Publié par Gaia - Dreuz le 27 janvier 2019

Olivier Marleix, député LR d’Eure-et-Loir, a écrit au procureur de la République de Paris pour lui demander l’ouverture d’une enquête concernant la vente du pôle énergie d’Alstom en 2014. Il nous explique pourquoi.

Que va décider la justice ? Dans une lettre au procureur de la République de Paris, révélée la semaine dernière, le député Olivier Marleix (LR) demande la mise en œuvre d’une enquête sur les circonstances de la vente en 2014 du pôle énergie d’Alstom à l’Américain General Electric (GE), qui vient d’annoncer qu’il envisageait de supprimer jusqu’à 470 postes en France.

À l’époque, l’entreprise française était poursuivie pour des faits de corruption en Indonésie, par la justice américaine. Dans son courrier, le député rappelle que le candidat Macron, qui était au moment de la vente ministre de l’Économie, a bénéficié d’un « montant de dons records pour sa campagne ». Dans une interview exclusive pour Le Parisien – Aujourd’hui en France, il s’interroge sur le lien de cette vente avec le financement de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron.

Qu’attendez-vous de la justice ?

OLIVIER MARLEIX. Déjà, qu’elle vérifie les faits qui sont signalés. De quoi parle-t-on ? De personnes qui avaient intérêt à obtenir du ministre de l’Économie de l’époque (NDLR : Emmanuel Macron) des décisions d’autorisation de vente d’entreprises stratégiques, et qui se seraient par la suite mobilisées pour financer sa campagne électorale. Or je rappelle que notre droit pénal réprime le fait qu’une autorité publique puisse recevoir des avantages, sous quelque forme que ce soit. J’ai donc fait un signalement, dans le cadre de l’article 40 du code de procédure pénale. Il ne m’appartient ensuite ni de les vérifier, ni de les qualifier. C’est le travail de la justice.

Pourquoi mettez en cause Emmanuel Macron ?

Il agissait à l’époque en tant que secrétaire général adjoint de l’Élysée de François Hollande, puis comme ministre de l’Économie. Et c’est en tant que tel qu’il a pris des décisions administratives, et au final signé les autorisations de vente d’Alstom, Alcatel, Technip, etc. Des entreprises dont l’avenir est parfois mal engagé. Or il faut bien comprendre que toutes ces affaires s’inscrivaient dans un régime juridique spécifique du code du commerce, dicté par la protection des intérêts nationaux. Toutes nécessitaient des autorisations du ministre de l’Économie.

Dans la Commission d’enquête créée en 2017 sur « les décisions de l’État en matière de politique industrielle », que j’ai présidée, nous n’étions pas forcément unanimes sur l’interprétation du rôle joué par Emmanuel Macron dans la vente d’Alstom. En revanche, nous l’étions pour dire que le processus manquait de transparence. Quant à la fusion Alstom-Siemens, elle semble de son côté tourner au fiasco.

Ces ventes ont-elles pu servir à des intérêts personnels ?

Elles n’ont en tout cas servi ni les intérêts nationaux, ni ceux des salariés. Je m’interroge donc sur ces ventes. Ont-elles pu aider au financement de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron ? Aucune promesse de l’époque n’a été tenue. À commencer par l’emploi. Rien que pour Alstom Power, on nous annonçait une création nette de 1000 emplois. Or c’est tout le contraire qui est arrivé. General Electric se trouve dans une situation de déconfiture, avec un endettement colossal.

Que faudrait-il faire ?

Alstom Power doit redevenir français. Je ne parle pas d’une nationalisation, qui constituerait une prise de contrôle. Il n’est pas nécessaire d’aller jusque-là. Mais l’État pourrait participer à un tour de table, via par exemple la BPI (NDLR : la Banque publique d’investissement). J’ai donc proposé au gouvernement de lancer une offre de rachat, notamment de la branche nucléaire, par exemple avec EDF. Cela permettrait ainsi de retrouver une souveraineté sur l’atome, que nous avons perdue depuis la vente. Je rappelle l’enjeu, à savoir l’entretien de nos 58 réacteurs nucléaires et la capacité de la France à vendre des centrales 100 % clé en main.

La France pourrait-elle en supporter le coût ?

Ce n’est pas à moi de le dire. Mais Alstom Power ne vaut plus les 13 milliards d’euros auxquelles elle a été vendue. D’autant qu’il ne s’agit que d’une partie des activités. À mon sens, c’est tout à fait réalisable.

Souhaitez-vous que la justice se penche sur le rôle de l’ancien PDG d’Alstom, Patrick Kron, dans cette affaire ?

Je souhaite surtout qu’elle étudie le décalage entre le gouvernement américain, qui se vante d’avoir mis un terme à la plus importante opération de corruption qu’ils ont eu à traiter, avec un certain nombre de contrats pour lesquels Alstom a plaidé coupable (NDLR : et soldé les poursuites en acceptant de payer une amende record de 772 millions de dollars, soit 680 millions d’euros). Et de l’autre, une justice française qui n’a mené aucune investigation. Pourquoi ? Parce que les faits se sont déroulés hors de France ? Certes, mais je note quand même une grande injustice dans le sort réservé aux uns et aux autres. Il y a quand même un cadre d’Alstom qui a fait près de deux ans de prison aux États-Unis, quand d’autres n’ont jamais été inquiétés.

Croyez-vous à la théorie selon laquelle Alstom Power a été vendu pour éviter la prison à plusieurs de ses cadres ?

On peut raisonnablement estimer que ça a pu jouer.

Les entreprises françaises sont-elles suffisamment protégées contre les procédures judiciaires américaines ?

Depuis le traumatisme Alstom, nous avons fait des progrès. Sur le renseignement tout d’abord, qui nous permet aujourd’hui d’être plus attentifs et plus protecteurs vis-à-vis de nos entreprises. Le gouvernement a également commandé un rapport parlementaire au député de Saône-et-Loire Raphaël Gauvain (LREM). Cela montre qu’une vraie réflexion est menée dans ce sens, avec la possibilité dans certains cas d’invoquer une loi de blocage qui permettrait de ne pas transmettre des éléments estimés stratégiques demandés par une autorité judiciaire étrangère.

Est-ce suffisant ?

Non. Il faut une réponse européenne. La culture américaine est extrêmement patriotique. J’ai halluciné d’entendre le patron des affaires internationales, au ministère de la justice américaine, déclarer : dans l’affaire de corruption qui concerne Alstom, nous défendons les intérêts des actionnaires américains. En clair, cela voulait dire qu’il défendait les entreprises américaines concurrentes d’Alstom qui avaient été flouées. Et pour cela, ils ne lésinent pas sur les moyens. Même la NSA (NDLR : l’Agence nationale de la sécurité, rattachée au département de la Défense, et en charge du renseignement dans les systèmes informatiques) traque des informations sur nos entreprises françaises pour les transmettre à la justice. Les Américains chassent en meute quand de notre côté, nos administrations travaillent chacune de leur côté.

LA RÉPONSE DE L’ÉLYSEE

Pas question à l’Élysée de prêter un quelconque intérêt à toute cette histoire. « C’est de la pure communication politique, s’insurge-t-on rue du Faubourg-Saint-Honoré. Le député Olivier Marleix essaye de faire du buzz et ne montre que peu de considération pour le rôle de parlementaire. » Et le cabinet du président de la République de rappeler que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a « tout épluché » et considéré que « tout était transparent et conforme ».

« Une enquête judiciaire menée sur une partie des comptes de campagne d’Emmanuel Macron a rendu ses conclusions et classé le dossier en septembre 2018. » Les règles sont effectivement strictes. Si les noms des donateurs sont couverts par le secret fiscal, le nombre de donateurs ainsi que le montant total des dons sont en revanche connus : 74 702 personnes, pour un pactole de 14 millions d’euros, pour la campagne de l’actuel président de la République. « Pour chaque donateur, la limite légale d’un don est de 7000 €, précise-t-on encore à l’Élysée. Comment voulez-vous que quiconque ait une influence sur une campagne ou sur le candidat avec des sommes aussi limitées ? »

Source : Leparisien

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