Publié par Jean-Patrick Grumberg le 4 février 2019

Emmanuel Macron, Jupiter en orbite autour des Gilets jaunes, a renoué avec le journalisme de cour, cette forme de journalisme servile et dégoulinant de condescendance qui fait son métier en flattant le puissant.

Macron a invité quelques journalistes pour participer à une «discussion au coin du feu», une première dans son mandat. Le journaliste du Point, Emmanuel Berretta, était de ceux-là, et il a été question de la démocratie suisse, puisqu’une des revendications des Gilets jaunes est d’introduire un «référendum d’initiative citoyenne» (RIC), inspiré de loin de la tradition helvétique.

Je dis “de loin” car je suis moins que certain que les Gilets jaunes se soient penchés sur la complexité d’un système composé de différentes sortes de référendum :

  • Il y a les référendums proposés par le pouvoir au peuple, pour lui demander quatre fois par an son avis.
  • Et les référendums où le peuple impose sa vision au pouvoir.
  • Il y a des référendums fédéraux, cantonaux et municipaux, chacun ayant ses règles et son minimum de signatures nécessaires pour être déclenché.
  • Parlant de signatures, s’il suffit d’obtenir 50 000 ou 100 000 signatures, selon les thèmes, pour pouvoir organiser un référendum fédéral (et beaucoup moins au niveau cantonal ou communal), un parti bien structuré a plus de pouvoir pour organiser un référendum que des individus non politisés, même si leurs revendications sont largement partagées.

Mais revenons à nos Macron…

Berretta :

«La Suisse, et son recours fréquent aux «votations populaires», n’est absolument pas le modèle qu’Emmanuel Macron veut prendre en exemple. Lors de la conversation au coin de feu que nous avons eue avec lui, jeudi (1), il a écarté fermement cette solution, tout comme il avait déjà fermé la porte au RIC.»

Pourquoi Macron ne veut pas du RIC . Une fausse raison…

« On n’est pas du tout fait pour ça, dit-il. Je crois aux identités profondes des peuples. La France n’est pas la Suisse et la Suisse ne marche pas aussi bien qu’on le pense. Le modèle suisse est inadapté. La Suisse, c’est 6 millions de personnes. (Sic : La Suisse, c’est 8 millions pas 6, tout comme la Guyane n’est pas une île, monsieur je sais tout).

Ce président est une girouette, il dit constamment une chose et son contraire, et cela avait été largement évoqué par les médias durant sa campagne électorale. Le problème est qu’on ne sait pas ce qu’il pense vraiment – le sait-il lui-même ?

Lui qui affirmait qu’il n’existe pas d’identité française, et encore moins une culture française différente des peuples d’Afrique lorsqu’il défendait l’idée d’un pont entre le continent africain et l’Europe, défend l’idée que les Suisses et les Français ont des identités profondément différentes.

Mais bien-sûr monsieur le président ! Le peuple français a une identité profondément différente de celle du peuple suisse, et profondément identique à celle des peuples africains, qui douterait !

Quant à dire que la Suisse ne marche pas si bien que ça, je crois en effet qu’il a raison : un pays qui n’a pas de chômage, pas de dette publique, un revenu moyen trois fois supérieur à celui des Français, et un pays qui figure à la 4e place des peuples les plus heureux au monde alors que les Français pédalent au 47e rang, c’est vraiment un pays qui ne marche pas bien. Qui oserait contredire Macron ? Pas le journaliste de cour – il serait désinvité.

Donc Macron ne veut pas de RIC parce que les Français “ne sont pas faits pour ça ?” Par chance, nous ne sommes pas les courtisans du prince, et contrairement à Emmanuel Berretta, nous pouvons oser dire que Macron dit n’importe quoi.

Et c’est justement au détour d’une petite phrase qu’il voulait drôle qu’il laissera s’échapper sa vraie crainte, et expliquera pourquoi il est si hostile au RIC.

… Et la vraie raison, la petite phrase qui le trahit

Berretta :

“Et d’ailleurs les Suisses, comme disait je ne sais plus qui, ils commencent toujours avec des questions de gauche et ils finissent avec des réponses de droite”, ajoute Macron en forme de boutade.

Une boutade fatale.

Un journaliste de cour, c’est ça. Quelqu’un qui ne relève pas les contradictions, les erreurs, les remarques importantes.

Que dit Macron ? Il suffit de l’écouter.

  • Il ne veut pas d’un système où les citoyens expriment leur opinion, votent comme ils veulent, et non comme on leur dit. Si on leur pose une question de gauche, ils doivent apporter la réponse qu’on attend d’eux, une réponse de gauche.
  • Dit autrement, si on demandait aux Français s’ils veulent plus d’immigration, on veut qu’ils disent oui, et ils diront non (à 70%, les derniers sondages le confirment).
  • Si on leur demande si les étrangers illégaux doivent être couverts à 100% par la sécurité sociale, ils doivent dire oui, et ils diront non.
  • Si les délinquants étrangers doivent être expulsés manu-militari, les jihadistes enfermés à vie, les Fichés S neutralisés, les combattants d’ISIS français laissés croupir dans les geôles d’Irak, ils diront oui – alors que Macron veut qu’ils disent non.

Macron ne veut pas de RIC parce qu’il craint, parce qu’il sait que le peuple français ne votera pas comme il faut, comme on lui dit de voter. Et il n’est pas question pour Macron de laisser le peuple français décider de son sort sous prétexte que certains portent des Gilets jaunes.

Conclusion

Macron et le système qu’il représente ne pourrait pas imposer des décisions contraires à la volonté générale, si la volonté générale pouvait s’exprimer, donner son avis, et défendre ses intérêts au lieu de ceux de la classe politique dirigeante où des peuples étrangers. Aucun politicien sorti de l’ENA, aucun haut fonctionnaire ne renoncera à ce pouvoir.

Macron ne peut pas le dire en face du peuple, mais cette petite phrase révèle sa conception profonde.

C’est le pot-aux-roses dont tout le monde se doute. Macron ne veut pas partager avec le peuple le moindre petit bout de pouvoir, et renoncer à ce pouvoir dont il s’est enivré, et qui enivre ceux qui en possèdent au point qu’ils en veulent toujours plus.

Cette phrase, c’est la preuve qui n’était pas rapportée, la pièce manquante du puzzle. Et comme pour exercer mon métier, je déteste les idées conspirationnistes, les suppositions et les hypothèses, que je préfère m’appuyer sur des faits, sur du solide et sur du réel, et que je pense que vous, chers lecteurs qui me lisez, attendez cela de moi, les mots mêmes de Macron valent tous les effets de manche des commentateurs et experts. A condition de les entendre et de les écouter.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

  1. Le Point

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