Publié par Manuel Gomez le 20 mars 2019

Certains d’entre vous, les plus anciens, se souviendront de ce qui avait été appelée à l’époque « L’affaire Saint-Aubin ».

Une affaire criminelle qui s’est déroulée dans notre XXe siècle et qui, pour certains, est demeurée une énigme.

J’ai décidé à présent d’en relater tous les détails, dont certains inconnus jusqu’à présent, car elle m’a atteint personnellement, disons en « dommages collatéraux ».

Je l’ai décrite plus confidentiellement dans mon livre « Un temps ce fut l’Algérie Française »(Pages 342,343 et 344).

Le 5 juillet 1964, au lieu dit « Les Esclapes », sur la Nationale 7, entre les villes de Puget-sur-Argens et Fréjus, dans le département du Var, un véhicule de marque « Volvo », de couleur noire et blanche, immatriculé en Suisse, dérape et s’écrase contre un arbre.

Ca c’est la version officielle du rapport de la gendarmerie.

A l’intérieur de cette voiture, Jean-Claude Saint-Aubin, 23 ans, et son amie, Dominique Kaydash, fils et fille de commerçants dijonnais, sont tués.

Malgré le témoignage d’un harki, Mohamed Moualkia, qui a assisté à « l’accident » et déclare qu’il a vu un camion militaire non identifié se jeter sur la Volvo puis prendre la fuite, suivi par une « 203 » sur la plaque d’immatriculation de laquelle figure une flamme tricolore, le procureur de la République de Draguignan classe, dix jours plus tard, le dossier « sans suite ».

Mohamed Moualkia décèdera d’une manière on ne peut plus suspecte quelque années plus tard alors qu’il allait témoigner dans une émission produite par TF1 sur ce même sujet.

Qu’en est-il réellement de cette « affaire Saint-Aubin » ?

La guerre d’Algérie est terminée depuis 1962, mais pas en Métropole, où, dans l’ombre de l’état-major du pouvoir gaulliste, constitué d’ex « barbouzes » du SAC et des services secrets, on prépare l’avenir, les prochaines élections et l’élimination d’ex ennemis de l’OAS.

C’est également le cas dans le camp viscéralement opposé à de Gaulle.

C’est la tâche à laquelle s’était attelé le capitaine Sergent, ex responsable de l’OAS-Métro, alors qu’à l’extérieur, en Belgique ou en Italie, Georges Bidault, le colonel Argoud et Jacques Soustelle, remuent la Presse internationale.

L’ex capitaine Pierre Sergent est toujours recherché par toutes les polices, même et surtout les “parallèles”.

Ce 5 juillet 1964, Pierre Sergent se trouve en compagnie de Maître Jean Meningaud, avocat de l’OAS, originaire de Philippeville, et qui fut le speaker des insurgés, lors des “barricades” d’Alger, en janvier 1960, alors que je me trouvais à es cotés.

Tous deux roulent vers Fréjus a bord d’une voiture de marque Volvo, de couleur noire et blanche et immatriculée en Suisse. (totalement identique à celle du fils Saint-Aubin)

Dès leur arrivée à destination, ils apprennent l’accident et, pour eux, cela ne fait aucun doute : c’était bien leur Volvo qui était visée et qu’il fallait éliminer. Il s’agit plus que certainement d’une « bavure ».

Dès le lendemain, le capitaine Sergent me contacte par téléphone au siège du quotidien « L’Aurore ». Il doit absolument rencontrer un certain ministre, celui qui renseignait si parfaitement l’OAS, afin qu’il intervienne pour que cesse cette « mise à mort » programmée, qui n’a plus lieu d’être.

Il m’indique comment contacter ce ministre. (Je n’indique pas son nom car il est toujours en vie).

J’organise cette entrevue lors d’une réunion sur l’hippodrome de Saint-Cloud avec l’aide d’un autre ministre, ami personnel de Madame Léon Volterra, propriétaire d’une écurie renommée, qui sert d’intermédiaire : Ce ministre invite son collègue à assister aux courses.

Je vais, enfin, savoir qui était notre “taupe” au cours de ces dernières années, l’homme qui nous a si parfaitement renseignés, l’homme qui assistait aux conseils des Ministres.

Bien entendu, je m’empresse de communiquer ces renseignements à la famille Saint-Aubin, anonymement bien sûr, ce genre de révélations ne se signe pas.

Elles auront permis, aux parents Saint-Aubin, de diriger leur recherche de la vérité dans la bonne direction.

Pierre Sergent arrive, je l’introduis dans l’enceinte du pesage, où se trouvent les propriétaires, et la conversation s’engage dans le rond de présentation des chevaux.

Je n’y assiste pas, mon rôle s’arrête là, mais je sais que Pierre Sergent exige des garanties pour mettre fin à son activité clandestine.

Et bien non, mon rôle ne s’est pas arrêté là.

Quelques minutes plus tard Pierre Sergent me fait appeler par l’appariteur, qui se trouve à l’entrée de la salle de Presse de l’hippodrome de Saint-Cloud : Un photographe vient de les prendre en photo. Bien entendu ce photographe connaît les deux ministres mais ignore qui est l’homme qui s’entretenait avec eux, ignore qu’il s’agit de l’un des hommes les plus recherchés de France, Pierre Sergent.

Il faut absolument que ces photos disparaissent, qu’elles soient détruites de suite, ce serait un scandale si elles étaient publiées.

Il me fait une brève description du photographe et je reconnais aisément le fils Recoupé (lui et son père sont, depuis des années, des photographes accrédités des Sociétés de courses de chevaux). Je sais que tous deux ont des affinités profondes avec le parti communiste, ils ne le cachent d’ailleurs pas.

Inutile donc d’essayer de les persuader de me remettre ces photos.

Je retourne dans la salle de Presse juste à temps pour voir Recoupé disparaître dans les toilettes. L’appareil de photo est là, posé sur la grande table centrale. Il n’y a personne, je n’hésite pas deux secondes. Je le saisis, passe la courroie autour de mon cou et quitte la salle, en passant par les “balances”.

Dans le parking réservé à la Presse, se trouve ma voiture, à l’intérieur de laquelle je m’empresse de retirer la pellicule et de la dissimuler.

Je reviens rapidement vers la salle de presse dans le but de remettre l’appareil à sa place.

Hélas! La Presse est en effervescence. Recoupé s’est, évidemment, aperçu de la disparition de son matériel et tout le monde le recherche.

En toute hâte je le dissimule dans le premier endroit qui se présente à mes yeux, un placard à incendie, derrière la lance d’arrosage.

Manque de pot, en traversant les balances un employé de la Société des Courses m’a vu avec l’appareil suspendu à mon cou. Il n’est pas sûr que ce soit le même mais presque.

Quarante-huit heures plus tard, je suis convoqué au commissariat de Saint-Cloud.

A l’inspecteur qui m’interroge, j’explique qu’il ne s’agit que d’une simple farce, que l’appareil n’a jamais quitté l’hippodrome.

La preuve, nous partons ensemble et je lui montre le lieu où il se trouve caché : L’appareil est bien là. Il est rendu à Recoupé, qui ne constate aucune détérioration, uniquement la disparition de la pellicule. Il ne porte pas plainte mais n’en pense pas moins d’un « Pied-Noir » suppôt de l’OAS.

L’affaire n’ira pas plus loin, mais je suis dans l’obligation de remettre ma carte d’accréditation à la Société des Courses.

Pour moi c’est terrible car les chevaux sont une partie très importante de ma vie. Je suis rédacteur à « Paris-Turf » et responsable notamment de la rubrique hippique des quotidiens « L’Aurore » et « Le Méridional » de Marseille, et je ne pourrai plus exercer ma profession dans ce milieu, du moins officiellement.

Je conserve tout de même la confiance totale de « mon patron », Robert Lazurick.

Mais que faire? Il me fallait bien préserver le bel avenir politique du ministre en question (Il sera d’ailleurs des plus brillants, puisqu’il deviendra président de la République) ne serait-ce qu’en remerciement pour les services rendus à l’OAS.

En 1990, le président François Mitterrand et son ministre de la Justice, Robert Badinter, alloueront un dédommagement de 500.000 francs aux parents des malheureuses victimes de cette « bavure d’Etat », pour « mauvais fonctionnement de l’institution judiciaire », découverte de faux documents, disparition de dossiers, reconstitution officielle sur les lieux de la bavure mais secrètement et à huis-clos, révélations d’un colonel, etc.

Il fallait que cela soit dit, mais il y en a tant à dire sur de Gaulle et ses « hommes de mains » et tout est dit dans mon livre « J’accuse De Gaulle »*, sans que cela ait été contesté, du moins officiellement !

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Manuel Gomez pour Dreuz.info.

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