Publié par Gaia - Dreuz le 23 septembre 2018

Pourquoi le Panama veut retirer son pavillon à l’« Aquarius »

Sous la pression de l’Italie, le navire humanitaire, qui patrouille au large de la Libye, risque de perdre son drapeau, et de devenir un pirate des mers.

L’Aquarius va-t-il devenir un pirate des mers ? Le navire humanitaire de SOS Méditerranée et de Médecins sans frontières (MSF) est sur le point de se voir retirer son pavillon par l’Etat du Panama, alors même qu’il patrouille actuellement au large des côtes libyennes, dans le cadre de sa mission de recherche et de sauvetage.

L’Etat d’Amérique centrale justifie sa démarche en expliquant que l’Italie lui a signalé un comportement de l’Aquarius contrevenant au droit international. « L’autorité maritime panaméenne a engagé le processus de retrait du pavillon du navire Aquarius 2, ex-Aquarius, explique le Panama dans un communiqué publié vendredi, en raison des rapports internationaux reçus, selon lesquels le bateau ne respecte pas les procédures juridiques internationales en matière d’immigrants et de réfugiés secourus en mer Méditerranée. La principale plainte provient des autorités italiennes, qui ont rapporté le fait que le navire a refusé de ramener les migrants et réfugiés secourus à leur lieu d’origine. »

Jeudi 20 septembre, au matin, dix Pakistanais – dont un mineur isolé de 14 ans – et un Ivoirien ont été secourus en mer par le navire humanitaire. Ils ont été repérés à 28 milles marins des côtes libyennes, à bord d’une barque en fibre de verre. Ils avaient quitté la ville côtière de Zouara, en Libye, la veille, aux alentours de 23 heures, et se trouvaient à plus de 120 milles marins du rivage européen le plus proche, l’île italienne de Lampedusa.

Les autorités maritimes libyennes, chargées depuis juin de la coordination des secours dans cette partie des eaux internationales, avaient demandé à l’Aquarius de transférer les migrants à bord d’une navette des gardes-côtes libyens. L’Aquarius a refusé, en se prévalant des conventions maritimes internationales. Celles-ci prévoient que toute personne secourue en mer, quels que soient son statut et sa nationalité, soit débarquée dans un lieu sûr. Or, la Libye n’est pas considérée comme un lieu sûr de débarquement, ainsi que l’a encore rappelé le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR) en septembre.

Seul bateau humanitaire à patrouiller en Méditerranée

Les patrouilles de l’Aquarius en Méditerranée centrale, la route migratoire la plus meurtrière avec près de quinze mille personnes disparues depuis 2014, ont commencé en février 2016. Depuis cet été, les activités humanitaires ont été mises à rude épreuve dans cette zone, critiquées par les gouvernements européens. Sous l’impulsion du ministre de l’intérieur d’extrême droite Matteo Salvini, l’Italie, puis Malte, ont notamment décidé de fermer leurs ports aux ONG, dans une forme de chantage auprès des Etats membres de l’Union européenne, pour revoir les règles d’accueil des migrants.

L’Aquarius a été le premier navire à pâtir de cette situation. En juin, il a dû se rendre jusqu’à Valence, en Espagne, pour pouvoir accoster, alors qu’il avait porté secours à six cent trente migrants en mer. Les navires de plusieurs ONG allemandes sont, en outre, bloqués dans le port de Malte, et l’ONG espagnole Proactiva a renoncé à sa mission au large de la Libye. Tandis que le taux de mortalité en Méditerranée centrale a considérablement augmenté, sous l’effet de cette raréfaction des secours, l’Aquarius est aujourd’hui le seul bateau humanitaire à patrouiller dans l’espoir de sauver des migrants, malgré plusieurs entraves à son action.

Cet été, après une mission de sauvetage, il s’est notamment vu retirer son pavillon gibraltais. Le gouvernement panaméen rappelle d’ailleurs cet incident dans son communiqué, expliquant que les autorités maritimes de Gibraltar n’avaient « pas donné leur accord à l’Aquarius pour qu’il réalise des actions de sauvetage » et qu’elles lui avaient demandé « en juin et en juillet » d’y mettre fin. « L’exécution d’actes qui affectent les intérêts nationaux » est un motif de retrait du pavillon, fait encore valoir le Panama.

« Nous poursuivons notre mission de sauvetage »

A bord de l’Aquarius, à la découverte de cette procédure, la surprise était totale samedi. L’inscription au registre panaméen venait en effet d’être terminée, juste avant que le bateau ne quitte Marseille, où il a fait escale du 27 août au 15 septembre. « En attendant que nous ayons évalué la situation, nous poursuivons notre mission de sauvetage, dans le respect des lois maritimes internationales, ont réagi MSF et SOS Méditerranée. L’Aquarius a réalisé toutes les procédures d’immatriculation auprès du Panama, en toute transparence et conformité avec le droit. »

Jeudi, l’Aquarius avait demandé à l’Italie et à Malte un lieu où pouvoir débarquer les onze personnes secourues. Les deux Etats avaient refusé, Matteo Salvini se fendant d’un tweet grinçant dans lequel il prévenait l’Aquarius : « Je le dis et je le répète : qu’il aille où il veut mais pas en Italie, les ports sont fermés. »

Source : Lemonde

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