Publié par Gilles William Goldnadel le 16 janvier 2019

Je m’en vais cette semaine poser fort crûment deux questions ingrates et délicates dont les réponses que je crois devoir apporter ne devraient pas me faire nombre d’amis et, qui sait, me créer plus d’ennemis pour lesquels je ne souffre pourtant d’une cruelle pénurie.

La première se trouve sous de nombreuses plumes: Macron est-il «foutu»?

La seconde, étrangement, semble ne se poser qu’à moi: la droite française, en tout cas ses idées, ne serait-elle pas, à travers l’évolution de la crise des Gilets jaunes, en train d’être «cocue»?

À la première question, j’aurais tendance à répondre par un «oui». Tout étant bien entendu une question de temps. Il est bien possible que le président bénéficie de quelque répit. Qu’il puisse, à travers le recours à son fameux «Grand débat» trouver quelques secours pour calmer la bête jaune et la ramener à quia. Un peu. Signalons au passage que le recours «aux cahiers de doléances» est de mauvais augure historique pour celui qui veut sauver sa tête politique.

Signalons encore que le débat risque de ne pas être tant grand et tant fécond dès lors où, comme beaucoup l’ont remarqué, les questions qui fâchent la gauche ne seront pas posées, du mariage pour tous jusqu’aux conditions de l’IVG. Mais surtout, la manière dont le président aux abois en décembre a rétrogradé la question de l’immigration de question promise à part entière à question subsidiaire. On rappellera ici qu’il s’agit pourtant, selon un sondage LCI de décembre, de la première préoccupation des Européens en général et des Français en particulier. Le totem de la gauche reste la question taboue.

Mais posons néanmoins l’hypothèse, sérieuse, qu’Emmanuel Macron trouve dans le Débat un salutaire sursis. Posons encore dans l’équation, forcément hasardeuse, que les diverses exactions insupportables, qui envers des policiers, qui à présent envers des journalistes ne réduisent, injustement ou non, la popularité jaune et ne ramènent vers lui des Français effrayés.

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Les derniers sondages montrent, dans cette occurrence débutée, un regain de popularité très limitée. L’homme soudainement mal aimé semble le demeurer, quoi qu’il fasse ou ne fasse, quoi qu’il dise ou se taise. Qu’il soit permis ici à l’un de ses détracteurs de la première heure de trouver la chose excessive, et qu’il y a loin de la réprobation politique justifiée à cette haine physique intolérable.

Quoi qu’il en soit, il nous semble relever de l’onirisme que l’homme aujourd’hui détesté puisse retrouver quelques couleurs flamboyantes en incarnant soudain l’ordre et la sécurité, à la manière de l’un de ses devanciers en juin 68, tellement plus grand que lui et à une époque, excusez l’euphémisme, où l’environnement médiatique était autrement plus docile et rationnel.

Enfin et surtout, il n’est pas d’exemple dans l’histoire du pays, et encore moins dans celle de la quasi aristocratique Ve République, où un homme soit passé du Capitole jusqu’à la Roche Tarpéienne, ou un Jupiter de l’Olympe aux enfers et en soit revenu en grande forme olympique.

A fortiori qu’après avoir cultivé avec morgue la distance royale, le roi soleil décide de promouvoir l’humilité à ras de terre.

Je l’ai déjà écrit, la foule médiatique ou physique, est d’essence animale ; lorsqu’elle a flairé le sang et la peur, elle ne lâche plus sa proie. A fortiori lorsque la proie tombe de haut vers le sol.

Tout n’est qu’affaire de temps. Que l’on s’en réjouisse ou bien qu’on s’en désole.

La seconde question, sur l’éventuel cocufiage des idées de la droite, me trouvera en moins nombreuse compagnie. Ce n’est pas une raison pour ne pas se lancer quand on croit avoir raison.

Je suggère ici que dans l’état où le mouvement jaune est arrivé – pour autant que ce mouvement en soit un, eu égard à ses polymorphie et polyphonie médiatiques et physiques – je ne vois pas en quoi soient satisfaites les grandes idées de droite en matière d’économie, d’identité culturelle et d’ordre public qui la caractérisent aujourd’hui.

Je rappellerais qu’à son origine le mouvement semblait émaner de la périphérie, de la France profonde des travailleurs modestes exaspérés par les taxes et par l’observation que ceux qui ne travaillaient pas, ne vivaient pas, par la grâce de l’assistanat, de manière beaucoup plus disgracieuse qu’eux-mêmes. J’ajoute que beaucoup de ces insécurisés socialement comme culturellement ne craignaient pas de crier «On est chez nous!».

Ils occupaient les ronds-points mais ne faisaient pas de l’usage de la violence une fin ou un moyen politique.

A l’heure où ces lignes sont écrites, il me paraît – sans rien affirmer de péremptoire tant mon observation est soumise à l’arbitraire idéologique du crible médiatique, que le mouvement n’est plus seulement périphérique, qu’il a été repris par nombre «d’ayant droit» professionnels et assistés et que les préoccupations culturelles ou identitaires ont été étrangement étouffées.

Enfin, l’utilisation de la violence, qui contre les policiers, qui à présent contre les journalistes semblent être cultivée quand elle n’est pas revendiquée pour répondre aux violences policières ou malhonnêtetés journalistiques parfois avérées mais pour autant injustifiées.

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Reprenons au regard des idéaux de droite.

Sur le plan économique, la contestation originelle concernait l’hystérie fiscale: elle ne pouvait que combler tous les esprits de droite, libéraux ou interventionnistes. Voilà à présent que par une étrange magie idéologique le débat – grand ou petit – porte sur le rétablissement de l’ISF, la création d’une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu, l’alourdissement des droits de succession et le maintien de la taxe d’habitation pour une bonne partie des ménages.

Voilà qui ne devrait pas, a priori, plonger dans une extrême euphorie un esprit de droite.

Sur le plan de l’identité culturelle et de l’immigration, le gouvernement a réussi le prodige, ainsi qu’écrit plus haut, d’escamoter cette question existentielle du haut de l’affiche sans provoquer une bronca populaire. La faute sans doute ici à l’aphasie de la droite politique. Elle s’en mordra les doigts. Le fait que le Rassemblement national semble aujourd’hui tirer davantage les marrons du feu que la France Insoumise ne devrait pas faire illusion et fausser la perspective. La vie électorale du moment ne se confond pas avec la force de ces idées qui font bouger les lignes.

Reste enfin la question de l’ordre public. C’est elle qui caractérise sans doute en premier l’esprit de la droite démocratique soucieuse de voir respecter le suffrage universel et la sécurité de ses citoyens, à commencer par celle des gardiens de celle-ci. En rappelant que ceux-ci sont les derniers remparts contre la barbarie à visage urbain.

Il n’est pas interdit de constater que certains membres de la droite politique semblent avoir perdu leurs esprits comme leurs idées en tentant de justifier les violences par la maladresse ou l’arrogance avérées d’un pouvoir, il est vrai exaspérant autant que méprisant.

Il n’empêche, dans une société policée, l’aversion ne saurait confiner à la détestation et l’opposition résolue à la haine physique.

À ce degré d’ingrates incertitudes, y compris au regard de l’offre politique, il n’est pas interdit à défaut d’être exaltant, de prôner patience et circonspection.

Lorsqu’on croit son adversaire foutu mais qu’on se craint cocu.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro Vox.

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