Publié par Gilles William Goldnadel le 20 novembre 2018

Malgré sa sympathie pour le combat qu’ils mènent, Gilles-William Goldnadel garde une certaine distance avec les «gilets jaunes», dont il trouve les méthodes trop peu respectueuses de l’État de droit.

Faut-il vraiment peindre l’avenir en jaune ? Comment donc s’habiller dans les jours à venir quand on professe l’idée que l’État-nation démocratique, d’essence plutôt libérale basée sur le respect des lois, du suffrage universel et du pluralisme de l’information est le moins mauvais cadre d’une vie apaisée ?

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La réponse me paraît, à être sincère, un peu moins évidente que semblent le penser certains de mes amis prêts à enfiler avec enthousiasme le plus jaune des gilets.

Bien entendu, à ne considérer négativement que l’action présidentielle que vitupèrent à juste raison les manifestants en colère, ceux-ci ne peuvent qu’inspirer notre sympathie.

En premier lieu, cette exaspération populaire peinte en jaune se manifeste contre la maniaquerie fiscale hypocritement déguisée en vert et qui frappe de plein fouet les plus modestes.

Le président promettait de diminuer les dépenses, il aura augmenté les recettes.

En second lieu, le cri de colère poussé traduit incontestablement, sans qu’il y ait lieu de s’en réjouir, la défiance consommée envers l’ensemble des corps intermédiaires politiques, syndicaux et médiatiques déconsidérés. Tel le canari dans une mine menacée de s’écrouler.

Mais au-delà de ces légitimes raisons directes de la colère désespérée, d’autres, plus profondément enfouies, expliquent tout aussi justement les causes d’une partie de la défiance populaire.

Il suffit de revisiter, pour l’anecdote révélatrice, la semaine passée, pour se demander si le président et sa suite ne se sont pas lancés dans un concours de gaffes affligeantes.

À tout seigneur tout honneur, le discours mémoriel , apocalyptique autant qu’électoraliste, prononcé le 11 du mois à la tribune présidentielle, et opposant les gentils patriotes aux méchants nationalistes fera date dans l’histoire du manichéisme politique. Il ne fait pas honneur non plus à l’incontestable intelligence du souverain manichéen. Il injurie, une nouvelle fois, les patriotes français ou européens qui ne désirent pas de nouvelles conquêtes territoriales ni subjuguer d’autres peuples, mais espèrent seulement le respect de leurs frontières, de leur culture, de leur sécurité et de leur dignité.

À suivre cet étrange distinguo présidentiel séparant le Bien du Mal, faut-il désormais classer dans la léproserie nationaliste autant que maléfique ceux qui en 1914 voulaient seulement recouvrer l’Alsace et la Lorraine ?

Dans un esprit voisin, la gaffe diplomatique très symbolique d’avoir «oublié» d’inviter lors de la cérémonie le Président de la Serbie dans la tribune d’honneur présidentielle et de lui avoir préféré celui de l’improbable Kosovo est tristement révélatrice de l’état d’esprit du Nouveau petit Monde arrivé à la tête de l’État.

À un premier niveau, la bourde, insultante pour le peuple serbe, première victime du premier conflit mondial (et sans évoquer les horreurs du second) et oublieuse de l’alliance franco-serbe historique, révèle que l’étrange itinérance mémorielle n’était, en réalité, qu’un itinéraire amnésique.

À un second niveau, elle trahit la dilection inconsciente pour l’Altérité nouvelle, préférée à la tradition judéo-chrétienne. L’orthodoxie xénophile, en sorte.

Mais si l’on oubliait l’ordre protocolaire, la palme académique de la gaffe politique devrait sans doute échoir à Benjamin Griveaux pour l’ensemble de ses déclarations hebdomadaires.

Ne serait-ce que parce qu’elles pourraient davantage justifier la fureur populaire.

La plus accablante et significative d’un mépris de classe – pour ne pas questionner celui de race -aura été sa sortie insultante sur «ces fumeurs de clopes qui roulent au diesel»… Lorsque l’impensé du refoulé en dit long sur ces petits bobos qui font de plus en plus grand mal…

Mais le porte-parole, involontairement en auguste forme, n’avait pas encore dit son dernier mot idiot. Invité sur France Inter le jeudi 15 novembre, et commentant l’interview d’Emmanuel Macron, Benjamin Griveaux déclarait: «c’est le pays légal qui rencontre le pays réel, pour reprendre les propos de Marc Bloch il y a bien longtemps». Ce faisant, le malheureux attribuait la distinction célébrissime à Bloch alors qu’elle était la propriété à perpétuité de Charles Maurras.

Pour bien moins que cela, mon cher Frédéric Lefebvre et son «Zadig et Voltaire» encoururent la gausserie du Tout-Paris médiatique. Mais il faut croire que confondre un grand historien juif assassiné avec un grand antisémite distingué n’est pas passible de la même peine.

Mais retour sur les jaunes de colère. Si la compréhension, si la solidarité, si la sympathie l’emportent, je dois à la vérité de reconnaître que l’adhésion totale fait défaut.

Pour au moins deux raisons.

La première réside dans mon refus déterminé de voir recourir à l’illégalité du blocage.

Ce que je ne tolère pas des syndicats idéologisés, je ne saurais l’admettre de la foule encolérée quand bien même serait-elle colorée. Certaines scènes de violence demeurent inacceptables. Lorsqu’on appartient au camp du respect intégral de l’État de droit, on ne fait pas d’exceptions de circonstances. Le principe me paraît intangible et son irrespect gros de tous les dangers.

J’ajoute que ce recours à l’illégalité ne me paraît pas de bonne politique pour passer du succès, incontestable mais limité, à la victoire.

La seconde, est que je professe, on le sait, grande méfiance contre la foule médiatique, quand bien même certaines foules me seraient plus sympathiques. Le mouvement des gilets, apolitique, est d‘essence médiatique, il est né sur les réseaux électroniques, il dépend des télévisions d’information continue, il table sur l’émotion et les sentiments d’indignation et non sur un discours rationnel.

Il ne pourra pas déboucher sur une politique. On ne fait pas de bonne politique avec de bons sentiments.

Il n’est pas exempt de contradictions inhérentes à son irrationalité. Ainsi, nombre de manifestants légitimement hostiles à l’hystérie fiscale ne sont pas prêts à accepter la moindre économie qui limiterait l’assistance étatique à laquelle ils sont attachés.

La sympathie légitime pour ce mouvement provient de l’antipathie légitime qu’il nourrit pour la politique d’un pouvoir dont je veux rappeler ici la légalité et la légitimité.

La sympathie raisonnée doit l’emporter sur la sympathie enthousiasmée. Non seulement en raison des principes, mais encore si l’on veut vraiment changer durablement de politique.

Dans l’intérêt d’un État-nation souverain, démocratique absolument et libéral relativement.

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Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro Vox.

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