Publié par Jean-Patrick Grumberg le 22 février 2019

Le célèbre professeur de droit constitutionnel et Démocrate Alan Dershowitz a récemment déclaré «en tant qu’Américain et juif, je crains plus la gauche que la droite»

Etrangement, cette importante citation d’un homme de gauche, qui remet les choses à leur juste place, est absente de l’article que consacre Etienne Jacob à la montée des groupes de haine aux Etats-Unis (1). A ce point, il y a de quoi douter de l’honnêteté du journaliste dans son traitement de l’information.

En fait, tout laisse à croire qu’il a soigneusement sélectionné certains faits et laissé de côté les autres pour influencer l’opinion des lecteurs. Ce n’est pas du journalisme, c’est du militantisme politique : un journaliste n’est pas supposé donner son opinion mais présenter les faits au lecteur pour qu’il forme lui-même son opinion, contrairement à un éditorialiste ou l’analyste qui tape ces mots sur ce clavier.

Le journaliste (ou activiste avec une carte de presse ?) Etienne Jacob, commence très mal son article par une référence au dernier rapport annuel du Southern Poverty Law Center (SPLC).

Utiliser une machine de haine comme source d’un article pour dénoncer la haine

De deux choses l’une, et aucune ne lui vient en aide :

  • Soit Jacob ne sait pas que le SPLC, jadis une organisation honorable et essentielle pour la défense des droits civiques, est devenu un organe de propagande de haine, une machine à dénoncer et broyer les conservateurs et blanchir la gauche, un virulent opposant au président Trump, soit il le sait et fait semblant de l’ignorer.
  • Tout journaliste débutant sait que le SPLC inclut maintenant dans sa liste des “groupes haineux”, des personnalités et des organisations qui n’y auraient jamais figuré dans les années 70 et 80, simplement parce qu’ils défendent des positions politiques opposées à celles de la gauche.
  • Exemple : La Fédération pour la réforme de l’immigration, qui en 2016 a poursuivi le SPLC en justice après avoir été incluse par l’organisme parce qu’il milite contre l’immigration illégale. Nous sommes très loin du KKK et des Black Panthers…
  • Exemple : David Horowitz, ancien homme de gauche devenu conservateur, et directeur de Front Page magazine.
  • Exemple : des Eglises locales opposées au mariage gay, comme le Family Research Council. Le vice-président exécutif de FRC, Jerry Boykin déclarait en 2017 à CBN News (2) : “Tout d’abord, le SPLC, vous devez comprendre, est probablement l’un des groupes les plus malfaisants en Amérique. Ils sont devenus une machine à gagner de l’argent et une organisation marxiste, anarchiste.”
  • Exemple encore plus malsain : le docteur Ben Carson, célèbre neuro-chirurgien Noir et candidat Républicain à la présidence, qui a été nommé par Trump au poste de ministre du Développement urbain, a été inclus dans la liste des extrémistes du SPLC – puis discrètement retiré lorsque l’organisation a réalisé qu’elle était allée trop loin.
  • Exemple scandaleux : Hirsi Ali, féministe d’origine somalienne, qui après avoir elle-même été victime d’une excision, milite contre la mutilation génitale pratiquée dans le monde musulman.
  • Exemple honteux : L’institut conservateur de M. Dacus basé à Sacramento, spécialisé dans les cas de protection de la liberté religieuse, figurait sur la liste juste en dessous des Chevaliers du Ku Klux Klan de la côte pacifique.
  • Exemple dégoûtant : Morton Klein, le président de la très ancienne et très honorable ZOA, Zionist Organisation of America, un homme intègre et que je connais bien, a été classé par le groupe comme extrémiste, parce que ZOA n’est pas une organisation juive de gauche.
  • Le SPLC a une catégorie “groupes anti-musulmans”, mais pas de catégorie “groupe anti-chrétiens”.
  • En 2017 CNN, ouvertement Démocrate, a publié “la liste des groupes de haine dans votre quartier” du SPLC pour presque immédiatement la supprimer et la remplacer par un lien vers le site internet du SPLC. L’article dressait la liste des 917 organisations figurant sur la très contestée “carte de la haine” du Southern Poverty Law Center, qui liste des groupes racistes comme la nation aryenne aux côtés d’organisations conservatrices classiques comme l’Alliance pour la défense de la liberté et le Family Research Council. (3)

“Je suis choqué que CNN ait publié ce rapport aussi faux du Southern Poverty Law Center”, a déclaré Mat Staver, fondateur et président de Liberty Counsel. “Il est offensant de mettre dans le même sac que le KKK, les néonazis et les tenants de la suprématie blanche, des organisations chrétiennes pacifiques qui condamnent la violence et le racisme. C’est l’incarnation même des fausses nouvelles et c’est pourquoi les gens ne font plus confiance aux médias.”

C’est pourtant exactement ce qu’a fait le journaliste du Figaro en comptant sur le peu de connaissance des lecteurs en s’appuyant sur cette organisation que même le FBI a cessé d’utiliser comme source – et c’est précisément pour ce genre de manque d’honnêteté que le public n’a plus confiance dans les médias.

Et pour couronner le tout, le Southern Poverty Law Center refuse d’inclure des groupes ultra-violents comme les Antifa dans sa liste, les qualifiants de “combattants de la liberté”.

Les statistiques qu’Etienne Jacob cache

  • Prenant pour exemple le Daily Stormer, un des groupes racistes les plus actifs dans la diffusion de propagande antisémite et raciste, Clara Hill, chercheuse au département sur l’extrémisme à l’Anti Defamation League (ADL) explique (4) :

«Les groupes sont relativement petits et les sections sont généralement composées de deux à dix personnes»

D’après leur dernière campagne, Hill estime que le groupe ne compte qu’une cinquantaine de membres dans tout le pays.

  • Quant aux membres du KKK, leur nombre est estimé entre 5 et 8000 sur tout le territoire américain (ils étaient 4 millions dans les années 20).
  • Selon l’organisation START (Etude du terrorisme et réponse au terrorisme) de l’université du Maryland :

«Notre étude (5), qui repose sur les bases de données du gouvernement américain, a identifié 2 149 extrémistes islamistes, d’extrême gauche, d’extrême droite, qui se sont radicalisés et sont devenus des extrémistes violents et non violents aux États-Unis de 1948 à 2017.

https://www.start.umd.edu/news/new-data-updated-analysis-profiles-individual-radicalization-united-states

Les extrémistes d’extrême droite, précise START, constituent le groupe idéologique le plus important de cette base de données (922), suivis des extrémistes islamistes (496). Les autres se répartissent entre les extrémistes d’extrême gauche (367) et les personnes appartenant à la catégorie «question unique» – dont les croyances varient, mais comprennent des extrémistes anti-avortement, des nationalistes portoricains et des membres de la Jewish Defense League – soit 364 personnes.»

Quelles sont les activités des groupes néonazis ?

«L’une de leurs activités préférées est l’affichage», a déclaré Keegan Hankes, analyste spécialisé sur la surveillance des campagnes en ligne de l’extrême droite au Southern Poverty Law Center (SPLC) et que «C’est un risque assez faible et c’est un bon moyen d’attirer l’attention sur vous».

«Bien que les Juifs aient tendance à être leur ‘cible préférée’, ils encouragent également le racisme contre les personnes de couleur, les membres de la communauté LGBTQ, les femmes, et toute autre personne perçue comme «anti-blanc. Soit à peu près tout ce qui n’est pas un homme blanc hétérosexuel,» dit Hankes.

Globalement, les activités de ces groupes consistent principalement en la production d’ouvrages et de conférences.

Conclusion

Le Figaro a fait une erreur en confiant l’important sujet des groupes de haine à un journaliste trop fainéant pour faire un simple travail de recherche. Jacob s’est contenté de recopier une plaquette publicitaire – ce n’est pas du journalisme.

Dénoncer certains groupes de haine et oublier les autres a des conséquences très dangereuses pour la société, et Etienne Jacob porte une responsabilité, en cela que les groupes violents, s’ils ne sont pas mis en cause par les médias, se sentent légitimés dans leurs actes de violence.

Conor Barnes, un ancien anarchiste, expliquait au journaliste Tucker Carlson :

«Il y a [dans le mouvement] une très forte composante confessionnelle. On devient absolument sûr d’avoir raison. Et rien ne vous en détournera. Vous avez fixé votre cap et vous l’avez compris».

Mike Isaacson, professeur de droit criminel au John Jay College et militant Antifa qui a été récemment suspendu pour ses appels à la violence contre la Police, a soutenu l’idée que les militants Antifa ont le droit de répondre à la violence d’un message politique par la violence physique.

Je vous renvoie vers l’article que j’ai publié en décembre dernier “Extrémisme, haine et intolérance” (6), qui couvre l’ensemble des groupes de haine, et pas seulement les blancs suprémacistes.

Vous comprendrez pourquoi un homme de gauche comme le Professeur Alan Dershowitz affirme, malgré l’attentat contre la synagogue de Pittsburgh par un néonazi en octobre 2018 : « en tant qu’Américain et juif, je crains plus la gauche que la droite ».

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

  1. Le Figaro
  2. CBN
  3. Washington Times
  4. Antisemitism.org
  5. Start
  6. Dreuz

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