Publié par Pierre-André Taguieff le 10 novembre 2018

À l’initiative du philosophe Daniel Salvatore Schiffer, plus de 40 personnalités*, dont Élisabeth et Robert Badinter, Luc Ferry, Robert Redeker, Pierre-André Taguieff ainsi que Jean-Claude Zylberstein invitent à se mobiliser pour sauver la Pakistanaise chrétienne toujours incarcérée et menacée de mort par les islamistes dans son pays.

Ce 30 octobre 2018, la Cour suprême, à Islamabad (République islamique du Pakistan), émettait un verdict, aussi juste que courageux, acquittant de tous ses chefs d’accusation Mme Asia Bibi, une femme, d’obédience chrétienne, condamnée à mort (par pendaison), il y a huit ans, pour un présumé blasphème.

Son hypothétique tort aux yeuxdes religieux les plus extrémistes du lieu où elle habitait alors, la région du Pendjab, à grande majorité musulmane? Avoir osé boire, en cette fatidique date du 14 juin 2009, à une fontaine publique, où elle était théoriquement interdite, par ce que les mêmes intégristes du Pakistan appellent abusivement la «loi islamiste» (la charia), au motif de sa prétendue «impureté» en tant que chrétienne précisément! Ainsi, en attendant que cette abominable et rétrograde sentence, digne d’un autre âge que celui de nos démocraties modernes, et de la civilisation en général, ne soit appliquée, a-t-elle déjà passé huit ans de sa vie – huit longues et douloureuses années – en une obscure prison de Rawalpindi, où, de surcroît, elle était cruellement mise au supplice psychologique de l’isolement.

C’est de cette prison, précisément, que Mme Asia Bibi devait être libérée ces jours-ci, après que la Cour suprême de la République islamique du Pakistan eut donc prononcé, le 30 octobre dernier, son acquittement. Or, aujourd’hui, Mme Asia Bibi n’a toujours pas retrouvé cette liberté qui lui était pourtant juridiquement due, en plus de lui avoir été humainement promise.

Pis: il semble que, face à la violence des protestations, dans les principales villes du Pakistan, qui ont suivi ce verdict, le gouvernement ait finalement décidé, après avoir trouvé un supposé «accord»avec ces mêmes fondamentalistes islamistes qui l’avaient outrancièrement condamnée dès le départ, de repousser, sinon d’annuler, sa libération.

Chacun comprendra donc aisément notre profonde indignation morale, en plus de notre légitime incompréhension intellectuelle, face à ce qui apparaît ainsi là, de la part du gouvernement pakistanais, comme une malheureuse capitulation. Davantage: une négation, sinon un outrage, au droit lui-même. D’autant que, comble de notre étonnement (c’est un euphémisme) devant pareille contradiction, le président et le premier ministre actuels du Pakistan sont les illustres fondateurs, dans leur pays, du «Mouvement du Pakistan pour la justice», parti qui les a portés au pouvoir.

Ainsi, au nom de ces mêmes valeurs de justice et d’éthique que prétend défendre ce mouvement politique, demandons-nous instamment de respecter cet ultime verdict émis par la Cour suprême du Pakistan, en remettant effectivement en liberté, toutes affaires cessantes, Mme Asia Bibi.

«Nous nous honorons de prôner la tolérance religieuse, la pluralité des idées et, osons-nous dire également en cette circonstance, l’égalité entre les sexes»

Outre une question d’humanisme, c’est un enjeu de civilisation. Conformément à ce que nous enseignèrent les esprits les plus cultivés et charitables du siècle des Lumières, nous nous honorons de prôner, quant à nous, la tolérance religieuse, la pluralité des idées et, osons-nous dire également en cette circonstance, l’égalité entre les sexes.

Cet appel à la libération de Mme Asia Bibi, du reste, certains des intellectuels signataires, en particulier Daniel Salvatore Schiffer, l’avaient déjà adressé il y a quatre ans, pratiquement jour pour jour, le 25 novembre 2014, en une «lettre ouverte» au précédent président du Pakistan, ainsi qu’en témoignent des articles parus dans la presse internationale. Mais, alors, en vain! Aussi espérons-nous, très sincèrement, être mieux entendus, aujourd’hui.

* La liste complète des signataires:
Daniel Salvatore Schiffer: philosophe, écrivain, professeur à l’Ecole Supérieure de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Liège, professeur invité au «Collège Belgique» sous le parrainage du Collège de France.
Elisabeth Badinter: philosophe.
Robert Badinter: avocat, ancien Ministre français de la Justice (Garde des Sceaux, artisan de l’abolition de la peine de mort en France) sous la présidence de François Mitterrand.
Stéphane Barsacq: écrivain, éditeur.
Rachid Benzine: islamologue.
Véronique Bergen: philosophe, écrivain.
Bouzouk: artiste plasticien.
Hélène Bravin: essayiste, spécialiste du monde arabo-musulman.
Jean-Marie Brohm: professeur émérite de sociologie à l’Université de Montpellier III.
André Comte-Sponville: philosophe.
Jacques De Decker: écrivain, dramaturge, Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique.
François Dessy: avocat, juriste.
Nadine Dewit: artiste-peintre.
Lou Ferreira: philosophe, dramaturge, présidente du Cercle Esthétique et Philosophique Wildien.
Luc Ferry: philosophe, ancien Ministre français de l’Éducation Nationale.
Caroline Fourest: essayiste, réalisatrice.
Elsa Godart: philosophe, psychanalyste.
Michèle Goslar: écrivain, responsable du Centre International de Documentation Marguerite Yourcenar (CIDMY).
Marek Halter: écrivain.
Jean Jauniaux: écrivain, président de PEN club Belgique.
Claude Javeau: professeur émérite de sociologie à l’Université Libre de Bruxelles (ULB).
Jack Lang: Président de l’Institut du Monde Arabe, ancien ministre de la Culture
Victor Loupan: écrivain, éditeur.
Gabriel Matzneff: écrivain.
Daniel Mesguich: comédien, metteur en scène, écrivain.
Egar Morin: sociologue.
Maryam Namazie: porte-parole de «One Law For ALL» (Comité International contre la Peine de Mort et la Lapidation, dont le siège est à Londres) ainsi que du Conseil des ex-Musulmans de Grande-Bretagne et de Fitnah, Mouvement de Libération des Femmes en Iran.
Fabien Ollier: directeur de la revue et des éditions «Quel Sport?».
Corine Pelluchon: philosophe, professeur à l’Université de Paris-Est-Marne-La-Vallée.
Gilles Perrault: écrivain, membre du comité d’honneur de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité.
Michelle Perrot: historienne, professeure émérite des Universités.
Robert Redeker: philosophe.
Elisabeth Roudinesco: psychanalyste, historienne, professeur à l’Université-Denis Diderot-Paris VII.
Lluis Sala-Molins: professeur émérite de philosophie politique aux Universités de Paris I et Toulouse II.
Isa Sator: artiste-peintre.
Jean Soler: historien des religions.
Guy Sorman: essayiste, professeur d’économie.
Annie Sugier: présidente de la Ligue du Droit International des Femmes, association fondée par Simone de Beauvoir.
Pierre-André Taguieff: philosophe, historien des idées, directeur de recherches au CNRS.
Valérie Trierweiler: écrivain, journaliste.
Michèle Vianès: présidente de «Regards de Femmes».
Michel Wieviorka: sociologue, président de la Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme.
Jean-Claude Zylberstein: avocat, éditeur.

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Source :

http://premium.lefigaro.fr/vox/monde/2018/11/06/31002-20181106ARTFIG00250-l-appel-des-intellectuels-liberte-pour-asia-bibi.php

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