Publié par Christian Larnet le 9 août 2018

Alors que depuis 2016 les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun sont la proie à des violences de la part de mouvements séparatistes/terroristes, le gouvernement lutte contre les sécessionnistes tout en répondant aux demandes de développement des populations de ces régions.

Le Cardinal Christian Tumi a annoncé le 25 juillet, l’organisation d’une “conférence de paix” à Buéa dans la région Sud-Ouest les 29 et 30 août prochain. Cependant, il y impose des conditions pour le moins surprenantes.

Des pré-requis à des négociations

Le Cardinal Tumi, la plus haute autorité religieuse catholique du pays, archevêque émérite de Douala et anglophone issu de la région Nord-Ouest, s’est déclaré organisateur et négociateur en chef de ce sommet dont le but serait de parvenir à rétablir le calme dans les régions anglophones camerounaises.

Si la démarche peut sembler positive, elle a cependant étonné de nombreux observateurs.

Il a en effet établi une liste de conditions avant même le début des négociations, dont certaines ont suscité l’indignation des populations.

L’une des conditions consiste en la libération de l’ensemble des personnes arrêtées par les autorités camerounaises, sans aucune distinction. Cela inclut tous les des terroristes ayant du sang sur les mains, ayant tué des innocents, tiré sur des policiers ou égorgé des “fidèles du gouvernement”. Un rapport d’Amnesty International a déjà dénoncé les actions violentes commises par les séparatistes. Aucun état au monde ne s’est assis à une table de négociations avec de telles exigences.

De réelles interrogations sont soulevées sur les motivations profondes du Cardinal Tumi. En fin connaisseur des rapports de forces au Cameroun, il sait pertinemment que vis-à-vis d’une population épuisée par les activités terroristes des sécessionnistes et souhaitant la justice, d’une part, et pour des raisons évidentes de sécurités, le gouvernement ne peut en aucun cas accepter ces conditions.

Second point, Monseigneur Tumi sait parfaitement que les autorités camerounaises ne peuvent en aucun cas discuter d’une éventuelle sécession des régions anglophones, alors même que Yaoundé met en place une politique visant à répondre aux demandes d’investissement public de la part de la population. Cette conférence apparaît pour de nombreux observateurs de la politique camerounaise comme un effet de manche dont le but réel est de mettre artificiellement le président Biya sur la défensive, en lui tendant un piège.

 

La faillite morale du Cardinal Tumi

Le Cardinal Christian Tumi est avant tout considéré comme le représentant exclusif de sa région, le Nord-Ouest, et dans ces négociations, il cherche avant tout à en préserver les intérêts, suscitant ainsi l’amertume des anglophones de la région Sud-Ouest. Ainsi, un jeu d’influence entre les deux régions se joue en réalité derrière cette conférence de paix. Le Cardinal a ainsi pris cette décision avec une petite poignée d’individus issus du Nord-Ouest, et les doléances de son voisin du Sud semblent ignorées.

Or donc les habitants du Sud-Ouest s’interrogent. Ainsi, depuis le début des violences en 2016, le prélat à la retraite n’a jamais pris une décision dans le sens de la paix, et n’y a pas consacré ne serait-ce qu’une messe. Pire encore, lorsque l’église a été traînée en justice pour avoir incité à la violence et prêché le boycott des écoles, Msgr Tumi n’a jamais lancé le moindre appel auprès des écoles, en particulier les écoles catholiques, à ouvrir leurs portes.

Cette conférence semble marquer l’échec de la politique séparatiste après deux années de violence, et la conférence de M. Tumi ressemble à une volonté de trouver une porte de sortie en organisant une rencontre aux conditions inacceptables pour le gouvernement.

Mais tout aussi troublant reste la manière dont le Sud-Ouest et ses représentants ont été mis de côté. Ainsi, lors de réunion religieuse, Msgr Tumi aurait pu infirmer les rumeurs concernant les divisions entre les deux régions, pourtant l’Église presbytérienne était représentée par le greffier synodal du Nord-Ouest, alors que son supérieur avait été écarté du fait de ses origines du Sud-Ouest. De même chez les Catholiques, des représentants religieux du Sud-Ouest ont été “oubliés” tel que Francis Teke Lysinge et Andrew Nkea.

Plus grave encore, alors que des décisionnaires locaux de la régiond Sud-Ouest sont encore otage des rebelles, aucun appel n’a été fait par le Cardinal afin de les libérer.

Cette faille morale du Cardinal se retrouve ainsi dans sa gestion de sa vie privée, en particulier de ses deux filles cachées, issues d’une aventure amoureuse à la fin des années 50, soit une petite dizaine d’années avant son ordination. Elles sont toutes deux décédées dans des conditions suspectes, sur fond de détournement d’argent, de chantage, de passe-droit, d’adultère et de népotisme… le tout alors que Monseigneur Tumi était le premier ecclésiastique du pays. Elles avaient, en effet, bénéficié de l’aide de leur père biologique afin d’avoir accès à certaines positions professionnelles.

Il devient donc difficile pour la population anglophone et les observateurs d’accorder du crédit à la volonté du Cardinal Tumi de vouloir faire la paix. Ses méthodes, sa manière de favoriser en permanence le Nord-Ouest sur le Sud-Ouest, son mépris pour les populations de cette dernière région, et ses silences coupables ; n’ont fait qu’accroître la suspicion autour de son soudain désir de faire avancer la paix.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Christian Larnet pour Dreuz.info.

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