Publié par Gaia - Dreuz le 3 décembre 2018

Pour beaucoup, cette décision apparaît comme radicale. Les témoins interrogés par franceinfo assument ce qu’ils considèrent comme un geste salvateur pour l’avenir de la planète.

Faire moins d’enfants pour sauver la planète ? Début octobre, l’AFP publiait une infographie rassemblant une série de préconisations pour limiter le réchauffement climatique. Reprenant les résultats d’une étude scientifique anglo-saxonne pour le moins controversée, comme le rappelle Le Figaro, le graphique montrait notamment que le fait d'”avoir un enfant en moins” permettait de réduire drastiquement son empreinte carbone. Sur les réseaux sociaux, cette option avait provoqué de vives réactions, beaucoup la considérant comme absurde et absolument inenvisageable.

L’idée semble radicale mais elle a déjà trouvé un certain écho auprès de personnes sensibilisées à l’écologie. “C’est un cheminement qui m’a pris du temps. Il n’y a encore pas si longtemps, je voulais des enfants. Quatre ou cinq, même. Mais depuis trois ans, je me dis que ce n’est pas raisonnable de donner la vie dans cette société”, tranche Marjorie Zerbib. Cette Bordelaise de 27 ans le reconnaît : “Je suis jeune mais déjà très pessimiste sur l’avenir de la planète.”

Une cinquantaine de personnes – autant d’hommes que de femmes – ont répondu à l’appel à témoignages de franceinfo. Très conscients des menaces qui pèsent sur l’environnement, tous ont décidé qu’il était de leur responsabilité de ne pas aggraver la situation. Pas question pour eux de contribuer à l’augmentation de la population mondiale en donnant la vie.

“On va bientôt atteindre les neuf milliards d’individus sur Terre”

A 32 ans, Anne-Claire* a pris sa décision : elle n’aura jamais d’enfant. Ses raisons sont liées à son histoire personnelle mais aussi beaucoup à ses convictions écologiques. “Je n’ai pas envie de créer un petit pollueur”, affirme cette journaliste qui s’étonne du comportement de ses amis : “Ils sont fiers d’être ‘zéro déchet’, mais à côté de ça, ils font deux enfants ou plus. C’est comme s’ils ruinaient tous leurs efforts.” Elle et son compagnon refusent de mettre au monde un être qui créerait une empreinte carbone supplémentaire.

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“On va bientôt atteindre les neuf milliards d’individus sur Terre. Comment va-t-on faire pour subvenir à tous nos besoins primaires, pour se nourrir, se loger ?” s’inquiète Mélissa*, qui préférerait adopter plutôt que “d’avoir à tout prix [son] propre enfant”. L’étudiante en communication à Lille n’a pas encore arrêté sa décision mais, à 23 ans, elle est déjà très angoissée par le futur.

J’aurais très peur de laisser un enfant dans ce monde de plus en plus fou.
Mélissa*
à franceinfo

Ces réfractaires à la parentalité redoutent aussi profondément l’avenir réservé aux adultes de demain.”On va vers des désastres écologiques forts et fréquents. L’effondrement de la biodiversité commence à peine”, s’alarme Sylvain, 34 ans. Son choix de ne pas vouloir d’enfant “est irrévocable”, à tel point qu’il souhaite subir une vasectomie. Cet agriculteur, partisan de la “décroissance”, ne se voit pas élever un enfant. “Il aura une vie très compliquée dans vingt ou trente ans. Je ne peux pas prendre la responsabilité de lui faire subir ça”.

Tous assument leur décision, même si, pendant plusieurs années, Anne-Claire a eu peur de regretter son choix. Mais elle a tranché : “Quelqu’un m’a dit un jour : ‘Ce n’est pas le fait d’avoir des enfants qui va t’empêcher de vieillir seule’. Ça m’a libérée. Et puis j’ai mes neveux et mes nièces, j’ai des enfants autour de moi. Cela me suffit amplement”, affirme-t-elle à franceinfo. Pourtant la plupart des témoins interrogés par franceinfo se heurtent à l’incompréhension de leur entourage.

“Pour les gens, je suis une cause perdue”

Quand Madeline explique à ses amis qu’elle ne veut pas d’enfant “à cause de la surpopulation”, les réactions sont souvent très dubitatives. “Je passe un peu pour l’ovni”, explique cette Rennaise de 28 ans. Autour d’elle, la plupart ont déjà des enfants et ne comprennent pas sa décision. “C’est mon combat à moi et je sais qu’il est perdu d’avance. Je ne cherche pas à les convaincre”, explique cette salariée d’une entreprise informatique.

Anne-Claire est elle aussi persuadée que sa démarche va rester marginale. “Pour les gens, je suis une cause perdue. On me dit : ‘Faire un enfant, c’est la vie, on ne peut pas remettre ça en question’ “. Ses proches ne prennent pas ses motivations au sérieux : “Ils pensent que c’est un prétexte pour cacher d’autres raisons de ne pas faire d’enfant”, pointe la trentenaire.

On me dit que je suis égoïste. Mais ça devrait être aux autres de se justifier. Créer une vie, il n’y a rien de moins banal, surtout dans un tel contexte de réchauffement climatique.
Madeline
à franceinfo

Si la famille d’Anne-Claire respecte son choix, Lucien* a peur que la sienne se révéle moins compréhensive. Le jeune homme de 25 ans préfère ne pas aborder le sujet pour l’instant. “Avec mes amis, je suis catégorisé écolo anti-capitaliste et anti-système, donc cela n’a pas été une grosse surprise pour eux. Mais dans ma famille, faire des enfants est une évidence. Je viens d’un milieu plutôt conservateur, où cette décision ne passerait pas du tout”, prédit cet habitant du Val-d’Oise. Lui et sa petite amie, qui souhaitait pourtant fonder une famille nombreuse il y a encore trois ans, ont décidé de ne pas concevoir d’enfants. “Les perspectives climatiques et économiques sont trop effrayantes”, justifie ce salarié d’une grande association.

“Il m’affirmait que si j’étais une femme, c’était pour enfanter”

Pour celles et ceux qui choisissent de ne pas avoir d’enfant, il est parfois difficile de faire entendre leur point de vue à la personne qui partage leur vie. L’ex-petit ami de Mélissa n’a jamais accepté sa décision : “Pour lui, je devais aller vers ma ‘quête naturelle’ en devenant mère. Il m’affirmait que si j’étais une femme, c’était pour enfanter”, se souvient-elle, encore choquée par cette réponse. Pour éviter tout malentendu, Sylvain avertit systématiquement les femmes avec lesquelles il se met en couple.

Souvent, mes histoires ne vont pas plus loin que le premier rendez-vous pour cette raison.
Sylvain
à franceinfo

Le trentenaire a tout de même fait face à des malentendus. “Il y a quelques mois, j’ai débuté une relation avec une femme que j’ai informée tout de suite du fait que je ne voulais pas d’enfant. Elle m’a dit qu’elle était d’accord, tout en pensant secrètement que je n’étais pas bien sérieux et que mes motivations étaient incompréhensibles. Au bout de quelques semaines, ça a clashé. Elle m’a lancé : ‘Si tu ne changes pas d’avis, c’est que tu n’es pas suffisamment amoureux’.”

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“Ces trois années de doctorat m’ont ouvert les yeux”

Pour la plupart des personnes qui ont témoigné, la volonté de ne pas procréer s’inscrit dans une démarche écologique globale issue d’une réflexion mûrie depuis plusieurs années, seul(e) ou en couple. Marjorie Zerbib n’a pas toujours été une “vegan locavore”. Sa prise de conscience s’est faite en parallèle de ses études : “Je faisais une thèse sur le développement durable dans les pays du Sud. Ces trois années de doctorat m’ont ouvert les yeux”, explique-t-elle.

Du côté de Mélissa, ses multiples voyages l’ont rendue très pessimiste : “Partout où je suis allée, j’ai constaté que notre planète est belle mais très fragile. Au Brésil, même dans les coins les plus reculés, on trouve des sachets plastiques”, se désole l’étudiante. Madeline peine à “dater son tournant écolo” mais c’est dans la fiction qu’elle a trouvé une résonance à ses convictions. “De plus en plus de films et de séries montrent à quoi ressemblera l’avenir, souvent sur une planète asphyxiée et surpeuplée. Ça me conforte dans mon combat”, assure-t-elle.

Nicolas, quant à lui, ne voyait pas cette démarche comme un sacrifice mais plutôt comme une décision évidente, aussi inéluctable que l’épuisement des ressources de la planète. Il en sait quelque chose, puisqu’il travaille dans le secteur des énergies renouvelables : “J’essaye constamment de mesurer l’impact de ce que je fais autour de moi. Alors forcément, je savais que la décision d’avoir un bébé serait loin d’être anodine”, pointe le trentenaire à franceinfo. Après des années d’hésitation, Nicolas et son épouse ont finalement tranché : ils attendent un enfant pour juin 2019. “Mais on fera tout pour limiter les impacts écologiques liés à sa naissance. On ne se déplace quasiment plus qu’à vélo, on mange bio, on a notre propre potager. Toutes ces valeurs, on fera en sorte de les lui transmettre.”

*Les prénoms ont été modifiés

Source : Francetvinfo

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