L’anniversaire de la signature des accords de Camp David entre Israël et l’Egypte, il y a tout juste 40 ans – est l’occasion de revenir sur cet événement historique, dont la signification véritable apparaît bien différemment aujourd’hui. Par une ironie de l’histoire, c’est Menahem Begin, le “faucon”, qui fixa le précédent dangereux et trompeur de “la paix contre les territoires”. Le faux messianisme de la paix qui triompha par la suite à Oslo était déjà présent dans la société et dans la classe politique israélienne en 1977.
Le premier à avoir compris, dans le camp arabe, la transformation qu’avait subie l’État d’Israël au lendemain de la « guerre d’octobre » fut Anouar Al-Sadate. Un certain discours le présente aujourd’hui, à l’instar de Rabin, comme un « faucon devenu colombe ». Mais ce raccourci journalistique est faux et trompeur, pour l’un comme pour l’autre. Il faut relire le dernier discours de Rabin à la Knesset [1] pour comprendre qu’il n’a jamais renié son passé ; et il faut relire le discours de Sadate à Jérusalem, pour comprendre qu’il est lui aussi resté fidèle à ses engagements et à sa vision, conforme à la doctrine politique de l’Égypte établie depuis la Révolution des officiers libres en 1952. Le plus farouche ennemi d’Israël, admirateur d’Hitler dans sa jeunesse [2], ne s’est pas transformé du jour au lendemain en ami des Juifs : il a tout simplement compris que la meilleure façon de vaincre Israël était de se servir de la paix comme d’un cheval de Troie pour affaiblir et diviser l’opinion israélienne, et pour obtenir par la négociation ce que les armées arabes n’avaient pu remporter sur les champs de bataille.
D’une société idéaliste à une société individualiste
Un des ouvrages qui a le mieux décrit cette transformation en Israël est celui d’un sociologue de l’université de Haïfa, Oz Almog [3], qui a montré le passage d’une société idéaliste et collectiviste (celle de la génération de 1948 ou « génération de l’État ») à une société plus matérialiste et individualiste, celle de l’après-guerre de Kippour. Cette transformation a pris des formes multiples, touchant tous les domaines de la société et de la vie publique et privée (les médias, les arts, les rapports hommes-femmes, etc.) Mais c’est dans le domaine politique que ses conséquences ont été les plus marquantes.
Le soldat des guerres d’Indépendance et des Six jours, animé par l’énergie du désespoir (celle des combattants de 1948, dont beaucoup sont tombés les armes à la main face à un ennemi supérieur en nombre mais beaucoup moins motivé ; et celle des soldats de 1967, conscients de protéger leur pays contre la menace d’extermination proférée par Nasser) s’est transformé en un soldat fatigué de se battre, qui doutait de la justesse de sa cause. Ces doutes sont apparus au grand jour dès le lendemain de la guerre de Kippour et ont culminé lors de la Première Guerre du Liban, en 1982. Sadate avait bien compris ce sentiment de lassitude animant la société israélienne lorsqu’il est venu à Jérusalem, non pas pour offrir une « paix des braves », selon l’image d’Epinal, mais pour exiger d’Israël qu’il accepte toutes ses conditions. Ce faisant, il a fixé le dangereux précédent de la « paix contre les territoires », paradigme trompeur accepté par Israël qui subsiste jusqu’à ce jour.
Le faux Messie de la paix, hier et aujourd’hui
Dans son beau livre Être Israël, publié en France quelques mois après les accords de Camp David [4], le journaliste Paul Giniewski raconte trente années de reportages et de voyages en Israël, de 1948 à 1978. Avec talent et justesse, il décrit l’euphorie qui a gagné la société israélienne lors de la visite de Sadate à Jérusalem. Dans un chapitre intitulé « 1977 : brève rencontre avec le Messie », il relate ses sentiments mitigés à l’écoute du discours de Sadate devant la Knesset :
« J’écoute. Ma déception augmente. Le mot paix revient de plus en plus souvent : [Sadate :] « Je prononce le mot paix, et que la miséricorde de Dieu tout-puissant soit sur vous, et que la paix vienne pour nous tous. Paix sur toutes les terres arabes, et paix sur Israël ! » Mais en même temps, l’accusation devient de plus en plus précise. Sadate est venu à la Knesset pour dénoncer Israël ! (…) Je viens d’entendre ce qui, chez les Arabes, fait l’unanimité des modérés et de ceux du camp du refus. Les uns réclament la destruction d’Israël. Les autres acceptent son existence, au prix de concessions qui conduiront à sa destruction : la restitution des territoires, un État palestinien. La différence est dans les mots, dans le style, mais pas dans le but final. .. »
Et Giniewski rapporte aussi les mots de Golda Meir, la dame de fer d’Israël, interrogée sur les accords de Camp David par un journaliste, qui lui déclare : « Sadate et Begin méritent le prix Nobel de la paix ». Elle sourit : – « Peut-être aussi l’oscar du cinéma ? ». A la buvette du Parlement, où les députés se congratulaient avant le discours [de Sadate], je l’entends dire de sa voix désabusée : – Vous attendez le Messie ? Quand nous sommes allés au kilomètre 101 [5], [le général] Aharon Yariv négociait avec un officier égyptien. Nous avons aussi cru que c’était le Messie. Mes enfants, quand le Messie viendra, il ne s’arrêtera pas au kilomètre 101 ».
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du Jourdain depuis lors, après l’assassinat de Sadate et celui de Rabin. L’euphorie née de la visite de Sadate à Jérusalem s’est depuis longtemps dissipée, et même la gauche israélienne, qui avait voulu faire d’Arafat un partenaire de paix, a dû déchanter. Le Messie n’est pas venu à Camp David, ni à Oslo, et il n’a même pas appelé au téléphone, comme l’a chanté Chalom Hanoch. Mais le messianisme de la paix, lui, est bien vivant. Et toujours aussi dangereux, comme tous les faux Messies.
(Extrait de mon livre La trahison des clercs d’Israël, La Maison d’édition 2016)
[1] Le 5 octobre 1995, Rabin prononça un discours politique qui devait être son dernier devant le Parlement israélien (Knesset), dans lequel il exposa sa vision des futures frontières de l’État d’Israël après les accords d’Oslo. Il y mentionna notamment son refus d’un retour aux « frontières de 1967 », l’importance de conserver des « blocs d’implantations » en Judée-Samarie et de maintenir le Jourdain comme frontière de sécurité et son refus de voir Jérusalem redivisée. Voir Dore Gold, « Rabin’s lats Knesset speech », Israel Hayom 2/11/2012.
[2] Voir à ce sujet la lettre adressée par Sadate à Hitler dans le journal cairote El-Moussaouar, le 18 septembre 1953 : « Mon cher Hitler, Je vous félicite du fond du cœur. Même s’il vous semble que vous avez été battu, en réalité vous êtes le vainqueur. Vous avez réussi en créant des dissensions entre le vieux Churchill et ses alliés, les fils de Satan. L’Allemagne vaincra car son existence est nécessaire à l’équilibre mondial. Elle renaîtra en dépit des puissances de l’Ouest et de l’Est. Il n’y aura pas de paix sans que l’Allemagne redevienne ce qu’elle a été…
Pour le passé, je pense que vous avez commis quelques fautes, comme d’ouvrir trop de fronts et [de ne pas avoir su parer à] l’imprévoyance de Ribbentrop face à l’experte diplomatie britannique. Mais ayez confiance en votre pays, et votre peuple réparera ces faux pas. Vous pouvez être fier d’être devenu immortel en Allemagne. Nous ne serions pas surpris si vous y apparaissiez de nouveau ou si un nouvel Hitler se levait dans votre sillage. » (Lettre reproduite par Jean-Pierre Péroncel-Hugoz dans Le radeau de Mahomet, Lieu Commun, 1983, réédité chez Flammarion en 1984).
[3] Farewell to Srulik – Changing Values Among the Israeli Elite, Zmora Bitan and Haifa University Press, 2004 [hébreu].
[4] Paul Giniewski, Être Israël, Stock 1978.
[5] Lieu où se déroulèrent les pourparlers de cessez-le-feu entre le général israélien Aharon Yariv et le général égyptien Gamassi qui mirent officiellement fin à la guerre de Kippour.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Pierre Lurçat pour Dreuz.info.
il faut toujours se rappeler que le mot “paix” a un sens différent dans la bouche d’un leader arabo-musulman.
la paix selon Allah conduit à la domination islamique et à la charia.
entièrement d’accord avec vous
méfiance!
Nous étions tellement et aveuglément épris de paix que nous n’avons pas voulu voir l’insulte délibérée de Sadate à jerusalem. Il portait une cravate pleine de croix gammées entrelacées (comme dans les frises grecques) mais évidentes. Voir photos dans Europe-israel:
https://www.europe-israel.org/2014/06/honneur-deshonneur-et-cravate/
Il n y a rien de rassurant ,!
En effet le mot paix ,n a pas la même signification chez eux . C est le mot clef qui est véritablement le piège a con pour nous les Israéliens ,qu ils soient de “goche” ou de droite.
Aujourd’hui hui ,le temps joue pour eux ,leur haine intense est toujours aussi vivace parmi le milliard de musulmans ,et plus ,sur la planète .Ils attendent que le fruit tombe de l arbre .laissons le temps au temps ,disait un président .Et eux ,ils ont le temps ,la patience ,les armes ,et le “matériel ” humain .
Sadate jouais sur plusieurs tableau et en réalité ne pensait qu’a lui même et a sa gloire.
Qu’il gagne la guerre où qu’il gagne une soi disante paix il était vainqueur.
Pour cela il a engagé l’armée dans la guerre du Kipour et a envoyé plusieurs milliers de soldat égyptien a la mort comme je le disais pour sa propre gloire. Ca lui a coûté la vie
en tout cas sadate a cherché la paix il a reçu la paix éternelle
les arabes ont toujours refusé la paix et israel a survécu et vivra encore tant que ses jeunes gens auront à coeur de se sacrifier (peuvent ils faire autrement d’ailleurs?)
La paix avec les arabes je n’y crois pas beaucoup du moins pas avant ne grande guerre qui les anéantira tôt ou tard. Entretemps une paix du genre de celle qu’Israel a avec l’egypte et qui n’est ,pas trop mauvaise tout de même est possible mais seulement après l’expulsion des faux palestiniens génocidaires. Avant c’est exclu et complètement stupide d’y croire. Quant à l’envie de paix des Israéliens elle est normale, en europe après la 1ère guerre mondiale c’était pareil mais il ne faut pas tomber de charybde en scylla guidé par des sirènes aveugles.
P.S. Naturellement signer n’importe quoi avec les faux palestiniens et toujours possible et j’espère que Netanyahu n’est pas en train de nous mener dans cette direction ce qui semble être le cas pourtant car cela ne changerait pour Israel que dans le mauvais sens: 1. Les arabes seraient toujours là ainsi que leurs mauvaises intentions mais 2. Israel aurait les mains liées par un traité qui ne lui permettrait plus de les chasser des provinces que les arabes jordaniens occupent illégalement dans le but de faire tout le mal possible à Israel à l’intérieur et à l’extérieur. Le résultat sera une grande guerre lorsque cela leur conviendra,pas la paix.
La paix, pour les Arabes, c’est celle de leur religion, c’est celle de leurs versets coraniques, c’est celle de leurs hadiths : c’est la victoire d’Allah sur le monde et l’unification par la shariah.
La paix est bien ce que nous appelons la Victoire.
La paix pour les musulmans c’est – Al Nasr (la victoire) – et symétriquement c’est la défaite des non-musulmans, nous.
Combien de mosquées, combien de dirigeants, combien de journaux, combien de musulmans ne portent-ils pas ce nom al Nasr ?