Publié par Manuel Gomez le 5 avril 2019

Madame, on peut être historienne et avoir sa propre version de l’Histoire mais cela n’autorise pas des contre-vérités flagrantes.

Non satisfaite de commenter sur les indigènes de religion musulmane, vous vous permettez d’interpréter la pensée des juifs, ce qui, tout de même, peut paraître quelque peu prétentieux.

Vous signalez une «inégalité codifiée mais pas d’apartheid entre Algériens musulmans, mais aussi juifs, avant qu’ils ne deviennent français par le décret Crémieux, en 1870 car, jusqu’à cette date, ils étaient aussi des indigènes».

Puis-je vous rappeler que justement, avant ce décret Crémieux, existait la même «inégalité codifiée» entre les indigènes musulmans et les indigènes juifs, qui vivaient sous votre domination, considérés comme des individus de second ordre, une sous-catégorie de population, bien plus violentée que ne l’ont jamais été, en temps normal, les indigènes musulmans sous la domination française.

Ces indigènes musulmans se sont sentis alors humiliés parce qu’ils considéraient comme une discrimination que les juifs deviennent citoyens français, et pas eux.

Vous affirmez que les juifs algériens ont été francisés, par le décret Crémieux, sans qu’on leur ait demandé leur avis et, que par la suite, le processus de francisation mis en place les a séparés de la population musulmane algérienne.

Je vous signale que pas un seul juif a refusé «de devenir Français», puis de se franciser et de devenir l’égal de celui que vous nommez «le colon».

Tous ont parfaitement compris que la séparation entre leur religion et la République qu’on leur offrait était indispensable.

Les indigènes de religion musulmane avaient la même possibilité d’accession à la nationalité française par ce décret Crémieux.

Les deux millions d’indigènes musulmans qui peuplaient l’Algérie de l’époque auraient également pu devenir citoyens français, tout comme les juifs, seuls quelques milliers en ont fait la demande, il est vrai assez mal informés dans le bled par les fonctionnaires français mais, surtout, empêchés d’y accéder par les imams qui les «terrorisaient» en leur faisant croire qu’ils allaient devoir obligatoirement abandonner leur religion et se convertir.

La «francisation» qui, dîtes-vous, a bien fait son travail, puisque les juifs se sont sentis Français, n’aurait-elle pas fait également «son travail» si les deux millions d’indigènes musulmans étaient devenus citoyens français ?

Vous observez que la France refuse de voir et de reconnaître qu’elle a accepté un statut secondaire aux Algériens, qu’elle a ainsi dérogé aux principes de «Liberté-Egalité-Fraternité» en imposant un système à deux vitesses profondément inégalitaire.

Ce système n’aurait pas existé si les indigènes musulmans avaient suivi l’exemple des juifs mais aurait-ce été une bonne chose que ces deux millions deviennent alors Français ? Cela est une autre histoire !

Vous affirmez que sous le régime de Vichy l’annulation du décret Crémieux a produit un véritable choc sur les juifs d’Algérie et que cela explique que quelques juifs ont participé à la lutte pour l’indépendance, contre la France. Ce n’est pas parce qu’ils étaient juifs qu’ils ont aidé physiquement et financièrement le FLN, mais parce qu’ils étaient communistes, comme d’autres communistes bien plus nombreux et non juifs.

Vous expliquez que les indigènes servaient de main-d’œuvre aux Européens et vous citez l’exemple des «Fatmas» qui étaient les domestiques des Européens.

Dois-je vous rappeler que les indigènes musulmans refusaient obstinément l’enseignement pour leurs filles, qui n’avaient pas besoin d’être instruites ?

Dans ces conditions elles ne pouvaient qu’être des domestiques, aussi bien dans leur communauté que chez les Européens et c’était le cas identique en France métropolitaine, ne vous en déplaise : les filles non instruites ne pouvaient que devenir «femmes de ménage» ou ouvrières.

Jamais un indigène musulman, qu’il soit femme ou homme, n’a été empêché d’accéder à une catégorie supérieure que lui autorisaient son éducation et son instruction. Des milliers d’exemples le prouvent, fort heureusement car ce serait faire injure à toutes celles et tous ceux qui ont écrit les plus belles pages de l’Algérie, hommes politiques, écrivains, professions libérales, médecins, etc.

Le sujet ou vraiment vous vous égarez totalement est celui de la possession des terres : «Les hommes, dîtes-vous, sont des ouvriers agricoles dans les terres qui leur appartenaient autrefois et dont la propriété leur a été confisquée».

Cela est absolument faux.

Dès l’occupation du territoire maghrébin, qui n’était pas encore l’Algérie, la France a récupéré les terres qui appartenaient à l’ancienne souveraineté ottomane, et non pas au peuple arabe, soit environ un million d’hectares en butin de guerre incorporé dans le domaine français.

Ils seront répartis entre des grandes sociétés agricoles, créées pour l’occasion, et les petits colons.

Ces terres n’étaient pas affectées gratuitement à ces premiers colons, qu’ils soient civils, officiers, sous-officiers ou soldats, mais selon une sorte de leasing qui stipulait : vous avez entre 5 et 10 ans pour exploiter votre lot et y bâtir votre maison. Ce n’est qu’alors qu’ils en recevaient le titre de propriété définitif.

Les autres terres dans de très vastes régions n’appartenaient à personne, ni aux ottomans, ni aux Arabes. Les terres déjà exploitées par les autochtones (Arabes) n’étaient pas saisies, ce n’était pas nécessaire tant le territoire était vaste.

Ce n’est qu’après la révolte des Mokranis, en 1871, qui avait soulevé 254 tribus indigènes, près d’un tiers de la population d’Algérie, que de nombreuses et importantes confiscations de terres, appartenant aux révoltés, se sont produites.

Je ne m’étonne guère, à la lecture de l’histoire algérienne que vous racontez, que la jeunesse algérienne soit tellement «braquée» contre l’ex-colonisateur : «Un système de domination extrêmement violent, des Algériens harcelés, violentés, dépossédés, tués, violés… et quoi d’autre encore ?

On peut même se demander comment elle a le courage de venir s’installer, par centaines de milliers, chez celui qui l’a tellement martyrisée.

Fort heureusement des Algériens, hommes politiques et écrivains lucides et objectifs, témoignent d’une autre «Histoire» autrement plus véridique mais qui, hélas, ne parvient pas jusqu’aux oreilles de votre jeunesse, totalement désinformée, comme l’est d’ailleurs la nôtre également !

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Manuel Gomez pour Dreuz.info.

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