Publié par Gilles William Goldnadel le 23 septembre 2018

Réagissant notamment à la reconnaissance par Emmanuel Macron de la responsabilité de la France dans l’affaire Audin, Gilles-William Goldnadel dénonce une vision partiale de l’Histoire, instrumentalisée au profit de simples considérations politiciennes.

Comment se fait-il qu’on ne la voit pas encore, tant la chose est énorme pour ne pas dire grossière?

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En perte de vitesse accélérée, notre président de la République est en train de vouloir recréer avant les élections européennes ce front antifasciste qui lui aura réussi, faute de mieux, au second tour des présidentielles.

Vendredi 7 septembre, à Marseille, sur le vieux port, dans le cadre de cette rencontre rien moins que spontanée avec le lider maximo Insoumis qui aura fait beaucoup rire et médire, voilà que M. Macron, qui venait pourtant d’être traité quelques heures auparavant «de grand xénophobe» distribuait les bons points à la gauche bolivarienne et les mauvais à la droite lépreuse.

Cela nécessitait grande hardiesse intellectuelle et politique, à l’égard d’un parti qui soutient le régime marxiste vénézuélien davantage que ses malheureux citoyens crève-la-faim.

À l’égard d’une extrême gauche française islamo- gauchiste qui n’a pas grand-chose à envier au parti travailliste antisémite de Jeremy Corbyn.

A l’égard d’un mouvement qui préfère compter, en les multipliant, les pieds qui marchent que les mains qui votent.

La semaine suivante, voilà le président rendant visite à la veuve de Maurice Audin, mathématicien communiste proche du FLN algérien et déclarant: «si sa mort est en dernier ressort le fait de quelques-uns, elle a néanmoins été rendue possible par un système légalement institué: le système «arrestation- détention» mis en place à la faveur des pouvoirs spéciaux qui avaient été confiés par voie légale aux forces armées à cette période»

Cette déclaration présidentielle, à n’en pas douter, se situe dans la même stratégie politique utilisée par le candidat Macron en visite à Alger et considérant la colonisation française comme un crime contre l’humanité.

Et Benjamin Stora, dans le Monde du 13 septembre, ne s’y est pas trompé, ne craignant pas de comparer la sortie présidentielle au discours de Jacques Chirac au Vel’ d’Hiv’ incriminant la France dans la déportation des juifs français. Rien que cela.

Cette sollicitude à l’égard du ressentiment de l’Autre constitue la pathologie mortelle de l’époque.

Mais en se montrant aussi hémiplégique, le président de la république ne commet-il pas plutôt un crime contre l’Histoire? Comme l’écrit parfaitement Guillaume Perrault dans son analyse dans Le Figaro du 14 septembre: «toutes les victimes de la guerre d’Algérie devraient avoir droit aux mêmes égards. Or l’amère vérité oblige à constater que tel n’est pas le cas. Le président a cru judicieux de se prononcer sur l’affaire Audin, mais les Français d’Algérie victimes des attentats du FLN et ceux tués ou disparus à partir de mars 1962 à la faveur de l’inaction délibérée des autorités françaises n’ont pas été l’objet des mêmes attentions.»

Cette sollicitude à l’égard de la mémoire et du ressentiment de l’Autre et cette indifférence au regard de la souffrance française constitue, en profondeur, la pathologie mortelle de l’époque.

Mais, au-delà de cette triste réalité médicale, n’ayons pas la naïveté d’ignorer les petits calculs d’apothicaire.

On dirait que dans cette occurrence, le nouveau modèle politique de Jupiter précipité hors de l’Olympe par les sondages catastrophiques, soit le nouveau premier ministre espagnol socialiste, M. Pedro Sanchez.

Voilà qui est plus humble.

Mais, il ne relève certainement pas de la simple coïncidence politique, qu’à la même période, ce jeune politicien madré arrivé par accident à la tête du pouvoir, aussitôt cerné par les scandales, ne trouve rien de plus urgent à entreprendre que d’expulser les cendres de Franco du mausolée qui l’abritait depuis des lustres.

Un homme d’État français digne de ce nom devrait exiger de l’Algérie une égale compassion pour les crimes racistes commis en son nom

Dans le Figaro du 24 août dernier, Dominique Wolton dénonçait justement les arrière -pensées politiciennes du premier socialiste espagnol. Cet éminent spécialiste de l’histoire non officielle du communisme déplorait lui aussi l’hémiplégie morale et expliquait comment la mémoire collective trafiquée était manichéenne: «que Franco soit responsable de la guerre civile de 1936-1939 pour s’être levé contre le gouvernement républicain démocratiquement élu est une vérité. Que les troupes nationalistes aient perpétré des massacres ne saurait être discuté… Mais la guerre civile espagnole est devenue une mythologie presque mondiale, entretenue par une mémoire en partie héritée du passé communiste…

Elle est dépeinte comme le premier affrontement du Bien contre le Mal…

Mais l’autre versant de la guerre civile est malheureusement moins souvent rappelé: noyautage du gouvernement républicain par les communistes espagnols sur ordre de Moscou: les assassinats massifs par le NKVD… La terreur que faisaient régner les commissaires politiques communistes au sein des brigades internationales… En termes de combattants tués, aucun des deux camps de cette guerre civile ne peut crier victoire. Environ 150 000 morts de part et d’autre. Si l’on s’en tient aux violences commises contre les civils («ennemis de classe», prisonniers politiques, clergé, etc.) on décompte de 55 à 65 000 exécutions côté Front populaire républicain, de 75 000 à 85 000 suppliciés côté franquistes, ce dernier chiffre tenant compte des 30 000 condamnations à mort prononcées après la guerre civile par le régime de Franco.

Il ne s’agit pas de renvoyer dos à dos les protagonistes du drame mais de sortir d’un manichéisme qui n’aide pas la démocratie espagnole à se consolider…»

De l’autre côté des Pyrénées, on commet exactement les mêmes fautes intellectuelles, morales et politiques pour les mêmes raisons politiciennes.

Il n’est pas question de vouloir enterrer l’affaire Audin, ou de ne pas compatir à la souffrance encore vive de sa famille. Mais comment accepter de souscrire à la lecture communiste de l’histoire de la guerre d’Algérie? Comment accepter d’occulter la tragédie du massacre d’Oran le 5 juillet 1962, trois mois après le cessez-le-feu, deux jours après la reconnaissance officielle de l’indépendance au cours de laquelle, en violation des accords d’Évian, 700 chrétiens et juifs français ont été massacrés par des individus armés algériens, les forces armées françaises demeurant l’arme au pied?

Un homme d’État français digne de ce nom devrait exiger de l’Algérie une égale compassion pour les crimes racistes commis en son nom.

Le vrai antifascisme n’est pas une imposture, ni une posture, non plus qu’un coup politique.

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Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro Vox.

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