Publié par Mireille Vallette le 11 novembre 2018

A l’occasion d’une prochaine conférence à Genève, l’essayiste s’exprime sur nos temps difficiles, entre conquête culturelle, sécessions et début de lucidité politico-médiatique. Interview.

D’où vient que tant de terrorisme, de persécutions et de discriminations pratiquées au nom de l’islam ait conduit à décerner à cette religion, dans nos sociétés, le label de « religion pacifique et tolérante » ? Quelle en est l’origine historique ?

Je l’explique dans mon dernier ouvrage, plus on tue au nom de l’islamisme aux cris d’Allahou Akbar, plus on vante les mérites de l’islam et l’on disculpe les musulmans pour « ne pas faire d’amalgame »… Tel est le génie de l’islamisme ! Mais j’explique aussi que la genèse de cet « islamiquement correct » remonte en fait aux Lumières. Cette époque de Modernité a produit des choses merveilleuses fondées sur la raison et le progrès, mais s’est construite sur le rejet de l’Eglise catholique, sur une autocritique civilisationnelle radicale qui a fait tabula rasa de notre passé euro-chrétien au profit d’une xénophilie passionnelle.

Dégât collatéral de la modernité : la haine du christianisme a laissé place à l’amour de l’islam. De nombreux philosophes des Lumière ont ainsi créé le mythe de « l’islam éclairé et tolérant » construit à partir de fantasmes xénophiles anti-chrétiens exotiques. La détestation de soi a produit une surestimation de l’autre.

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Et la critique de l’homme blanc et de son passé n’a plus cessé…

Oui et ce processus a connu son apogée avec la critique de la colonisation : l’Occidental judéo-chrétien accablé de tous les maux de la terre et spécialement des Africains et des Musulmans a été sommé de se déclarer coupable devant le musulman « victime » par essence, survalorisé moralement en tant qu’ex-colonisé paré de toutes les vertus.

Aujourd’hui, les Occidentaux culpabilisés jusqu’à la moelle après 50 années d’enseignement de haine de soi et de repentance, poursuivent ce processus jusqu’à son comble pathologique : pour ne pas reproduire les « heures noires » du passé, pour « expier leurs fautes » coloniales, la Vieille Europe de l’Ouest présente sa submersion démographique et son islamisation non seulement comme une « fatalité », mais aussi comme une garantie de ne plus être l’Europe-blanche-croisée et donc « raciste » qu’elle fut dans son passé noir.

Le vrai but des multinationales et des élites anti-nationalistes est de construire un Village global consumériste, de faire de l’Europe un laboratoire d’une future société cosmopolite, antichambre d’une « suprasociété planétaire », sur les ruines des nations souveraines.

Quel intérêt ont les pouvoirs démocratiques à valoriser l’islam et les musulmans ?

Pour faire accepter par les peuples l’islamisation qui découle de l’immigration turco-arabo-africaine incontrôlée, nos élites intellectuelles, politiques et médiatiques, adeptes de ce projet anti-souverainiste, ont intérêt à présenter l’islam et les musulmans comme un bloc innocent, victimaire, pacifique, bienveillant afin de réduire et même de faire taire les réticences des islamo-sceptiques de ce fait qualifiés de « racistes ». D’où mon gros chapitre sur le « mythe de la science arabo-musulmane » et le mythe connexe de l’Espagne musulmane arabe éclairée (« Al-Andalous »), mythes fondateurs de l’islamiquement correct qui servent à discréditer, voire diaboliser ceux qui proposent de contrôler les flux migratoires et de privilégier une immigration non-musulmane plus « compatible ».

Ce qu’oublient nos élites adeptes de cette islamophilie, c’est que le mythe de la supériorité de la « science et de la philosophie islamique », factuellement faux, comme je le démontre, est très dangereux, car il est le centre du prosélytisme islamiste fondé sur le suprémacisme musulman. Bref, nous apprenons depuis des décennies à nos jeunes étudiants que nous serions moralement inférieurs à la civilisation musulmane qui aurait été dans le passé plus « tolérante », « évoluée », qui nous aurait « légué Platon et Aristote » et sans laquelle nous serions encore au moyen-âge…

Pour vous, quelle est la différence entre islam et islamisme ?

Au départ, islamisme était synonyme d’islam, dans les vieux dictionnaires français. Puis mon ancien professeur de sciences politiques et d’islamologie, Bruno Etienne, publia en 1987 le célèbre ouvrage « L’islamisme radical », dans lequel il forgea cette expression que les journalistes ont repris depuis en oubliant le « radical », mais en laissant le sens de « islam politique et extrémiste ». Depuis lors, les deux termes son différenciés. Mais il est clair, y compris dans l’ouvrage de Bruno Etienne, pourtant très islamophile, de gauche et tiersmondiste, que l’islamisme au sens de radical et extrémiste s’appuie sur l’orthodoxie de l’islam officiel hélas bloqué depuis le Xème siècle, et dont les grandes instances mondiales (celles de La Mecque, Médine, du Caire par Al-Azhar, etc.), sont contrôlées par les adeptes d’un islam très fondamentaliste. Aujourd’hui, l’islamisme radical ou extrémiste désigne donc des groupes extrêmes et politisés, mais qui sont rarement hérétiques, car leur idéologie va aux « racines » (étymologie du mot radical). Leurs idées radicales s’appuient sur le littéralisme sunnite le plus orthodoxe, et elles s’opposent à toute modernité sécularisatrice. Ceci dit, je distingue islamisme comme défini plus haut et islam, dans la mesure où il existe bien sûr des approches « modérées », « réformistes », « tolérantes ». Mais elles sont qualifiées d’hétérodoxes, d’« hérétiques » par les sunnites officiels.

Qu’est-ce qui vous rend pessimiste dans les évolutions d’aujourd’hui ?

J’en citerai trois. Premièrement celle du monde islamique en général où, du Maroc aux Philippines, de la Turquie au Mali en passant par les Balkans et les « banlieues » de l’islam d’Occident, un phénomène de réislamisation extrême, une sorte de tsunami de radicalisme sunnite sponsorisé par l’Arabie saoudite et d’autres pôles de l’islamisme (Frères musulmans, Jamaà, OCI, pôles turco-ottoman et pakistanais, etc) est observable partout.

Deuxièmement, je constate que la stratégie de l’intimidation psychologique, intellectuelle et physique de ces pôles de l’islamisme mondial progresse à vitesse grand V dans des quartiers dont certains ont déjà fait sécession d’un point de vue civilisationnel. Dans ces « zones de non-France » ou de « non-Occident », l’intégration à nos valeurs est présentée comme une trahison. Les musulmans assimilés, non islamiquement corrects, non respectueux du jeune du ramadan, sont intimidés et c’est le non-musulman qui s’intègre au musulman plutôt que l’inverse. Le processus de « sécession islamique » s’observe partout où se sont développées des communautés musulmanes abandonnées par nos élites.

De ce fait, la frontière qui séparait durant des siècles les pays musulmans de l’Europe chrétienne n’est plus la Méditerranée, cette frontière traverse nos villes et régions. J’appelle ce phénomène depuis mes premiers ouvrages (1997), le « limes intérieur », ou le « ghetto volontaire ».

Troisièmement, j’observe que le suprématisme islamique ne cesse de s’introduire dans notre culture. L’idée d’une « dette de l’Occident envers la civilisation arabo-musulmane » est devenue le cœur battant de la doxa politiquement correcte, et elle pénètre désormais les manuels scolaires et les livres d’histoire avec le mythe « d’Al Andalous » dont j’ai parlé. Cet « islamiquement correct » modifie peu à peu nos traditions et même nos fêtes, comme on le voit en Espagne où les fêtes locales liées à la reconquista sont désormais qualifiées « d’islamophobes ».

Quel lien y a –t-il entre ce mythe d’Al Andalous et les mouvements terroristes ?

Conformément au suprémacisme cher à Al-Qaïda, Daech et à tous les penseurs islamistes qui appellent à conquérir l’Europe, on nous assure que l’empire ottoman était un rêve de tolérance, que le Califat de Cordoue « tolérait chrétiens et juifs », et que l’on doit à islam, aux Arabes et aux Turcs-Ottomans notre Renaissance européenne, bref, tout ce qui a fait notre modernité ! Or, la thèse des islamistes de tous poils consiste justement à dire que l’Occident ne mériterait pas de dominer l’Humanité puisqu’il devrait tout à l’islam.

Mais à cette défaite intellectuelle et psychologique de l’Occident devant cette stratégie des islamistes, s’ajoute le plus grave des dangers : « l’hiver démographique » de l’Europe, ce processus suicidaire qui suscite peu de prise de conscience chez nos élites comme chez les masses d’Européens, puisque nous sommes tous englués, endormis dans le culte de l’individualisme, du confort, de la consommation et finalement de l’égoïsme. Cet hiver démographique est le pendant biologique de notre culpabilisation pathologique : la marque d’un suicide collectif fruit d’une haine de nous-mêmes. D’où l’exigence de réapprendre à nous aimer, donc de redevenir patriotes !

Et inversement, qu’est-ce qui vous rend optimiste ?

L’islamisation de l’Europe peut de moins en moins être contestée dans les débats et les médias. Personne ne peut plus détourner le regard de ces quartiers en sécession et du péril tant islamo-terroriste que communautariste. Même l’ancien ministre de l’intérieur Gérard Collomb souligne le danger de guerre civile qui menace la France. Et même des journalistes du Monde, journal plongé depuis des décennies dans le déni, ont découvert l’eau chaude. Ils le racontent dans Inch Allah. Mais lorsque Bat Yé’or, qui habite chez vous et que je fréquente depuis des années, ou moi-même avons dit cela il y a bien longtemps, ces mêmes nous ont diabolisés et dénoncés comme « islamophobes ». Ce que nous décrivons depuis 30 ans est opportunément récupéré par une partie de la presse mainstream parce que ses amis, ses journalistes « autorisés », donc « de gauche », l’auraient découvert. C’est assez pathétique, mais on ne peut que se féliciter de ces yeux qui s’entrouvrent, comme on le voit aussi en Allemagne avec des leaders de Die Linke qui se réveillent ou chez nous avec le phénomène de prise de conscience depuis Charlie. Il y a des prises de conscience, notamment à gauche, qui donnent de l’espoir.

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A ce propos, comment jugez-vous le qualificatif de « populiste » ?

Le terme est assez juste s’il ne signifie pas extrême droite, mais s’il désigne comme l’explique mon ami Philippe de Villiers, le « réveil des peuples qui ne veulent pas mourir » face à l’immigration massive incontrôlée et la mondialisation marchande destructrice d’emplois, de frontières et d’identité. Le grand philosophe et chercheur Pierre-André Taghieff, spécialiste du racisme et issu de la gauche, donc insoupçonnable de « complaisance raciste-fasciste », a bien montré la différence fondamentale, morale et idéologique, qui existe entre ce populisme et le totalitarisme nazi-fasciste. De manière générale, ces mouvements sont plus libéraux-conservateurs que d’extrême-droite, sauf rares exceptions, car ils ne sont pas antisémites, plutôt pro-Israël, plutôt anti-étatistes et attachés aux racines judéo-chrétiennes de l’Europe, donc adeptes d’une définition spirituelle et non raciale de l’identité, tout le contraire de l’extrême-droite

Ces populistes sont par ailleurs adeptes d’une démocratie réelle, souvent référendaire, et ils représentent plus le désir de revanche du peuple face aux élites anti-démocratiques qu’un rejet de la démocratie. La réduction ad hitlerum à laquelle on aime les soumettre ne vise qu’à les empêcher de prendre le pouvoir, et les élites mondialisées ou marxistes qui les nazifient en permanence savent parfaitement que ces populistes ne font pas revenir la « bête immonde » SS. Ces élites ont juste peur de perdre leurs places et leur monopole du pouvoir politique, culturel, médiatique et financier…. Cette question du pouvoir est trop souvent occultée.

A votre avis, la Suisse peut-elle échapper à ce processus d’islamisation ?

Je dirais oui et non à la fois! Non, dans la mesure où elle est intégrée à de très nombreux processus paneuropéens (UE, EEE, Conseil de l’Europe, OSCE, Schengen etc), accords, organisations internationales y compris islamiques (LIM, OCI, ISESCO, etc) qui diffusent cette idéologie de « pax islamica ». Oui, si l’on considère que la Suisse peut être sauvée par son système politique, le seul qui se rapproche d’une démocratie réelle grâce aux consultations et contestations à tous les niveaux, nationaux, cantonaux et municipaux, cas unique en Occident. Ce système ne garantit rien, car les peuples des pays «libres» n’ont in fine que les dirigeants qu’ils méritent, mais il donne aux citoyens helvétiques la possibilité de ne pas se laisser aspirer par toutes ces instances qui affaiblissent la souveraineté des Etats. Il leur donne la chance de pouvoir exprimer leur désaccord vis-à-vis de l’immigration et de l’islamisation qu’ils peuvent en partie stopper ou freiner s’ils le veulent… Et la prochaine votation à propos des «juges étrangers» me fait dire que le plus formidable est que la question puisse être posée au peuple! Ce n’est jamais le cas ailleurs, et en particulier chez nous, en France.

(Recension de son dernier livre: http://boulevarddelislamisme.blog.tdg.ch/archive/2018/05/26/la-terreur-des-coupeurs-de-tete-fait-le-lit-des-coupeurs-de-292387.html)

Reproduction autorisée avec la mention suivante : Propos recueillis par © Mireille Vallette pour Dreuz.info.

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