Publié par Eduardo Mackenzie le 1 septembre 2018

La Cour suprême de justice du Venezuela (Tribunal Superior de Justicia-TSJ), après une longue enquête, a condamné, le 15 août 2018, Nicolas Maduro Moro, président en exercice de ce pays, à 18 ans et trois mois de prison pour corruption active, détournement de fonds et obtention de pots-de-vin. 

Le chef d’Etat doit payer, en plus, une amende de 25 millions de dollars et restituer 35 milliards de dollars pour les trafics illégaux effectués par le gouvernement vénézuélien avec l’entreprise de construction brésilienne Odebrecht. Nicolas Maduro a également été interdit d’exercer toute activité politique.

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La sentence a été prononcée dans une salle du Capitole de Bogota, siège du Congrès de Colombie, car 30 des 33 magistrats de la TSJ ainsi que Luisa Ortega Díaz, procureur général du Venezuela, sont en exil.  Ils ont dû quitter leur pays en raison des pressions et des graves menaces dont ils sont victimes de la part de la dictature de Nicolas Maduro. Julio Borges, président de l’Assemblée nationale du Venezuela, a également été contraint à l’exil. L’Etat de droit a été aboli au Venezuela par les présidents Hugo Chavez et Nicolas Maduro.

Bien que la Cour suprême soit une juridiction atypique pour ne plus siéger à Caracas, elle demeure par contre une juridiction tout à fait légitime. La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, plus connue sous l’appellation de Convention de Palerme, signée par plus de 120 pays, donne à la Cour suprême de justice du Venezuela la compétence pour accuser, enquêter, poursuivre et condamner Nicolas Maduro et ses complices pour avoir commis des crimes et des délits au Venezuela avec des effets avérés dans d’autres pays. Maduro a été accusé par Luisa Ortega d’avoir commis des crimes graves contre l’État et contre l’économie vénézuélienne, et d’avoir illégalement exercé un pouvoir politique pour échapper à la justice (1).

Cette décision fait de Nicolas Maduro un fugitif de la justice. Miguel Angel Martin, président de la Cour suprême de justice du Venezuela en exil, a déclaré à Bogota que, par conséquent, les parquets, les procureurs et les tribunaux des pays où la firme Odebrecht a agi, ainsi que les entreprises financières où le TSJ soupçonne qu’il y a des capitaux vénézuéliens volés, seront informés que la TSJ va demander l’expatriation de ces capitaux dès que l’Etat de droit sera rétabli au Venezuela.

Le TSJ fera d’autres notifications devant la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et les tribunaux des pays qui soutiennent la dictature de Maduro, en particulier la Russie, la Chine, la Turquie et l’Iran. Ces entités seront informées que les contrats que ces gouvernements signent avec le régime vénézuélien actuel n’ont aucune valeur juridique, car, au Venezuela, il n’y a plus de pouvoir exécutif légitime.

Le magistrat Martin a rejeté l’argument de ceux qui prétendent que la condamnation de Maduro était un « procès politique ». Pour la Cour suprême, cette sentence est le résultat d’un « procès pénal pour corruption et détournement de capitaux », processus légitime et en bonne et due forme, dans lequel toutes les garanties de la Constitution et de la loi vénézuélienne ont été respectées. L’Assemblée nationale a autorisé le procès et la TSJ a convoqué Nicolas Maduro par l’intermédiaire des Nations Unies. N’ayant pas répondu, Maduro a eu droit à un avocat d’office.

Les preuves découvertes et examinées par le TSJ sortent de plus de 1 500 bases de données, provenant en particulier de trois collections documentaires différentes, où les magistrats ont trouvé des preuves du trafic d’argent illégal qui a causé de grands préjudices à l’économie et à la nation vénézuélienne. Trois entités sont intervenues, en particulier, dans ces opérations illicites, selon le TSJ: un Fonds chinois, le Fonds Brasquem et Bandes. « Il y a environ 5 000 traductions de documents Odebrecht traduites du portugais en espagnol », a précisé le président du TSJ. La plupart des documents compromettants ont été trouvés au Venezuela, au Brésil et en République dominicaine. « Nous avons même réussi à atteindre le début de l’intrigue de l’affaire Odebrecht », a révélé Martin.

Ce début remonte à une période précise: entre février et juin 2011, avant la première réélection d’Hugo Chavez. Les documents trouvés parlent de plusieurs réunions à Caracas et à Isla Margarita, auxquelles ont participé Inacio Lula da Silva, ancien président du Brésil, Hugo Chavez, Maximiliano Arbeláez, ambassadeur du Venezuela au Brésil à l’époque, et Emilio Odebrecht. Au cours d’une réunion, Lula a déclaré, en février 2011, que la non-réélection de Chavez « serait égale ou pire à la chute du mur de Berlin ». Il a donc ordonné la constitution d’un « commando » pour soutenir cette réélection, sous sa direction personnelle. María Fernanda Ramos Coelho, ancienne présidente de la Caixa Economica Federal, une banque publique du Brésil, a participé à l’une de ces réunions. Temir Porras, ancien chef de cabinet de Nicolas Maduro, a été quant à lui la cheville ouvrière de ces opérations.

Les documents rassemblés par l’enquête de la TSJ ont révélé non seulement les nombreuses opérations illégales concernant des masses d’argent, sous couvert de contrats de construction de méga-travaux qui n’ont jamais été réalisés au Venezuela, mais également ont dévoilé un projet secret d’infiltration des milieux politiques européens. Les documents montrent, en effet, qu’Hugo Chavez et Nicolas Maduro ont tenté de prendre le contrôle des votations du Parlement européen en créant et en finançant des partis européens favorables à la dictature chaviste. Parmi ces formations, il y a surtout Podemos de España.

La phase qui s’ouvre à présent, conclut le magistrat Martin, est celle de l’exécution de la peine. La Cour suprême de justice du Venezuela est consciente des difficultés auxquelles ce moment de la procédure est confronté. Cependant, le TSJ n’abandonnera pas ses efforts pour que justice soit faite et exhorte donc la fraction de l’armée et de la police loyale à la Constitution vénézuélienne à capturer Nicolas Maduro et à le conduire à la prison militaire de Ramo Verde. Maduro devra faire face dans les prochains mois à d’autres procès, en particulier pour les violations des droits de l’Homme au Venezuela.

© Eduardo Mackenzie (@eduardomackenz1) pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

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Notes

(1).- L’article 3 de la Convention de Palerme stipule que cela « s’appliquera dans la prévention, les enquêtes et les poursuites » des « délits ayant un caractère transnational et impliquant la participation d’un groupe de délinquance organisée ». Il stipule que le délit sera de nature transnationale si: « a) il est commis dans plus d’un État; b) s’il est commis dans un seul État mais si une partie importante de sa préparation, de sa planification, de sa direction ou de son contrôle est exercée dans un autre État; c) si il est commis dans un seul État mais implique la participation d’un groupe de délinquance organisée qui mène des activités criminelles dans plus d’un État; ou d) s’il est commis dans un État mais ayant des effets importants dans un autre État. »

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