Publié par Christian Larnet le 26 janvier 2019

Lorsque le président français Emmanuel Macron a reçu Abdel Fattah al-Sissi à Paris en octobre 2017, cinq mois après son entrée en fonction, il lui a remis une liste de militants qu’il pensait pouvoir faire libérer de prison.

Al Sissi a regardé Macron, et lui a suggéré qu’il était bien naïf. Il a ensuite méticuleusement exposé les raisons pour lesquelles aucune personne de la liste ne devait être libérée, soulignant leurs liens avec les Frères musulmans ou le jihad, selon trois sources informées de l’échange entre les dirigeants évoquées par Reuters. (1)

Déconcerté, le jeune président français, qui considère al Sissi comme une force stabilisatrice dans la région et veut renforcer les liens commerciaux et de défense avec Le Caire, a alors fait rapidement du rétro-pédalage et déclaré lors d’une conférence de presse que ce n’était pas à lui de “faire la leçon” à l’Egypte sur les libertés civiles.

Avance rapide de 13 mois

Alors qu’il se prépare pour une visite de trois jours en Égypte qui débutera ce dimanche, Macron espère obtenir plus de contrats d’affaires et de défense sans abandonner le dossier des droits de l’homme.

Le problème auquel Macron est confronté, c’est que bien qu’il ait été moins franc sur les droits de l’homme depuis sa première rencontre avec Sissi, l’Égypte n’a pas réussi à conclure d’accords civils et de défense avec la France, et les groupes de défense des droits disent que la répression contre les libertés n’a fait que s’aggraver.

Les ONG font maintenant pression sur Macron pour qu’il soit ferme face au président égyptien, qui a obtenu un second mandat en avril, renforçant ainsi sa position en tant que courtier en pouvoir dans la région. Mais la fermeté est plus facile à dire qu’à obtenir, pour le président en mal de légitimité dans son propre pays.

L’Elysée parle d’une “évolution” dans la pensée de Macron

“L’approche du président en octobre 2017 était peut-être un peu différente… mais le temps a passé”, a déclaré un conseiller présidentiel. Il est vrai qu’en France, le coup de la “pensée complexe” n’a pas fonctionné longtemps, et a révélé plutôt un président immature, peu sûr de lui, qui cache ses faiblesses sous une arrogance de principe.

Cette fois, plutôt que de fournir une liste restreinte de noms de personnes qui devraient être libérées de prison, les autorités françaises ont envoyé au Caire un rapport plus large sur les lacunes en matière de droits humains de militants non islamistes emprisonnés. Le quai d’Orsay pense ainsi que Sissi aura du mal à rejeter d’emblée les doléances, et il espère éviter à Macron un second soufflet humiliant.

Préoccupations partagées sur la Libye et sur les jihadistes, mais Macron ignore – ou feint d’ignorer – que les Frères musulmans, légalement installé en France, sont une organisation terroriste bien déguisée

“Je pense que Macron se rend compte qu’il y a eu des limites à sa diplomatie silencieuse”, a déclaré une source diplomatique française. “Il doit trouver un équilibre entre ne pas contrarier Sissi et faire un discours public sur les droits de l’homme.”

  • Après l’arrivée au pouvoir de Sissi en 2014, les relations franco-égyptiennes se sont renforcées.
  • Les deux pays partageaient les mêmes préoccupations au sujet d’un vide politique en Libye et de la menace des groupes djihadistes en Égypte, Frères musulmans exceptés.
  • L’ancien président français François Hollande avait adopté une approche discrète, c’est à dire soumise, en matière de droits, afin de signer des accords de défense. Il avait ainsi obtenu, en échange de son silence, notamment :
    • la vente de 24 avions de combat Rafale,
    • d’une frégate multimission,
    • de deux navires de guerre Mistral, pour un montant total de quelque 6 milliards d’euros.

“En partie en échange de l’aveuglement de la France dans le domaine des droits de l’homme et des normes démocratiques, le Caire a acheté pour des milliards d’armes”, avait déclaré Jalel Harchaoui, professeur de géopolitique à l’Université de Versailles. “Mais les choses ont un peu changé dernièrement. L’emprise de Sissi sur le pouvoir est beaucoup plus ferme.”

Depuis que Macron est arrivé au pouvoir, les affaires se sont refroidies

Macron, qui a très mal joué sa carte, n’a pas réussi à faire libérer les personnes de sa liste, et il a perdu les contrats.

L’excédent commercial de la France avec l’Égypte ne s’est pas amélioré en trois ans, oscillant autour d’un milliard d’euros. L’Allemagne et d’autres États ont coiffé Macron au poteau, et réussi à obtenir d’importants contrats civils.

  • L’engagement égyptien d’acheter 12 avions de combat Rafale supplémentaires a été suspendu pendant près de deux ans.
  • Les responsables français espèrent que cela pourrait changer dans les semaines à venir, même si l’on sait que la signature d’un tel contrat au cours de la visite de M. Macron serait une mauvaise idée au milieu de ses demandes sur les droits de l’homme.

“En privé, ils disent que Macron a compris, mais le test pour lui sera de savoir si ce ne sont que des mots pour nous faire plaisir ou s’il y a quelque chose de concret comme la libération des prisonniers à la fin”, a déclaré un responsable d’une ONG basée à Paris cité – sans le nommer – par Reuters.

La question de savoir si Macron peut trouver une formule de mots et d’actions qui maintienne les droits humains à l’ordre du jour et convainc Sissi de s’engager à nouveau dans le commerce n’est pas claire. Ce sera un peu sa séance de rattrapage.

Mais même s’il parvient à convaincre le président égyptien que la France est un partenaire de confiance, ce n’est peut-être pas suffisant, vu la situation financière du Caire.

“La crise de la dette de l’Égypte rend moins probables de nouveaux achats de matériel français par le Caire”, a dit M. Harchaoui, faisant référence aux emprunts importants de l’État auprès du FMI. “Dans ce nouvel environnement, le soutien idéologique de la France reste inébranlable, mais est devenu moins pertinent.”

Conclusion

A l’intérieur comme à l’extérieur, Emmanuel Macron prend revers sur revers et va d’échec en échec. En France, il ne parvient pas à redresser l’économie, et il ne parvient pas à comprendre les préoccupations des Français – avec ou sans Gilets jaunes. En Affaires étrangères, il a réussi à irriter la chancelière allemande avec ses projets de réforme utopiques, il a été incapable d’adapter les Accords de Paris sur le Climat lorsque Trump lui a tendu la main en lui montrant ses anomalies structurelles, et a laissé Trump les quitter, et ses échecs en Egypte ne sont pas bien brillants non plus.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Christian Larnet pour Dreuz.info.

  1. Reuters

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