Publié par Gaia - Dreuz le 17 mars 2019

Il n’y a pas à dire, Emmanuel Macron sait bien s’entourer…

Source : Marianne

L’humoriste, par ailleurs nommé par Emmanuel Macron au Conseil présidentiel des villes, est accusé par Bruno Gaccio de menaces de mort et par une jeune femme de “harcèlement moral au travail”. Contacté par Marianne au sujet de ces deux plaintes que nous révélons, Yassine Belattar répond.

C’est un balaise, Bruno Gaccio, un bon mètre quatre-vingt affuté que l’ancien chef de file des Guignols de l’info, la soixantaine venue, entretient méthodiquement. Une « grande gueule » aussi, habitué de longue date aux échanges vifs des plateaux télé comme aux rudes « battle » si prisées sur les réseaux sociaux. Le 24 janvier dernier pourtant, celui qui fut un peu anar dans sa jeunesse et plutôt proche de la gauche de la gauche aujourd’hui, s’est rendu au commissariat du 5ème arrondissement de Paris, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, pour déposer deux plaintes : l’une pour menaces de mort et l’autre pour diffamation, visant un garçon de 24 ans son cadet, Yassine Belattar, « humoriste » très médiatique et défenseur autoproclamé de la cause des banlieues et des musulmans.

BELATTAR VS. GACCIO

Il y a quelques jours, Gaccio, une des figures emblématiques des années Canal+ pré-Bolloré, a raconté à Marianne les raisons qui l’ont poussé à entreprendre cette démarche, pour lui, plutôt inhabituelle. « Tout a commencé par une série d’amabilités échangés sur les réseaux sociaux. Alors que nous n’avions plus de relations depuis un bail,Yassine Belattar a tweeté “trop triste pour l’ami @GaccioB qui a failli devenir Président de sa République sans bouger de St Germain des Prés”. Rien de grave mais, n’ayant pas l’habitude de laisser passer les attaques, j’ai aussitôt réagi : “Me cherche pas petit. Je te connais. T’as pas le niveau. Tu peux faire le malin avec les autres. Moi je te connais, joue dans ta catégorie. Bonne journée.” Après, tout a dégénéré… ». Nouveau tweet de Yassine Belattar : « Bruno vu que tu es un pointeur avec les femmes, j’aime l’idée que tu deviennes un homme politique de premier plan. Veux-tu vraiment ouvrir la boîte de Pandore ? Tu sais bien que non, Nono… » Cette fois, l’ex-plume des Guignols voit rouge. « Pointeur, explique-t-il, ce n’est quand même pas un terme anecdotique, on l’utilise pour ceux qui se livrent à du harcèlement sexuel et, plus particulièrement, les pédophiles. Moi, évidemment, je sais que je ne suis pas un “pointeur” mais pour mes proches, j’ai décidé de le poursuivre en diffamation. »

L’échange entre les deux hommes est alors loin d’être terminé. A en croire Gaccio, il se poursuit avec un texto de Belattar (« Nique ta mère, ça te fera du bien petit tapin ») puis un appel téléphonique qui le décide à ne pas en rester là. « Il s’est mis à hurler, a promis de venir me tuer, ainsi que ma femme et mes gosses avant d’ajouter : “Je vais enculer ta pute de mère à Saint-Etienne.” » Un tweet de Bruno Gaccio datant du 24 janvier, à 8h37 du matin, évoque cette ultime saillie de Belattar : « Merci pour ton coup de fil plein de tendresse à base de sodomie sur ma maman. Je vais déposer une main courante. » Presque deux mois plus tard, l’ancien animateur de Canal+ assume pleinement le dépôt des plaintes. « J’accepte les insultes, les noms d’oiseau, mais là un seuil insupportable a été franchi. »

En réalité, la furie déployée par son interlocuteur vient de loin, une collaboration avortée remontant à 2015. A l’époque, aux côtés de Claire Basini, directrice des chaînes thématiques de Canal+, et Marie Toublanc, directrice de la production flux et divertissement, Gaccio est chargé de relancer la Grosse Emission de la chaîne Comédie+, créée à l’origine en décembre 1997 par Dominique Farrugia. Il faut trouver un animateur. Le nom de Belattar vient très vite sur la table. Son humour réputé clivant lui assure déjà une réelle notoriété dans la génération montante des comiques et stand-uppers apparus depuis une dizaine d’années. Et ce, en dépit d’expériences professionnelles souvent houleuses.

“Des filles se plaignent d’un comportement agressif, il ne respecte pas les plannings, ne travaille pas assez…”

Car avant Comédie+, il y eut le Mouv’, la station « jeune » de Radio France, en 2010. Il a pour mission de booster la matinale. Mais il en est presque venu aux mains avec le directeur de l’époque, Patrice Blanc-Francard, une figure majeure et respectée de l’audiovisuel depuis plus de quatre décennies. Ce dernier lui reprochait son manque de professionnalisme et de « s’enfermer dans une forteresse ». Réponse de Belattar : « A l’occasion d’un débat sur le halal, il m’a renvoyé de manière insultante à mon arabité… » Une défense victimaire dont il n’a cessé depuis d’abuser à chaque polémique le concernant. De son passage ensuite à France 4, l’ex-directeur des programmes de la chaîne, Bruno Gaston, contacté par Marianne, a retenu « une franche mésentente professionnelle, surtout sur la fin. »

Mais le Belattar 2015 semble moins irascible et séduit rapidement son monde, dont Bruno Gaccio qui n’a apparemment pas gardé un trop mauvais souvenir de quelques collaborations du temps des Guignols« Je le trouvais plutôt amusant, il avait le profil que nous recherchions. » La petite équipe se met au travail sur les pilotes de l’émission mais assez vite, les choses se gâtent. « Des filles se plaignent d’un comportement agressif, il ne respecte pas les plannings, ne travaille pas assez, fait un peu ce que bon lui chante. Et je n’ai peut-être pas réalisé tout de suite qu’il y avait un gros problème avec lui.» Lors d’une réunion précédant le lancement de l’émission, Bruno Gaccio plaide pour une autre solution et propose même, dit-il, d’assurer l’intérim de l’animation mais, au mois de septembre 2015, la Grosse Emission démarre avec Belattar en Monsieur Loyal. L’aventure s’achève au mois de janvier 2016 quand Cyril Hanouna, protégé de Vincent Bolloré, le nouveau big boss de Canal+, prend les rênes de l’émission. « Pour moi, il n’était pas question de continuer dans cette configuration, explique Gaccio, mais il m’est revenu d’annoncer à un certain nombre de gens que c’était fini, Belattar compris. Il ne l’a pas supporté, m’a insulté et reproché de ne pas l’avoir soutenu. Ses attitudes de pseudo petite caillera ne m’impressionnent guère mais d’autres, moins blindés, en ont souffert et il faut que ça s’arrête. »

UNE COMÉDIENNE ENTENDUE PAR LA POLICE

Parmi ces « autres », il y a Maud Givert, une jeune comédienne de théâtre et de télévision, pressentie pour l’écriture de chroniques. Les premiers jours, elle aussi tombe sous le charme d’un Belatar enjoué et farceur, tant et si bien qu’elle accepte un jour son invitation à la ramener chez elle. Mise en confiance, Maud Givert se livre et accepte de répondre à des questions intimes. Elle lui révèle ainsi que son père, alcoolique, est décédé quelque temps auparavant, un événement qui l’a fragilisée et qu’elle tente d’oublier dans le travail. Deux semaines avant le lancement, Bruno Gaccio invite l’équipe à un dîner au domicile qu’il partage avec sa compagne Anne-Laure Gruet, elle-même actrice et metteuse en scène. « L’ambiance était chaleureuse,se souvient Maud Givert, on a tous un peu bu, deux, trois verres. Pas Yassine. J’étais vaguement pompette, rien de plus,il a entamé la causette et, à un certain moment, m’a glissé à l’oreille : “Tu sais que tu es excitante quand tu es bourrée.” Je ne m’en suis pas plus formalisée que ça et on en est resté là. »

Mais dès la réunion du lendemain, c’est la douche glacée. « Il ne me regarde pas et ne m’adresse pas la parole, mais déconne avec tout le monde. Même chose, les jours suivants. Devant les autres, il me donne du “Je t’adore Maud”, mais m’exclut peu à peu du groupe, sur lequel il exerce une véritable emprise. J’avais l’impression d’être une merde, je ne comprenais pas son attitude et je l’ai appelé pour crever l’abcès ». La conversation finit de l’assommer. « Il m’a expliqué qu’il avait un problème avec moi, qu’il ne pouvait pas travailler avec une fille qui buvait et m’a demandé si je voulais finir comme mon père alcoolo… ». Passées les larmes, Maud Givert se remet pourtant à la tâche mais, de plus en plus isolée, elle raconte ses déboires à Bruno Gaccio avant de lui annoncer qu’elle jette l’éponge. « Des semaines plus tard, Bruno m’a téléphoné, un peu désolé. Il a reconnu que j’avais raison sur toute la ligne. Belattar est une personne profondément venimeuse, c’est aussi un manipulateur et les gens ne s’en rendent pas toujours compte immédiatement ».

“J’ai bien eu une courte et traumatisante collaboration avec Yassine Belattar.” Béatrice

A la suite des plaintes déposées par l’ex des Guignols, plusieurs autres comédiennes et animatrices ont été entendues par la police. Contactées par Marianne, certaines ont demandé que leur anonymat soit strictement respecté mais elles nous ont confirmé avoir eu pareillement à subir un comportement brutal et intimidant dans le travail. Sous des prénoms d’emprunt, voici quelques-unes de leur réaction, dûment consignées. Isabelle : « De manière générale, je vous confirme que je ne souhaite pas offrir la moindre seconde de mon cerveau, de mon énergie ni de mon temps à parler de ce triste personnage et n’ai aucunement envie d’être associée de près ou de loin à son nom ». Florence :« J’estime que j’ai fait ce que j’avais à faire pour aider les victimes passées et futures et je ne veux plus en parler ni ruminer ni y penser. J’attends les conséquences des plaintes. Yassine Belattar est un homme imprévisible et méchant, je ne veux pas pour l’instant en dire et en faire davantage ». Béatrice : « J’ai bien eu une courte et traumatisante collaboration avec Yassine Belattar ».

D’autres témoignages recueillis par les services du commissariat du 5èmedans le cadre d’une enquête préliminaire vont dans le même sens. D’après nos informations, l’un d’entre eux émane d’un ancien proche, et porterait aussi sur des menaces de mort. Il serait accompagné d’un enregistrement établissant la matérialité des faits.

Yassine Belattar également attaqué pour “harcèlement moral au travail”

Bruno Gaccio n’est pas seul à avoir déposé plainte contre Yassine Belattar. Si nombre des personnes entendues n’ont pas osé ou voulu franchir ce pas, Jessie Claire, une jeune animatrice de radio et télévision, s’y est résolue. Pour « harcèlement moral au travail. » Bien avant d’être recrutée sur la tranche musicale (l’émission « Top Streaming ») de la chaîne CStar ou, épisodiquement, dans l’équipe de « Touche pas à mon poste » sur C8, à l’été 2015, cette ancienne étudiante en communication et publicité, passée par le Studio Ecole de France à Paris, cherche du travail. Un soir du mois de juillet, des amis humoristes lui proposent de se joindre à un dîner dans une brasserie, en compagnie de Yassine Belattar, lequel cherche à l’époque une co-animatrice pour son émission sur Radio-Nova. « Nova, c’est une radio que j’adulais depuis des années, a expliqué Jessie Claire à MarianneEt Bellattar était une personne dont j’admirais le talent et respectais les engagements, contre le racisme notamment, que je croyais sincères. J’avais trouvé son spectacle éloquent et bien interprété, il y parlait, entre autres, de sa femme, de ses enfants et de son vécu avec cœur et passion ». Elle lui soumet donc sa candidature et, ne voyant rien venir les jours suivants, le relance sur Facebook.

C’est le début d’une dizaine de jours d’échanges incessants via la messagerie privée de Facebook, des SMS ou des appels téléphoniques. « Ma pire expérience de harcèlement professionnel à ce jour, dit-elle, même si, comme de nombreuses femmes, j’avais déjà été confrontée à des avances et des comportements déplacés ». Apparemment peu convaincu par leur premier contact à la brasserie, Belattar lui demande de se « livrer plus », arguant qu’il privilégie « l’humain », le « temps passé » plutôt que les titres sur des C.V. Jessie connaît la réputation « cynique et provoc’ » de son interlocuteur et, ajoute-t-elle, « il faut l’avouer : le monde des médias est un milieu à part ». Elle accepte donc de rentrer dans le jeu, persuadée au début que l’humoriste cherche juste à tester sa « résistance » aux vannes et le sens de la répartie dont elle devra faire preuve pendant l’émission. « Dans ma tête, nous étions toujours dans une procédure d’embauche, je ne voulais pas croire qu’il était malsain, même si aujourd’hui quand je relis ses mots, je me demande comment j’ai pu tolérer aussi longtemps ses attaques ».

“Ça va la grosse”

Très vite, selon elle, les échanges dérapent sur un registre très intime. Belattar, assure Jessie, l’appelle ou lui envoie des SMS à toute heure, même au milieu de la nuit et éventuellement plusieurs fois par jour. Ayant perdu son portable de l’époque, elle n’en a pas gardé trace mais a remis en revanche aux policiers leurs conversations sur la messagerie de Facebook. Elles sont édifiantes. Belattar emploie ainsi régulièrement des qualificatifs désobligeants : « madame not sexy », « la coincée à deux balles »« la nonne », « ça va la grosse ». Il la rabaisse systématiquement : « Tu n’es pas drôle en fait »« tes jugements sont limités »« tes limites sont incompréhensibles »« vraiment grande gueule »« petite joueuse va »« t’es nulle en provoc .». Arrivent les questions privées. « T’as quelqu’un ? », « tu frappes tes mecs ? ». Jessie Claire fait l’erreur de répondre du tac au tac à ce qu’elle prend encore pour du bizutage un peu lourd : « Je déteste la violence. Et toi tu frappes ta femme, je te retourne la question ? ». Belattar : « Non, je ne frappe personne ». « Mais je suis violent ».

A en croire la jeune femme, au téléphone, il l’invite à détailler ses goûts sexuels. Un des échanges Facebook montre qu’il est dans ce registre. « Tu dois avoir des copines folles et marrantes (…) Présente moi les plus barrées. Celles qui foncent (…) Tu nous fileras les michtos (terme d’argot désignant des femmes intéressées par l’argent, ndlr) ». De guerre lasse, et après avoir maintes fois tenté de ramener l’humoriste sur le sujet initial de son éventuelle embauche, elle tente à nouveau d’obtenir un rendez-vous. Yassine Belattar semble céder, suggère qu’il se fasse à minuit et lui demande son adresse personnelle. Elle lui propose plutôt le métro Commerce, dans le 15ème arrondissement de Paris. Il ne dit ni oui, ni non, mais : « Tu as donc trouver un adversaire à ta taille, Jessie tu craqueras la première » avant de lâcher un « Moche cette fin ». Il n’y aura évidemment pas de rendez-vous. Après deux semaines qui l’ont laissée « usée » et « salie de [s’être] livrée autant à cet usurpateur », Jessie Claire lui envoie un dernier SMS pour lui dire le fond de sa pensée, en particulier sur ses allusions salaces. La réponse viendra sur Facebook, illustrant, dit-elle, « la psychologie inversée dont Belattar se sert pour déstabiliser les gens » : « Tu parles à qui comme ça. Tu mesures qui tu es et ce que tu fais. Tu crois vraiment que mes plans étaient ceux-là ? Mais tu te prends pour qui ? Pour quoi ? (…) Si tu oses encore prétendre que j’attendais du physique avec toi ça m’énervera d’autant plus. (…) Et arrête de tout ramener au cul ».

Aujourd’hui, Jessie Claire s’interroge sur la suite de sa carrière et envisage un départ momentané hors de France. Quand elle a crée un groupe Facebook pour relater son expérience malheureuse, nombre de ses amies lui ont conseillé de se faire discrète. Mais, conclut-elle, « l’idée qu’il puisse continuer à infliger sa perversion en usant de son pouvoir hiérarchique sur d’autres femmes m’est insupportable ».

BELATTAR SURFE SUR LE COMMUNAUTARISME

Fin 2017, le 15 décembre très exactement, Marianne avait publié un article très critique, d’aucuns diront à charge, le concernant. Sa réaction sur Facebook fut cinglante et, comme toujours, un brin menaçante : « Chers amis racistes. Vous voulez ruiner ma carrière, me faire passer pour ce que je n’ai jamais été, faire de moi votre nouveau Dieudonné… Pour faire une guerre il faut être deux, mais sachez que j’ai une putain d’armée… Elle est métissée et il y a de tout… Il y a des limites à ne pas franchir. Vous allez perdre, ce n’est pas une menace mais une promesse. PS: je ne craquerai pas ». Si la rédaction de Marianne n’a pas eu depuis à affronter la « putain d’armée » en question, Belattar a persisté dans ce qui semble être son mode de communication préféré avec quiconque ose s’opposer ou simplement lui déplaît, pour une raison ou une autre. Ses démêlés avec le journaliste du Figaro Alexandre Devecchio et l’ancienne compagne de celui-ci, la journaliste Noemie Halioua, tous deux l’accusant de les avoir menacés « d’égorgement » lors d’une dispute – ce qu’il nie – ont agité la Toile en mars 2018.

Nombre de ceux qui considèrent que la critique de l’islam est légitime ont appris à leurs dépens ce qu’il en coûte d’entrer dans la ligne de mire de « l’Ingérable » (le titre de son spectacle) pour qui tout cela n’est que racisme. Après des critiques virulentes contre lui, postées sur Facebook, Albert Chennouf-Meyer, le père d’un militaire exécuté par le terroriste Mohamed Merah en 2012 à Montauban, a eu droit à une mise en garde qu’il n’a toujours pas digérée. En avril dernier, le joignant à quatre reprises via Messenger, Belattar lui aurait lancé : « L’islamophobie est un délit et vous risquez de le payer très cher ! ». Avant d’ajouter : « Vous avez perdu un fils tué par un terroriste. Il y a des milliers d’autres jeunes qui meurent et pourtant on n’en parle pas ! ».Les avocats d’Albert Chennouf-Meyer ont alors adressé une lettre de protestation au président de la République, dont Belattar est proche, dans laquelle ils s’inquiétaient « d’un double discours particulièrement intimidant ». Courrier resté à ce jour sans réponse.

Dans l’article de Marianne de décembre 2017, nous évoquions aussi les messages injurieux et belliqueux adressés à Amine el-Khatmi, le président du Printemps républicain, d’origine marocaine et conseiller municipal à la mairie d’Avignon. « Je te connais, Amine. Tu crois que le roi [du Maroc]cautionne le comportement d’humiliation qui est le tien vis-à-vis des musulmans ? Aaah ». « Même au Maroc ils sont au courant de ce que tu fais ». Le tout clos par un « Amine, t’es foutu » et « Tu vas en chier grave ». Membre lui aussi du Printemps républicain, et ancien délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme de 2015 à 2017, Gilles Clavreul eu droit à la qualification de « colon». Nassim Seddiki, membre du bureau fédéral du Parti socialiste de Paris, de « tocard » puis de « rebeu inutile ». Manuel Valls ?Un « Premier ministre sordide » qui serait moins français que lui. Thierry Ardisson ? « Une chemise brune » (sous-entendu, un nazi). Co-fondatrice de Viv(r)e la République, l’enseignante et essayiste Fatiha Boudjahlat a, elle aussi, eu maintes fois maille à partir avec lui. Elle n’accorde néanmoins aucun crédit à ses positions en faveur des « quartiers », de la « diversité » ou du respect de l’islam. « C’est du vent. Il ne faut pas le combattre pour ce qu’il n’est pas. Ses flirts avec le CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France, association proche des Frères musulmans dont Yassine Belattar présenta le gala en 2015, ndlr), Tariq Ramadan ou divers représentants des Frères musulmans relèvent avant tout de l’opportunisme d’un type qui roule pour lui. Belattar n’est pas un islamiste. Je ne sais même pas s’il est croyant. C’est un entrepreneur identitaire, un fou de pouvoir qui surfe sur la vague communautariste pour arriver à ses fins. Il ne représente que lui-même ».

MACRON S’ÉPREND DE BELATTAR

Malgré ce lourd passif, en mars 2018, Emmanuel Macron lui fait part de son intention de le nommer parmi les 25 membres du Conseil présidentiel des villes, organisme destiné à alimenter sa réflexion sur les quartiers prioritaires. La nomination sera effective deux mois plus tard. Les deux hommes se sont connus pendant la campagne, par l’intermédiaire de Julien Denormandie, futur secrétaire d’Etat puis ministre chargé de la Ville et du Logement. Un ami, un « vrai » pour l’humoriste si décrié. Ceux qui, dans l’entourage présidentiel ou au sein de la République en marche, se montrent sceptiques sur les compétences ès banlieues d’un Bellatar qui passe une bonne partie de son temps dans le très tendance« So-Pi » (South-Pigalle), comprendront plus tard son « utilité », voire son influence réelle sur les choix présidentiels en la matière. Au moment où Belattar intègre le Conseil, à la demande du chef de l’Etat, l’ancien ministre centriste Jean-Louis Borloo, assisté de quelques fidèles, planche depuis des mois sur un « plan banlieue » intitulé « Vivre ensemble, vivre en grand. Pour une réconciliation nationale ». Remis à Edouard Philippe fin avril, le document final fait 164 pages, regorge de propositions concrètes et bénéficie du soutien de nombreux élus, présidents de régions, dirigeants d’agglomérations, d’écrivains et d’artistes.

La suite a été racontée dans une enquête fort documentée par notre consœur Marie-France Etchegoin, de Vanity Fair. Le 22 mai, lors d’une sorte de happening géant organisé dans la salle des fêtes de l’Elysée où plusieurs centaines d’habitants des quartiers ont été conviés, Emmanuel Macron « doit rendre son verdict. » En quelques phrases cruelles, le président atomise des mois de travail. « Quelque part ça n’aurait aucun sens que deux mâles blancs, ne vivant pas dans ces quartiers, se disent l’un et l’autre : “On m’a remis un plan. Je l’ai découvert”. Ce n’est pas vrai. Ça ne marche plus comme ça ».Borloo est effondré.Les « mâles blancs » (de « plus de soixante ans ») est une expression chère à Belattar. « Ils sont la clé du problème aujourd’hui », aime à répéter l’humoriste tout en récusant être le moins du monde « racialiste ». Ce 22 mai, il anime la cérémonie à l’Elysée et jubile. Depuis des semaines, comme le détaille Marie-France Etchegoin, il s’emploie à contourner l’initiative de Borloo au profit d’un discours supposément plus audible par les « vrais gens » des quartiers où il a grandi mais ne vit plus : « L’État n’est pas un guichet automatique. Il a déjà déversé des centaines de milliards d’euros depuis quarante ans… Ce qui marche en banlieue, c’est le libéralisme. L’argent n’est pas raciste. Regardez, Uber… ». Peut-être a-t-il lui-même un plan bis à proposer à des mairies ? En tout cas, pour l’entourage de Boorlo, cité dans Vanity Fair, la cause est entendue : Macron a « préféré complaire aux communautaristes pour mieux faire oublier l’enterrement d’un plan de bataille qu’il a lui-même promis ».

“Contrairement à lui, je n’aime pas le conflit permanent”

Fort du soutien de ce dernier – son « frère », comme il l’appelle – Bellatar, lui, se sent pousser des ailes et ne rate jamais une occasion de peaufiner son statut de chantre de l’anti-racisme, prêt à dégainer à la seconde contre les « populistes » et les « islamophobes » de tout poil. Quand Decathlon, sous la pression de critiques émanant d’horizons très divers, décide de retirer de la vente son « running hijab », il appelle à un « rassemblement de la dignité », place de la République à Paris. Eric Zemmour est-il annoncé sur LCI qu’il décide avec fracas de quitter la chaîne et suggère aux gens des « quartiers populaires » le boycott de la redevance télévisuelle « si les choses n’évoluent pas». A l’occasion du conflit qui l’oppose à Fatiha Boudjahlat, sur le même ton comminatoire, il a promis de harceler les services de l’Education nationale… tant que l’enseignante conserverait son poste. Enfin, à la suite d’un tweet injurieux du directeur marketing de Nocibé, Alain Bizeul, le traitant de « pourriture d’islamiste », il réclame indirectement son licenciement faute de quoi, dans ce cas aussi, la marque de cosmétique est menacée de boycott « tant qu’il sera chez vous ».

Parallèlement à cette activité de coupeur de têtes qui ne lui reviennent pas, Yassine Belattar a des tas de projets apparemment plus sympathiques et créateur d’emplois. Aux journalistes du Point qui l’interrogent longuement en janvier dernier, il confie ainsi son intention de transformer Pigalle et ses sex-shops en nouveau Broadway. « J’ai le théâtre de Dix-Heures. Je veux rénover le quartier comme il a pu l’être il y a un siècle ». En réalité, il ne possède pas le moins du monde cette salle historique ouverte en 1890 mais simplement une participation très minoritaire, comme nous l’a confirmé Roméo Cirone, le principal propriétaire et gérant de la société d’exploitation depuis 2015. « Belattar est juste associé. Il voudrait certes acheter le théâtre, d’autant que je veux m’en défaire, ayant d’autres activités prenantes, mais n’a pas été en mesure jusqu’alors de présenter une offre financière sérieuse ». La négociation continue mais comme tant d’autres, Roméo Cirone, qui a été pareillement auditionné par les policiers du 5ème, entretient des relations compliquées avec l’humoriste. « Je ne peux pas nier que nos rapports sont très tendus car contrairement à lui, je n’aime pas le conflit permanent. Disons qu’il a des hauts et des bas… ». Sous le couvert de l’anonymat, des employés du théâtre évoquent « un type qui gueule beaucoup et dont on redoute les esclandres ». Certains ne se laissent pas faireCe serait, selon nos informations, le cas d’un technicien avec lequel Belattar a eu de sérieuses prises de bec. « Entre eux, cela a faillit mal tourner », témoigne une des comédiennes entendues. Il reviendra à la justice de décider si ces faits relèvent du « harcèlement au travail » ou juste du caractère impétueux d’un garçon qui prétend incarner le « vivre ensemble… ».

(1)
Collectif contre l’islamophobie en France, association proche des Frères musulmans dont Yassine Belattar présenta le gala en 2015

Belattar nous répond

Dire que Yassine Belattar tombe des nues quand on l’appelle pour évoquer les plaintes déposées contre lui serait mentir. Manifestement, l’humoriste est depuis un certain temps au courant des faits qui lui sont reprochés par Jessie Claire et Bruno Gaccio et il s’apprête d’ailleurs à être convoqué par la police. Pour tout nier en bloc. Le harcèlement professionnel. Les menaces de mort.
Dans le premier cas, c’est la nature même de la plainte qu’il conteste.

« Pour qu’il y ait harcèlement professionnel, faudrait-il encore que j’aie fait travailler cette personne, a-t-il expliqué à Marianne. Or la seule fois où je l’ai rencontrée, c’était dans une brasserie avec des amis, en 2015 effectivement. J’ai trois témoins qui peuvent assurer que tout au long de la soirée, il n’a jamais été question de boulot, de Radio Nova et d’une quelconque embauche. Et si cela avait été le cas, je peux vous assurer que je n’aurais pas donné suite. Devant mes amis, cette Jessie Claire s’est livrée à des allusions sexuelles marquées et, franchement, comment prendre au sérieux quelqu’un comme ça… ». En revanche, l’humoriste admet les échanges Facebook que la jeune animatrice de radio et télévision a remis à la police. « Qu’y trouve-t-on ? De la dragounette entre deux personnes adultes dans un cadre privé. Rien de plus. Vous voulez que j’aille en prison pour ça ?! ».

“Ce sera parole contre parole”

Evoquant le « lourd contentieux » qu’il a avec notre journal, Yassine Belattar annonce qu’il portera plainte contre la jeune femme, lancée, selon lui, dans une « entreprise de destruction » bien tardive : « Pourquoi aujourd’hui, c’est la vraie question ? ».Pour ce qui est de la plainte de Bruno Gaccio, il récuse plus mollement les affirmations de l’ex des Guignols de l’info dont le but serait avant tout de faire le buzz alors que sa notoriété est en baisse. « Il y a entre lui et moi un gros litige et j’ai certainement dû dire que si je le croisais, je me battrais à mort avec lui. Mais sa femme, sa mère, ce sont des conneries ».

Le litige en question est bien celui que Bruno Gaccio a détaillé à Marianne : la préparation de la Grosse Emission sur Comédie+. Mais Belattar inverse les responsabilités : « C’est moi et mon équipe qui avons eu à souffrir de Gaccio, il nous a fait du mal, beaucoup de mal et, là aussi, j’ai des témoins. Par ailleurs, aujourd’hui, il joue les effarouchés mais devrait se souvenir des confidences sur sa vie qu’il nous faisait à l’époque… Ce sera parole contre parole ».

Pour le reste, Yassine Belattar s’insurge contre l’idée que son comportement dans le travail serait répréhensible et puni par la loi. « Si vous faites un article à chaque fois que j’ai un conflit avec quelqu’un, vous n’avez pas fini… Dans 90% des cas, ça se passe bien, dans 10% des cas, on ne s’entend pas. Où est le problème ? ».

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