Publié par Ftouh Souhail le 15 novembre 2018

Si on suit un cours en Sciences Politiques sur la Tunisie, la théorie selon laquelle les partis politiques laïcs seraient plus ouverts et modernistes que les partis de tendance islamique est une approche en chute libre. Car c’est uniquement ici que l’on verra un mouvement islamique prônant à la fois la diversité et la tolérance alors que les forces laïques sont ouvertement contre.

Un membre de la communauté juive, René Trabelsi, a été nommé ministre du Tourisme par le chef du gouvernement tunisien, ce lundi 12 novembre 2018, lors d’un remaniement difficile. Ce nouveau ministre a été désigné avec l’appui des islamistes réformateurs, malgré l’opposition des forces laïques au Parlement.

Ce professionnel du tourisme juif a dit que sa nomination est une fierté pour la communauté (juive). Dans les rangs de sa profession, sa nomination est accueillie aussi avec une certaine forme de soulagement. Le tourisme  fournit en Tunisie 310 000 emplois dont 85 000 emplois directs, soit 11,5 % de la population active.

René, 56 ans, est de longue date un défenseur passionné de la cohabitation entre juifs et musulmans en Tunisie où il co-organise chaque année le pèlerinage annuelle sur l’île de Djerba (sud). Il est le fils du président de la synagogue de la Ghriba.

Le chef d’un gouvernement tunisien, Youssef Chahed 43 ans, a défié les laïcs antisémites du pays, notamment  dans son propre parti Nidda Tounes, qui ne voulaient pas voire un israélite au gouvernement. Plusieurs bloggeurs juifs comme Elie Trabelsi, le frère du nouveau ministre et Jakoub Perez ont été ravis de ce choix.

Mais le plus important est que le bloc du parti d’inspiration islamiste Ennahdha, qui est la plus grande formation politique au pays, a validé cette nomination par un vote inhabituel au Parlement tunisien  pour encourager le « Vivre-ensemble ».

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Le bloc parlementaire Nidda Tounes, la plus importante formation laïque du pays dirigé par Hafedh Caïd Essebsi, le fils du président tunisien était absent, le 12 novembre, lors de la séance du vote de confiance à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

Avec ce remaniement, “j’ai assumé mes responsabilités en tant que chef du gouvernement et selon les prérogatives que me donne la Constitution“, a déclaré à la presse locale le chef du gouvernement, laissant entendre qu’il s’était affranchi de la tutelle du président Béji Caïd Essebsi, chef de l’Etat, qui veut avoir le dernier mot sur les questions  des nominations.

La Présidence a réagi par la voix de sa porte-parole, qui a indiqué que “le président de la République n’est pas d’accord avec cette démarche (…) caractérisée par la précipitation et la politique du fait accompli“.

La décision de chercher un ministre juif au Tourisme a provoqué une scission entre des partis politiques  laïques qui sont contre et le parti islamiste modéré Ennahdha, qui a encouragé cette initiative très rare pour un pays musulman.

Le parti des réformistes musulmans de Tunisie promet que dans le prochain gouvernement, il y aura des chrétiens et aussi des noirs qui sont jusqu’ici discriminés par les forces laïques.

Les voix de la démagogie et de l’intolérance viennent des laïcs en Tunisie 

La majorité des forces politiques laïques en Tunisie a un autre avis concernant la nomination de René en tant que ministre du Tourisme et ils l’ont considérée comme une traitrise. Ces voix critiques ont fustigé particulièrement le parti Ennahdha accusé de normalisation avec Israël.

Le dimanche, 11 novembre 2018, des militants de partis politiques laïcs et des associations politiques  pro-palestiniennes ont organisé une manifestation contre la nomination d’un juif  au poste de ministre du Tourisme et de l’Artisanat. Lundi 12 novembre, ils se sont réunis devant le parlement tunisien, exhortant les députés à renoncer au gouvernement de normalisation avec les sionistes.

Des groupes laïcs anti-israéliens ont estimé que cette nomination est une normalisation avec l’entité sioniste. Pour eux, René (comme on peut le voir dans la vidéo ) est connu pour son attitude sioniste.

Il lui reproche de donner une interview à une télévision  israélienne, en incitant selon eux, contre les partis de gauche tunisiens qui sont contre la normalisation avec Israël et l’impérialisme américain. Selon eux, René avait lancé des accusations implicites contre les partis de gauches d’être à l’origine de l’attaque d’une synagogue lors des manifestations sociales en janvier 2018. Pour eux René est un Ministre des sionistes dans un gouvernement à la solde des Américains.

L‘Association des  jeunes Avocats de Tunisie a même considéré qu’on a dépassé en Tunisie le stade de la normalisation avec Israël pour arriver avec cette nomination au stade du soutien du sionisme. Cette association  a attaqué les députés avocats qui ont trahi la cause Palestinienne en votant pour la nomination de René, accusé d’avoir des relations avec les entités sionistes.

Un groupe d’avocats laïcs anti-israéliens fera appel contre la nomination de René. Ils présenteront des demandes pour destituer ce ministre juif.  L’Instance nationale de soutien à la résistance arabe, à la lutte contre la normalisation et le sionisme a annoncé avoir déposé devant le Tribunal administratif une demande de jugement en référé contre la nomination.

Cette ONG antisémite a souligné que rejoindre le gouvernement tunisien et travailler sous sa bannière “est un honneur accordé aux Tunisiens nationaux qui s’engagent pour la défense de sa souveraineté et de la dignité de son peuple et pour la protection de sa sécurité”, estimant que cette condition n’est pas remplie par René Trabelsi “qui détient la nationalité israélienne l’engageant à servir Israël sous la bannière de l’État israélien sioniste”.

Les réformateurs de Ennahdha plus progressistes que les laïcs 

En dépit de leur apparence de modernité, les laïcs en Tunisie ont un grand décalage de maturité par rapport aux islamistes réformateurs du parti Ennahdha qui ne prônent pas la discrimination d’obédiences ou de sexes.

 

 

 

 

 

  • Le parti islamiste Ennahda modéré a exprimé son regret que son adversaire laïque, Nidda Tounes, s’est abstenu de voter au Parlement. Le mouvement a également exprimé sa satisfaction quant à la confiance accordée, entre autre, à René Trabelsi.
  • Le président du Parlement tunisien, Mohamed Al-Nasser, qui est considéré comme un laïc s’est abstenu lors de la séance de confiance de voter pour le nouveau ministre juif du tourisme proposé lors du remaniement ministériel. Par contre, le deuxième vice-président du Parlement, Abdul Fattah Mourou, qui est dirigeant au sein du parti islamiste Ennahda  a voté pour accorder la confiance à tous les ministres proposés y compris le candidat non musulman.
  • A la faveur du dernier remaniement gouvernemental en Tunisie, Ahmed Galloul, une personnalité de haut rang du parti islamiste modéré et qui est favorable à la normalisation avec les sportifs juifs a été désignée au ministère des Sports, pour faciliter les échanges internationaux.
  • Aujourd’hui des  réformateurs  du parti Ennahdha promettent qu’après les législatives de 2019, ils vont continuer les signes d’ouvertures envers ce qui reste de la communauté juive  locale qui est victime de discrimination et qu’ils vont appuyer, par exemple, le projet de musée juif  pour préserver le Patrimoine de ceux qui ont quitté le pays, par vagues à partir de 1967, après qu’ils y furent victimes d’actes de rejet en Tunisie.
Le chef des islamistes réformateurs de Tunisie en visite à  la Fondation Carnegie pour la paix internationale. Ce cercle de réflexion et d’influence est dédiée au développement de la coopération interétatique et à la promotion des intérêts des États-Unis sur la scène internationale.

Pour cette spécialiste de la Tunisie il est claire que Ennahdha se dirige vers le pragmatisme et la modération après qu’ils ont réalisé des révisions  intellectuelles approfondies qui leur ont permis de rester une force politique de premier ordre et d’épargner le pays un sort similaire à celui des autres pays musulmans.

  • Enfin il est possible de constater que les réformateurs de Ennahdha sont plus disponibles et ouverts au dialogue que les laics lorsqu’il s’agit des échanges d’opinions sur le conflit israélo-palestinien. Alors que les chefs des formations politiques laics  sont majoritairement des populistes anti-israéliens, les responsables du parti du parti Ennahdha sont plus mûres et s’abstiennent le plus souvent de marchander avec la question palestinienne.

Le vraie visage du plus grand parti laïc de Tunisie, Nidda Tounes , a été révélée lorsque le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, avait exhorté, le mois dernier, la célèbre militante anti-israélienne Ahed Tamimi à continuer sa lutte encourageant ouvertement le meurtre d’Israéliens juifs.

Tous les autres chefs des partis laics se sont précipités aussi pour prendre des portraits photos avec cette forcenée palestinienne, ainsi que la puissante centrale syndicale UGTT. Le parti d’Ennahda qui soigne correctement son image à l’international n’est pas tombé dans le piège Tamimi.

 Des partis  laïcs tunisiens contre le nouveau ministre juif désigné 

Par méconnaissance réelle et ignorance délibérée des dizaines de partis politiques laics ont exprimé leur condamnation unanime à la nomination de René Trabelsi comme ministre, car selon eux il est un agent sioniste et il est possède de nationalité Israélienne. Il ont déploré son lien avec l’entité sioniste, le qualifiant  “de crime”. Pour eux le patriotisme se mesure au soutien aveugle aux Palestiniens et la défense systématique des positions anti-israéliennes.

Comme l’écrivait l’auteur anglais Samuel Johnson, « le patriotisme est le dernier refuge de la crapule ». On peut se montrer prompt à invoquer le patriotisme pour justifier toute la haine possible contre les juifs. Ces marchands sans scrupules de la question palestinienne sont des impitoyables antisémites.

Parmi eux on note entre autre :

  • Tout d’abord le Front Populaire une coalition de gauche anti-occidentale qui estime, dans son communiqué, que le geste de nommer un juif est acte provocateur et constitue une violation grave de la souveraineté nationale et un prélude à la reconnaissance officielle de l’entité sioniste.

 

  • Le Mouvement de Lutte Nationale estime que le fait d’assigner le ministère du Tourisme à une personnalité juive, qui a toujours exprimé en paroles et en actes que sa première loyauté est envers l’entité sioniste, vient dans le cadre l’accord du siècle américano-sonniste  pour liquider la cause palestinienne et que cette nomination a mis en lumière le fait que «Printemps hébreu» veut avorter la cause centrale de la nation arabe qui est la Palestine.

Ce mouvement raciste laïque estime que le danger du retour des théories de différenciation entre judaïsme et sionisme, n’a aucun effet en réalité puisque le ministre du Tourisme a été  désigné malgré sa nationalité israélienne et son rôle dans l’avènement des sionistes de la Palestine occupée en Tunisie chaque année à Djerba.

 

  • Le Courant Populaire a estimé, dans un communiqué, que le parti Ennahdha travail pour le compte des lobbies  sionistes. Il a jugé que le faite d‘accorder la confiance à un ministre sioniste est un scandale politique et moral pour la majorité parlementaire, une trahison des valeurs de la révolution et du sang des martyrs, ainsi qu’une annonce pour entrer dans le pays au stade de la soumission complète au sionisme.

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Le Courant Démocratique a exprimé, dans une déclaration, son soutien au droit palestinien et sa condamnation des objectifs de la normalisation en Tunisie. Il a estimé que le choix de ce ministre juif  comporte une empreinte de normalisation avec l’entité sioniste.

Shukri al-Jalasi, chef du parti  Courant Démocratique a écrit : « Nous avons exigé la criminalisation de la normalisation et ils nous viennent avec un ministre » sioniste « à la tête du ministère du Tourisme.»

  • L’Union Populaire Républicaine a publié un communiqué dans lequel il met un doute dans la loyauté de ce ministre de confession juive. La formation politique dit qu’ elle ne pourrait passer sous silence les interrogations de la nomination de Mr René Trabelsi et qui méritent une réponse claire et rapide du gouvernement. Mr Trabelsi est-il d’abord de nationalité israélienne? A-t-il déjà visité Israël? A-t-il eu des intérêts en Israël? Sachant que chacune de ces questions, dans le cas où la réponse est positive, ne constitue un délit en droit tunisien.

La position des forces laïques en Tunisie est une anomalie

Cette polémique ne va certainement pas se terminer entre les laïcs antisémites et les islamistes réformateurs de Ennahdha! Le pays assiste, impuissant, aux manœuvres politiques en cours des forces de la gauche laïque pour menacer la diversité et la démocratie.

Les politologues sont invités à analyser et à interpréter ce phénomène dans les départements de science politique des universités. Cette situation ne reflète cependant pas ce qui se passe dans le reste des pays musulmans.

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Les positions des forces laïques en Tunisie sont une anomalie qui peut faire l’objet de suivi dans les recherches de la politique comparée et les thèses de doctorat consacrées à la question du pragmatisme politique.

Ici l’approche traditionnelle et parfois étroite des sciences politiques par rapport aux partis islamistes a cédé la place à une autre davantage axée sur l’engagement de l’ouverture et sur le progressisme politique.

L’avenir de la démocratie en Tunisie doit pouvoir compter sur les islamistes réformateurs de Ennahdha car ils sont  les mieux adaptés aux nouveaux paradigmes de la politique nationale ou internationale.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Ftouh Souhail pour Dreuz.info.

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