Publié par Isaac Franco le 26 mars 2019

En voyant les images de la carcasse calcinée du bus détourné dans la région milanaise la semaine dernière par son chauffeur, un citoyen italien de confession musulmane d’origine sénégalaise répondant au nom de Ousseynou Sy, et en écoutant le récit glaçant des adolescents qui ont échappé de justesse à la mort atroce que leur promettait leur bourreau ainsi que les témoignages des carabiniers dont la rapidité d’intervention a fait avorter le sinistre projet, je me suis demandé si cette affaire aurait reçu un traitement plus élaboré si elle avait connu un dénouement tragique.

L’aurait-on traitée avec la même sévérité que celle justement réservée aux terroristes responsables du carnage de Christchurch ou, comme on n’a pas manqué de le suggérer aussitôt après avoir poussé un immense ouf de soulagement et repris ses esprits, l’aurait-on mise sur le compte du désespoir d’un homme qui, tel un Mohamed Merah prétendant venger les “morts de Gaza” en assassinant froidement des enfants dans une cour d’école, voulait, lui, venger la mort des migrants en méditerranée, dont celle -présumée- de trois de ses enfants, par la “faute de Di Maio et Salvini”, soit les deux vice-premiers ministres du gouvernement italien?

Aurait-on méprisé la ligne de défense de l’avocat du terroriste qui aurait voulu “faire un geste éclatant pour attirer l’attention sur les conséquences des politiques migratoires”? Ou l’aurait-on validée avec l’OnorevoleLivia Turco, membre du Parti communiste puis du Parti Démocrate italien, plusieurs fois ministre dans les gouvernements du centriste Romano Prodi et du socialiste Massimo D’Alema, qui dira sans honte “Ce sont des faits qui créent l’angoisse et l’alarme. Il faut condamner l’acte, mais il faut comprendre le geste”?
Comprendre le geste d’un homme qui a froidement prémédité de brûler vif 51 adolescents et de leurs trois accompagnateurs? Imagine-t-on seulement quelqu’un condamner les massacres perpétrés par Anders Breivik, Brenton Tarrant ou Baruch Goldstein, mais oser comprendre leur geste?

Dénoncer la politique migratoire d’un Salvini sottement caricaturé en fils naturel de Mussolini, et prêcher l’ouverture des frontières à tout migrant qui entreprend de la franchir même illégalement donnerait-il le droit de “comprendre” un tel projet mortifère? Qu’il ait avorté par le courage d’un adolescent conjugué au professionnalisme des forces de l’ordre, le crime projeté mais non accompli de Milan serait-il moins grave que ceux, hélas menés à leur terme, d’Utoya, Christchurch ou Hébron?
Serait-ce que le malheur du Migrant privé de Terre promise européenne l’emporte sur le sacrifice programmé d’enfants coupables du privilège d’y être nés? Ou serait-ce qu’il faut à tout prix éviter de faire passer l’envie des Européens les plus généreusement disposés à ouvrir grandes leurs portes à tous les damnés de la mer même quand, à l’instar d’Ousseynou Sy, ils viennent de l’un des pays les plus stables et prospères d’Afrique?

Existerait-il des causes dont on comprendrait jusqu’aux dérives les plus terrifiantes, et d’autres qui condamnent sans recours à la mort sociale tout celui qui s’y risquerait? Le terrorisme humanitaire serait-il devenu le corollaire des grandes causes humanitaires, condamnable certes, mais compréhensible? Après Milan et l’holocauste dûment programmé d’enfants pour cause de dénonciation d’une politique d’immigration que l’on réprouve, comprendra-t-on aussi celui qui, demain, viserait dans nos rues les climato-sceptiques, les conservateurs, les souverainistes ou, pire encore, les sionistes? Se trouvera-t-il là aussi l’un ou l’autre crétin du Camp du Bien, y aura-t-il là aussi de ces imbéciles prétentieusement assis du bon côté de l’Histoire, pour “condamner l’acte mais comprendre le geste” sans devoir en rendre compte?
Y a-t-il en somme des causes au nom desquelles tout est permis ou compréhensible, et d’autres qui obligent à raser les murs sauf à risquer l’excommunication sociale ou la mort physique?
Et sans aller jusqu’au meurtre, aurait-on toléré avec la même bonhomie que l’on bloquât en toute illégalité la rue de la Loi à Bruxelles si les 300 excités enchaînés à des grilles ou à d’énormes fûts dénonçaient, non comme hier l’inaction du gouvernement pour “Sauver la planète”, mais l’insécurité et les ratés du vivre-ensemble?

Est-ce à cette aune que l’on mesure le temps vraiment chiche que nos rédactions ont consacré à cette horrible projet d’assassinat collectif de collégiens conçu par un homme en apparence parfaitement intégré après avoir débarqué en Italie de son Sénégal natal en 2004, ou est-ce parce qu’il a échoué et que le consommateur d’informations se repaît seulement du sang qui a coulé? Mais, question, le navire norvégien Viking Sky a-t-il sombré pour que chaque bulletin d’information nous rende compte depuis vendredi du cauchemar vécu par ses passagers heureusement tous sains et saufs? Les images de meubles devenus projectiles dans les salons du bateau seraient-elles plus “spectaculaires” que celles d’un bus en marche devenu torche géante des fenêtres duquel se sauvent en hurlant des grappes d’adolescents terrorisés?

Est-ce parce que le terroriste qui a tiré sur les passagers d’un tram à Amsterdam n’était pas un autochtone et qu’il risquait de distraire des commémorations des victimes de Christchurch qu’on est si vite passé à autre chose et qu’on s’est si longuement interrogé sur le point de savoir si son forfait relevait du terrorisme islamique plutôt que du drame familial?

Est-ce parce que seuls les crimes qui visent des minorités visibles méritent qu’on les dénonce comme hier dans la Marche contre le racisme à Bruxelles, qu’on ne dit rien ou presque de la douzaine d’églises vandalisées en une semaine en France, de l’église Saint-Sulpice à Paris, à l’église de Notre-Dame des Enfants à Nîmes, en passant par l’église de Notre-Dame à Dijon, celle de Lavaur dans le Tarn ou celle de Maisons-Laffitte?

Est-ce encore parce que la réunion toute confraternelle de représentants du néonazisme européen et ceux du Hezbollah à Beyrouth illustrait la collusion aveuglante entre le suprématisme blanc et celui musulman et leur communion satisfaite dans une même haine des Juifs, qu’on n’a pas jugé bon d’en rendre compte sur nos grandes chaînes d’information?

Est-ce enfin parce que, outre son indéniable talent, Michael Jackson n’était ni blanc, ni noir, ni tout à fait homme, ni tout à fait femme mais légèrement homosexuel, en somme une représentation idéalisée de l’homme affranchi de ce qui le définit en naissant, que ses crimes de pédophilie peuvent être impunément relativisés? Dans la bouche de la non moins talentueuse Barbra Streisand, ça donne ceci: “Ses besoins sexuels étaient ce qu’ils étaient, que ce soit à cause de son enfance ou de son ADN” ou encore, “Vous pouvez utiliser le terme d’agression sexuelle, mais ces enfants étaient ravis d’être avec lui”, et surtout “Aujourd’hui, ses deux accusateurs sont tous deux mariés et ont des enfants, donc ça ne les a pas tués”!
Que des propos aussi grotesques n’aient pas suscité une égale réprobation à celle justement réservée à l’omerta de l’église pour de mêmes faits, et ne condamnent pas incontinent son auteur à s’exiler sur une autre planète, achèvent de rendre compte de la vérité de ce temps mauvais et de témoigner que “Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir”…

Isaac Franco, Chroniqueur à Radio Judaïca Bruxelles

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