Publié par Magali Marc le 14 août 2018

Erdoğan est confronté à sa pire crise économique depuis son arrivée au pouvoir. Le despote turc a pris ces dernières années le contrôle de l’armée, de la police, de la justice et des médias. Il a écarté, un par un, tous ceux qui lui résistaient. Il a fait réformer la Constitution afin de cumuler les pouvoirs de chef de l’État et de chef du gouvernement. Mais c’est justement lorsqu’il a cherché à prendre aussi le contrôle de l’économie que le dérapage a commencé.

Pour les lecteurs de Dreuz, j’ai traduit et adapté cet article de John J.Xenakis, paru sur le site de Breitbart (le 12 août), en utilisant l’article de Yves Bourdillon paru sur le site Les Échos.fr (le 13 août).

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La livre turque s’effondre alors que Trump serre la vis à la Turquie après la trahison d’Erdoğan

La livre turque est en baisse constante depuis un an parce que le président turc Recep Tayyip Erdoğan a affirmé que les taux d’intérêt sont «diaboliques» et parce que sa gestion de la banque centrale turque reflète cette idée.

La livre a déjà perdu 40 % de sa valeur au cours du dernier mois.

Vendredi (le 10 août), la monnaie a encore chuté de 20%, avant de se stabiliser à 14% par rapport au niveau de la veille, avec pour résultat que tout article importé coûte maintenant deux ou trois fois plus cher qu’il y a quelques mois. Le taux d’inflation est supérieur à 15%. De nombreux économistes prédisent depuis des mois que les actions d’Erdoğan vont mener la Turquie à une crise monétaire, est c’est ce qui est en train de se produire. On craint que si Erdoğan n’adopte pas des politiques plus raisonnables, il en résultera une crise économique nationale de grande ampleur.

Au cours de la campagne électorale du 24 juin, Erdoğan a déclaré ce qui suit :

« Si mon peuple me demande de continuer dans cette voie lors des élections, je sortirai victorieux de la lutte contre cette malédiction des taux d’intérêt. Parce que je crois que les taux d’intérêt sont la mère et le père de tous les maux

À la mi-mai, Il a affolé les marchés en estimant devoir reprendre le contrôle de la banque centrale. Il a d’ailleurs modifié en juillet le mode de nomination du gouverneur, tout en nommant à la tête du ministère des Finances son propre gendre. Recep Erdoğan n’a de cesse de dénoncer le « lobby des taux d’intérêt »et de plaider pour une réduction du coût de l’argent en prétendant, contre toute évidence, que cela ferait baisser l’inflation.

il a déclaré : « Nous verrons l’inflation et les taux d’intérêt baisser au cours de la période à venir ».

Ces déclarations ont suscité l’inquiétude des investisseurs pour deux raisons.

  1. Premièrement, une baisse des taux d’intérêt entraînera une hausse de l’inflation, et non une baisse de l’inflation, et combinée à sa déclaration selon laquelle les taux d’intérêt sont « la mère et le père de tous les maux », il est raisonnable de conclure qu’Erdoğan n’a pas la moindre idée de la façon dont l’économie fonctionne. On a déjà vu ce genre de choses dans d’autres pays. Au Venezuela, Hugo Chávez et Nicolás Maduro ont suivi et suivent des politiques qui ont entraîné la destruction économique de leur pays. Au Zimbabwe, la politique de Robert Mugabe consistant à chasser les fermiers blancs hors de leurs fermes et à donner ces fermes à des amis politiques qui n’y connaissent rien a fini par détruire l’économie du Zimbabwe. On ne sait pas si cette politique est toujours en vigueur.
    J’ai écrit de nombreuses fois au sujet de ces pays où un dirigeant stupide et ignorant a détruit l’économie de son pays et éventuellement le pays lui-même. Cela n’est pas encore arrivé à la Turquie, mais Erdoğan est devenu si fanatique qu’il le fera s’il continue sur cette voie.
  2. La deuxième raison pour laquelle les investisseurs sont inquiets est qu’Erdoğan semble déterminé à contrôler la banque centrale en dépit du fait qu’elle devrait être une institution indépendante, comme la Réserve fédérale américaine. Vous avez donc maintenant un politicien délirant, Erdoğan, qui dit que « les taux d’intérêt sont la mère et le père de tous les maux », et qui dirige également la banque centrale. Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ?

C’est pourquoi la livre turque a baissé régulièrement depuis un an, puis a commencé à chuter encore plus rapidement depuis les élections du 24 juin, lorsqu’Erdoğan a été réélu président, ainsi que depuis le changement constitutionnel qui lui accorde des pouvoirs presque dictatoriaux. (Sources: Hurriyet (Ankara), Business Insider, et Deutsche Welle).

 

Trump met la pression

Il y a eu une série intéressante de déclarations de M. Erdoğan et du président américain Donald Trump au cours des deux derniers jours.

Jeudi soir, Erdoğan a dit qu’il n’y a rien à craindre si la livre chute par rapport au dollar américain : « S’ils ont leur argent, nous avons notre grand peuple turc et l’aide d’Allah ».

Cependant, vendredi matin, Trump a twitté ce qui suit :

« Je viens d’autoriser le redoublement des tarifs sur l’acier et sur l’aluminium pour la Turquie, car leur monnaie, la livre turque, glisse rapidement vers le bas contre notre dollar très fort ! Le tarif de l’aluminium sera désormais à 20 % et celui de l’acier à 50 %. Nos relations avec la Turquie ne sont pas très bonnes en ce moment ! » Cette déclaration a provoqué la chute de la livre, qui a perdu 14 % de sa valeur à la fin de la journée.

Erdoğan semble avoir paniqué parce qu’il a prononcé un de ses discours nationaux télévisés lors desquels il s’époumone avec rage. Il a dit ce qui suit :

« S’il y en a (parmi les Turcs) qui ont des dollars ou de l’or sous leur oreiller, ils devraient aller l’échanger contre des livres dans nos banques. Il s’agit d’une bataille nationale. Certains pays ont adopté des comportements qui protègent les auteurs de coup d’État, qui ne connaissent pas les lois ou la justice. Les relations avec les pays qui se comportent ainsi ont atteint un point de non-retour. »

Erdoğan a également mis en garde contre une « guerre économique ».

Toutefois, on craint que la chute de la livre ne soit contagieuse. Un certain nombre de banques, en particulier en Espagne et en Italie, détiennent des obligations d’État turques, et leur valeur baisse avec la livre. Le fait que de nombreuses entreprises turques aient emprunté de l’argent sur les marchés internationaux et que les dettes soient libellées en dollars est une autre préoccupation importante.

Le revenu d’une entreprise typique est souvent en livres, tandis que les paiements de la dette sont effectués en dollars. Un affaiblissement de la livre signifie que les entreprises peuvent être en défaut de paiement de leurs prêts (Sources: CNBC, Hurriyet News (Ankara) et Bloomberg).

 

Comment Erdoğan a menti à Trump

Beaucoup de gens ont été surpris vendredi matin par le twit de Trump quand il a dit qu’il doublait les tarifs douaniers de la Turquie sur l’acier et l’aluminium.

Trump a rencontré Erdoğan lors d’une réunion de l’OTAN au début du mois de juin. Leurs discussions ont été très amicales, et quand elles se sont terminées, Trump a pensé qu’ils avaient conclu un marché : il allait demander au premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou de libérer une citoyenne turque, Ebru Ozkan, arrêtée en raison de liens terroristes présumés avec le Hamas, et en échange, la Turquie libérerait le pasteur Andrew Brunson, qui a été arrêté en octobre 2016 pour espionnage, une accusation que les États-Unis considèrent comme fausse.

Ainsi, le 14 juillet, Trump a appelé Nétanyahou et lui a demandé de relâcher Ozkan soit relâchée, et elle a été relâchée le lendemain. Mais Brunson n’a pas été libéré, et les responsables turcs ont déclaré qu’aucun accord de ce genre n’avait jamais été conclu. Au lieu de cela, ils ont rajouté d’autres exigences qui devraient être satisfaites en échange de la libération de Brunson, y compris l’extradition de Fethullah Gülen, qu’Erdoğan blâme pour la tentative de coup d’État en Turquie en 2016, alors qu’il n’a aucune preuve.

Inutile de dire que Trump était furieux, ce qui a conduit à une première série de sanctions en juillet, puis à l’annonce vendredi d’autres sanctions.

L’Administration Trump dit maintenant que Brunson doit être libéré, pour régler cette situation. En outre, les rapports indiquent que, parce que Trump estime avoir été trahi, l’Administration exige également que toutes les autres conditions et demandes de la Turquie soient mises par écrit, afin d’éviter tout malentendu de ce genre à l’avenir.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Traduction de Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.

Sources:

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