Publié par Abbé Alain René Arbez le 29 mars 2020

En 1902 naît à Jytomir (Ukraine)  Aleksander Glasberg, dans une famille juive pratiquante. A 20 ans, il devient catholique et part pour l’Autriche pour étudier. Dix ans plus tard il arrive en France. Après un temps de réflexion dans un monastère, il se décide à devenir prêtre et poursuit sa formation théologique au Séminaire Universitaire de Lyon.

Cet homme a traversé et participé à sa mesure aux événements majeurs qui ont concerné les juifs au 20e siècle, comme un agent des services de renseignements, doublé d’un diplomate l’aurait fait, alors qu’il était seulement prêtre. Très impressionnant, et émouvant lorsque je songe aux vies qu’il a sauvées.


Par ses actions, il apporte la preuve que le mal existe sans doute possible, et que certains hommes consacrent leur vie à faire le mal tandis que d’autres tentent de le réparer – Jean-Patrick Grumberg.

Alexandre Glasberg a été très marqué par sa grand-mère dans son enfance ukrainienne, et le climat de prière fervente de ses soirées de shabbat. Il aimait s’exprimer en maméloschen (yiddish).

Parmi ses professeurs de théologie, le RP De Lubac, théologien qui contribuera plus au concile Vatican II. Alexandre est ordonné prêtre en 1938, alors que se développe l’antisémitisme en Europe. Il est nommé dans une paroisse des faubourgs les plus pauvres de Lyon. En 1940, le cardinal Gerlier lui confie le rôle de délégué du comité d’aide aux réfugiés. Il mobilise ses efforts pour venir en aide aux étrangers internés dans les 24 camps mis en place par le gouvernement de Vichy. Il estime qu’il ne faut pas se contenter d’envoyer des colis aux internés, il faut agir ! Soutenu par le cardinal, il mène à bien de nombreuses démarches afin d’exfiltrer de plusieurs camps des centaines de réfugiés pour les accueillir dans des centres qu’il a créés dans la Drôme, le Cantal, les Hautes-Alpes et le Gers. Il agit avec l’aide de résistants mais aussi d’éclaireurs israélites.

En 1942, Alexandre Glasberg fonde un groupe de résistance dont le but est d’aider les persécutés du nazisme, en grande majorité des juifs. Sa secrétaire, Ninon Haig, juive alsacienne, le surnomme « le jongleur de Notre Dame » en raison des risques qu’il prend pour faire aboutir ses entreprises et arracher le plus possibles d’adultes et d’enfants à l’engrenage de la déportation. C’est avec ce type d’action osée qu’il parvient à sauver une centaine d’enfants juifs emprisonnés dans le camp de Vénissieux. Il organise régulièrement de fructueux passages en Suisse en passant par la Cure (VD, Hôtel Arbez).

Afin d’éviter qu’il soit repéré comme juif par les Allemands, Mgr Théas, évêque de Montauban le nomme curé à Léribosc (Tarn et Garonne) sous un faux nom : l’abbé Corvin. Car des dénonciateurs avaient averti la Gestapo de ses activités et lorsqu’une troupe de SS était venue pour l’arrêter, c’est son frère, Vila Glasberg qui s’était livré à sa place, avait été arrêté et envoyé à Auschwitz. Durant cette période, l’abbé va prendre une place déterminante dans la Résistance avec une responsabilité au sein du comité départemental de libération présidé par Paul Guiral (Daumier).

En 1944, Alexandre Glasberg fonde un centre d’orientation sociale pour étrangers afin d’aider les survivants des camps de concentration et faciliter la réinsertion des réfugiés. Ses engagements multiples contribueront en 1971 à la création de l’association « France Terre d’asile ».

Aussitôt après la libération, Alexandre Glasberg oriente ses efforts vers la terre d’Israël, et entre 1944 et 1948, il soutient de nombreux juifs qui désirent émigrer. Il joue un rôle dans la finalisation de l’aventure Exodus, en fabriquant de faux papiers pour les passagers, aidé par Rose Warfmann. Il informe l’opinion publique de l’attitude injustifiable des autorités britanniques. Lorsque l’agence juive demande à l’abbé ce qu’il aimerait en guise de remerciement pour son action, il répond qu’il souhaiterait simplement se rendre sur les lieux du ghetto de Varsovie pour honorer la mémoire des résistants juifs.

L’indépendance de l’Etat hébreu est proclamée le 14 mai 1948. Alexandre Glasberg établit des contacts utiles entre les troupes juives situées à Jérusalem-Ouest et Est, grâce à des relais catholiques implantés localement. Par des rencontres avec des dignitaires chrétiens, il facilite les moyens d’action de la Haganah. En 1951, il prend part à l’opération Ezra et Nehemie organisée par le Mossad pour évacuer les juifs irakiens menacés. L’abbé Glasberg réussit à avoir un contact au Vatican pour défendre la légitimité de l’Etat d’Israël, et s’il n’obtient pas la reconnaissance officielle de l’Etat hébreu par Pie XII, il fait en sorte – par l’entremise du cardinal Tardini – que le St Siège ne s’oppose pas à sa création. Ce résultat entraîna un certain nombre d’états à voter en faveur d’un plan de partage de la Palestine.

Par la suite il s’intéresse aux kibboutz et à leur organisation de vie sociale en Israël.

En 2008, à la Primatiale de Lyon, une cérémonie a lieu pour rendre hommage à l’abbé Alexandre Glasberg, en présence de l’archevêque et du président du Crif. M. Prasquier a salué ce juste des nations qui a consacré sa vie au sauvetage périlleux de milliers de juifs fuyant la traque nazie. L’archevêque cite une phrase d’Isaïe pour évoquer la personnalité du prêtre : « Brit am ve or goyim » = « alliance du peuple et lumière des nations » et il ajoute : « l’abbé Glasberg est un très beau fils d’Israël ! ». Une adjointe au maire de confession juive donne alors son témoignage, sa mère ayant été sauvée grâce à l’action de l’abbé.

Ce héros de la résistance a reçu à titre posthume la médaille des Justes et de nombreuses expressions de gratitude de la part des dirigeants de l’Etat d’Israël. A titre posthume, parce que lorsque l’agence juive lui avait demandé s’il voulait recevoir la médaille des justes en reconnaissance de ses actes de bravoure, il avait refusé en expliquant qu’il se considérait non pas comme un gentil, mais comme un juif !

L’abbé Glasberg est décédé sereinement en 1981 dans une maison de retraite pour prêtres.

(Sa biographie a été réalisée par Lucien Lazare, aux éditions du Cerf)

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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