Les efforts déployés par la Chine pour contrer le ralentissement de son économie exercent une pression énorme sur le yuan, traditionnellement utilisé comme arme commerciale.
La politique de réduction des impôts, d’allègement des réglementations, de réciprocité des tarifs douaniers, ainsi que les nouveaux accords commerciaux passés avec le Mexique et le Canada par Trump, représentent pour Beijing des défis immenses pour stimuler sa croissance, dans un contexte de tensions commerciales avec les Etats-Unis qui font craindre à Pékin que les investisseurs et détenteurs de la dette chinoise opèrent des sorties de capitaux déstabilisatrices.
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Le yuan s’est affaibli au-delà de 6,93 yuans pour un dollar, la semaine dernière, se rapprochant ainsi de son plus bas niveau depuis janvier 2017, après que la Chine, ce week-end, ait libérer des fonds pour les banques nationales.
Les taux des prêts interbancaires à Hong Kong – une plaque tournante du yuan – ont bondi mardi, peut-être en raison des efforts de la banque centrale chinoise pour éviter que le yuan ne s’affaiblisse trop, selon plusieurs analystes.
Les efforts de la Chine pour gérer sa monnaie sont compliqués par l’escalade du conflit commercial initié par le président Trump, les États-Unis imposant de nouveaux tarifs sur des milliards de dollars d’importations chinoises, et la Chine ripostant par ses propres tarifs sur des volumes d’importation bien plus faibles qui ont peu d’effet sur l’économie américaine, en pleine ébullition.
Et l’administration Trump profite de chaque avantage – faible taux de chômage, croissance élevée, investissements en forte hausse, bourse aux résultats records – pour avancer ses pions, alors que la Chine lutte pour gérer une croissance économique plus faible, augmentant la pression sur le président Xi Jinping pour protéger l’économie et la stature de la Chine à l’étranger.
Le rythme et l’ampleur de la dépréciation du yuan sont un sujet d’inquiétude récurrent sur les marchés mondiaux.
Pour de nombreux investisseurs, leur vision essentiellement optimiste, axée sur la croissance solide et le faible taux d’inflation du pays, est tempérée par les préoccupations quant aux efforts déployés par la Chine pour gérer son énorme fardeau de la dette, et assurer le bon fonctionnement de la deuxième économie mondiale pendant une longue période de ralentissement.
Ces craintes sont amplifiées par les efforts déployés par les banques centrales mondiales, sous la direction de la Réserve fédérale, pour resserrer la politique monétaire et limiter les perspectives qu’une saine croissance aux États-Unis entraîne une surchauffe de l’économie et une augmentation soutenue de l’inflation.
Chaque fois que les responsables chinois intensifient leurs mesures de relance de l’économie, ou fournissent une aide financière inhabituelle aux secteurs vulnérables, comme ils l’ont fait cette semaine en réduisant les réserves obligatoires dans certaines banques, leurs actions suscitent des inquiétudes chez les gestionnaires de portefeuille et analystes.
- Mardi, le coût d’emprunt au jour le jour du yuan pour les banques de Hong Kong est passé de 1,745% la veille, à 5%, atteignant son plus haut niveau depuis mai.
- Le taux des prêts d’une semaine a atteint 7,6 % mardi, en hausse de 4 points depuis la semaine précédente, pour atteindre son plus haut niveau en plus d’un an.
- Des taux à court terme plus élevés rendent plus coûteux de parier contre le yuan en utilisant des fonds empruntés.
- Dans le passé, les autorités chinoises ont poussé les taux des prêts interbancaires à la hausse pendant les périodes de pression à la baisse sur la monnaie pour dissuader les traders et les investisseurs de faire des paris baissiers. Cela a parfois été réalisé en ordonnant aux banques d’État d’acheter des yuans à l’étranger.
La vigueur du dollar, l’augmentation des droits de douane sur les importations chinoises et le ralentissement de la croissance économique chinoise ont tous pesé sur le yuan ces derniers mois.
L’affaiblissement du yuan pourrait aider à compenser certaines pressions commerciales sur les exportateurs chinois, mais il pourrait aussi encourager les résidents et les entreprises chinoises à placer leurs capitaux à l’étranger dans des havres plus sûrs, ce qui affaiblirait davantage la monnaie.
Ken Cheung, stratège principal des devises asiatiques à la Mizuho Bank de Hong Kong, a déclaré que le resserrement des liquidités offshore est le moyen le plus acceptable pour la banque centrale chinoise d’endiguer la chute du yuan, plutôt que de renforcer le contrôle des capitaux ou d’intervenir directement sur le marché monétaire.
“Ils essaient simplement d’être plus subtils qu’ils ne le sont habituellement, en utilisant un petit marteau plutôt qu’un marteau de forgeron”, a déclaré Michael Every, stratégiste en chef pour la région Asie-Pacifique chez Rabobank.
Si la Chine a besoin d’une monnaie plus faible, ce qui pourrait contribuer à stimuler les exportations, elle veut aussi la stabilité, a-t-il dit. “Ils s’inquiètent aussi de la réaction de Trump, de son aspect politique.”
Les mesures prises cette semaine sont intervenues après que la Banque populaire de Chine a déclaré dimanche qu’elle réduirait le montant des réserves que la plupart des banques commerciales sont tenues de détenir de 1 point de pourcentage, libérant ainsi près de 175 milliards de dollars de liquidités pour que les banques puissent prêter et aider à soutenir l’économie chinoise.
Plongée en eaux troubles
C’est la quatrième fois cette année que Pékin a abaissé le ratio des réserves obligatoires pour les banques. Les décideurs ont également réduit l’impôt sur le revenu et encouragé l’augmentation des dépenses d’infrastructure à l’échelle locale pour stimuler l’économie.
Les dernières évolutions du marché ont conduit certains analystes à s’interroger sur l’engagement des décideurs politiques à empêcher le yuan de s’affaiblir à 7 pour un dollar, niveau qu’ils ont défendu à différents moments ces dernières années, car la monnaie chinoise n’a pas dépassé ce niveau depuis une décennie.
L’inquiétude est que l’affaiblissement pourrait se répercuter parmi les résidents et les entreprises chinoises, ce qui les amènerait à envoyer de l’argent à l’étranger. En 2016, la forte dépréciation du yuan avait fait exactement cela.
“Ce que la Chine a récemment changé en termes de politique du yuan, c’est sa tolérance à la volatilité”, a déclaré Chi Lo, économiste pour la Chine chez BNP Paribas Asset Management.
“Tant qu’il n’y aura pas de baisse désordonnée du yuan, pas de sorties massives de capitaux de la Chine, Pékin tolérera d’autres faiblesses”, a-t-il ajouté.
D’autres soutiennent que la Chine pourrait simplement maintenir ou resserrer ses contrôles des capitaux pour empêcher les liquidités de quitter le pays.
“Il ne faut pas sous-estimer la détermination de la banque centrale”, écrit Luc Luyet, stratège devises chez Pictet Wealth Management, dans une note aux clients. “La Chine a mis en place un contrôle strict des capitaux afin de pouvoir promouvoir une politique monétaire souveraine et un taux de change stable.”
- Le yuan s’est déprécié le plus rapidement cette année contre le billet vert, mais il est également en baisse contre un panier de devises.
- L’indice pondéré en fonction des échanges commerciaux du yuan a chuté d’environ 5,6 % depuis son sommet de mai.
- Bank of America et J.P. Morgan ont récemment révisé leurs prévisions pour tenir compte de la faiblesse accrue du yuan au cours des prochains mois, citant l’escalade des tensions commerciales et une divergence entre la politique monétaire américaine et chinoise.
La façon dont la Chine gère sa monnaie est importante à l’échelle mondiale.
Une dévaluation inattendue du yuan en août 2015 a alimenté les inquiétudes quant au rythme de croissance de la deuxième plus grande économie mondiale, alimentant la baisse des prix de l’acier et des stocks américains.
Les pressions exercées sur le yuan font suite au rapport semestriel du département du Trésor sur les pratiques monétaires de ses partenaires commerciaux, qui pourrait accroître les tensions entre les deux pays.
M. Trump soutient depuis longtemps que la Chine manipule sa monnaie, la gardant délibérément faible pour gagner un avantage dans le commerce mondial.
Et pris à son propre piège, ces dernières années la Chine a consacré davantage d’efforts à empêcher le yuan de trop chuter.
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Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.
Traduit du WSJ.
Le problème de fond est que la Chine a un régime communiste, anti-libéral, et que dès lors elle ne peut pas lutter contre l’Amérique de Trump, à la fois libérale économiquement et plaçant ses intérêts en premier.
L’augmentation des droits de douane sur les produits chinois ne pouvait fonctionner que si en parallèle il y avait libération de l’économie américaine ; c’est ce qu’a fait Trump, bravo à lui.
Hélas, les dirigeants français font tout l’inverse : socialisme effréné en interne, ouverture des frontières à tous vents, sans aucun discernement, en externe.
La Chine a plus que profité de sa situation de nation privilégiée qui lui a permis d’exporter massivement ses produits, pratiquement sans payer de taxes.
Il est bon de rappeler que c’est Deng Xiaoping qui a fait sortir la Chine de la misère et de la famine, après qu’il ait négocié sa reconstruction économique avec Henry Kiesinger, le secrétaire d’Etat de Nixon, qui lui a accordé de grandes facilités financières, avec le concours d’autres Etats.
Les Chinois qui ne connaissent pas le principe de la “propriété intellectuelle” copient et exportent à prix très bas, par centaines de millions d’exemplaires, ces produits sur lesquels ils ne versent aucun centime aux ayant-droits.
Champions du monde toutes catagories de la copie, la création reste leur point faible, d’où le pillage de sites informatiques, de cyberattaques et de détournements de technologies, qui leur ont permis de rattraper leur retard sans investir dans des laboratoires de recherches & développement.
Comme le disait à l’époque Steve Jobs : Les Chinois savent fabriquer les iPhones, mais ils sont incapables de les inventer. Tout est dit.
Lorsque l’on compare le volume des exportations chinoises vers les USA, par rapport à leurs importations, il est facile de comprendre les enjeux en cours.
TRUMP a réussi son coup de maitre, tandis que les “experts” en âneries qui squattent les plateaux de télé, parlent “guerre commerciale”….
Effectivement, vous évoquez la propriété intellectuelle, chose inconnue en Chine – mais est-ce étonnant, puisqu’une des devises du communisme est “la propriété, c’est du vol” ?
C’est une des (nombreuses) raisons pour lesquelles ce système ne peut pas marcher : il va à l’encontre des lois naturelles et de l’élémentaire justice.
Cependant, je voulais mettre l’accent (même si c’est un peu hors-sujet vu que l’article parle de monnaie) sur le fait que prendre des mesures commerciales de rétorsion, ou de rééquilibrage, via des droits de douane accrus sur les produits chinois, ne pouvait marcher que si en parallèle il y a déréglementation en interne, i.e. suppression du carcan administratif qui entrave la création d’emplois donc de richesses ; ainsi, la hausse des prix engendrée par la hausse des droits de douane sur les importations sera rapidement compensée par la hausse de production intérieure.
Merci pour ces commentaires étayés et pertinents. Ceux des médias économiques français (Les Échos challenge BFM business…)sont très partiaux crypto-macronistes ou socialistes prenant Trump pour un demeuré face à la « grande intelligence « de XI Jinping feignant de ne pas comprendre qu’il est est plus facile d’intervenir sur une économie totalement administrée que sur une économie libérale (surtout avec l’hostilité de l’ensemble des médias)
Jusqu’à présent, Trump a montré son sens hors pair de la négociation. Car dans cet ordre de choses, il ne faut pas aller jusqu’à humilier l’adversaire et lui faire perdre la face.
désolé mais je ne vais pas pleurer sur le sort des chinois …. ils ont tellement tricher avec les brevets d’invention que juste pour une fois que un président OSE ce tenir debout contre ses voleurs alors je dit bravo et merci