une stratégie perdante afin de mener une guerre commerciale contre Trump

Alors que les Mexicains viennent d’élire un président de gauche, qu’une guerre tarifaire sévit et que l’espoir de voir aboutir positivement les négociations de l’ALENA s’évanouit, il est temps pour les Canadiens de se faire rappeler à la réalité concernant les questions économiques et stratégiques liées au libre-échange.

Les représailles contre les tarifs du président Donald Trump constituent une mauvaise stratégie, surtout pour un petit pays comme le Canada. Même si nous sommes fiers de nous battre en établissant une réciprocité des droits de douane dans nos échanges commerciaux avec les Américains, c’est nous qui allons souffrir le plus du résultat.

D’abord, n’oublions pas que même si le Canada est la dixième économie au monde, celle-ci ne représente que 2 % du PIB mondial. Nous avons peu d’influence sur les prix mondiaux à l’exception de quelques produits pour lesquels nous contrôlons des parts de marché importantes, tels que la potasse ou l’uranium.

Cela signifie que tout tarif que nous imposons nous fait mal sans réellement faire mal aux autres.

La hausse des prix à l’importation augmente les coûts pour les entreprises et les consommateurs canadiens. Mais les producteurs étrangers bénéficient toujours du même prix net, puisque toute perte de ventes au Canada est facilement compensée par des ventes sur le marché mondial.

Ce point a récemment été soulevé dans un article amusant du Wall Street Journal qui montre les réactions américaines aux nouveaux tarifs imposés par le Canada sur la réglisse, les tondeuses à gazon, les canots pneumatiques, les cartes à jouer et divers autres produits de consommation.

La United States Playing Card Co. a réagi aux tarifs douaniers du Canada en demandant “C’est tout ce que vous savez faire ?”, étant donné que les ventes canadiennes ne représentent qu’une faible part de la demande globale.

D’autres producteurs américains sont un peu plus inquiets, comme Hershey Co., qui fait déjà face à une demande mondiale difficile et dont la clientèle canadienne représente 10 % de ses ventes. Mais dans l’ensemble, même pour le chocolat comme pour de nombreux autres produits, nous sommes encore assez petits par rapport au marché américain.

Les grands pays peuvent jouer selon des règles différentes.

En tant qu’importateur net détenant 20 % du marché mondial, les États-Unis pourraient imposer de manière optimale un tarif qui ferait baisser les prix des produits importés, réduisant ainsi les prix payés aux producteurs d’autres pays.

Le tarif augmenterait donc le revenu national, car les recettes douanières et les prix des produits importés moins élevés compenseraient toute perte économique pour les consommateurs obligés de remplacer les produits d’importation bon marché.

Contrairement aux petits pays, il est optimal pour un grand pays d’imposer des tarifs unilatéralement.

L’intervention commerciale peut également être bénéfique pour un grand exportateur comme la Chine. Pour conquérir des parts de marché, la Chine a fortement subventionné des produits comme les métaux rares, l’acier et l’aluminium. Elle peut maintenant utiliser son pouvoir sur le marché en taxant les exportations.

Il vaut mieux que les petits pays comme le Canada s’engagent dans un libre-échange unilatéral, plutôt que d’adopter des tarifs en guise de représailles. Ce n’est pas parce qu’un autre pays veut gâcher son économie avec des taxes et des subventions que nous devons gâcher la nôtre.

L’Administration Trump (…) tout en disant que ses tarifs sont conçus pour promouvoir la réciprocité dans le libre-échange, a adopté des politiques protectionnistes pour son industrie automobile dans les négociations de l’ALENA. Ce n’est pas du libre-échange.

Mais le Canada n’est pas non plus un pur libre-échangiste. Nous imposons des limites à la propriété étrangère dans les secteurs bancaires et des télécommunications. Nous protégeons les producteurs laitiers, d’œufs et de volaille, qui valent maintenant chacun en moyenne 5 millions de dollars. Et nous limitons les exportations de bois de grume, ce qui réduit les coûts de production de nos produits forestiers.

Les négociations pourraient améliorer le libre-échange autant pour le Canada que pour les États-Unis. La théorie des jeux fournit deux aperçus utiles.

Premièrement, l’usage de la menace de quitter l’ALENA, en vertu de l’idée selon laquelle un pays se porte mieux sans libre-échange

Environ un quart de notre PIB est exporté vers les États-Unis par rapport aux exportations américaines vers le Canada, qui représentent environ deux pour cent du PIB américain. Ainsi, l’ALENA est beaucoup plus important pour nous, ce qui nous laisse peu de pouvoir de négociation.

De plus, le Canada n’a pas de solutions de rechange pour ses principales exportations mondiales dont un tiers provient de l’énergie et de véhicules et de pièces, qui sont vendus massivement aux États-Unis (95 % et 83 % respectivement).

Des règlements interdisant la recherche de marchés alternatifs pour nos exportations de pétrole et de gaz naturel, et les pactes d’automobiles que nous avons signés avec les États-Unis font que nous n’avons aucune marge de manœuvre dans ces secteurs.

Deuxièmement, le jeu à long terme

Les accords de coopération peuvent être mis en œuvre et des stratégies de riposte, telles que d’imposer des droits de douane en guise de représailles, peuvent être adoptées.

Sauf qu’en ce qui concerne Canada, c’est une stratégie perdante.

L’Administration Trump sait pertinemment qu’une guerre commerciale nous ferait souffrir beaucoup plus que les États-Unis.

Imposer des tarifs sur nos automobiles et tuer le pipeline Keystone XL serait bien plus dévastateur que toute politique tarifaire que nous pourrions adopter. De telles représailles ne peuvent pas fonctionner.

Une option consiste à offrir de supprimer les irritants commerciaux sur la base d’un prêté pour un rendu. Le gouvernement canadien a sagement cultivé de nombreux amis influents aux États-Unis qui sont en faveur de l’ALENA. Cependant, il nous faut plus que cela.

Le Premier ministre Justin Trudeau, en tant que président actuel du groupe G7, pourrait reprendre la suggestion de Trump d’éliminer les droits de douane dans les pays du G7. Ou il pourrait offrir d’éliminer certains irritants commerciaux canadiens pour conclure un marché avec nos voisins américains.

Le Canada, un petit partenaire commercial avec peu de pouvoir de négociation, ne peut facilement maîtriser l’art de la négociation (NDT : “The Art of the Deal” est le titre d’un livre signé par Donald Trump et le journaliste Tony Schwartz en 1987).

Si l’ALENA s’effondre et que nous ripostons avec des droits de douane, nous serons le grand perdant. L’objectif principal du gouvernement fédéral consiste à faire en sorte que cela n’arrive jamais.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.

* Jack. M. Mintz est fellow de la School of Public Policy de l’Université de Calgary.

Sources :

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