Publié par Gaia - Dreuz le 25 avril 2019

Source : Lacroix

Alors que Petro Porochenko se voulait héros de l’indépendance de l’Église orthodoxe de son pays, l’ancien chef d’État ukrainien a dû s’incliner face à son opposant Volodymyr Zelensky le 21 avril. Une victoire de la star de télévision ukrainienne qui pourrait potentiellement rebattre les cartes dans un paysage orthodoxe très fracturé.

Celui qui avait comparé le « tomos » (1) à un « thermos » pendant un sketch diffusé à la télévision ukrainienne le soir du réveillon ne pourra plus plaisanter au sujet de l’orthodoxie. Le 21 avril, le comédien Volodymyr Zelensky est devenu président de l’Ukraine en infligeant à son prédécesseur Petro Porochenko une défaite cuisante. L’ancien comédien récupère donc le dossier orthodoxe, question brûlante s’il en est.

L’ex chef d’État ukrainien avait fait de la création d’une nouvelle Église orthodoxe le fer de lance de sa campagne fondée sur la souveraineté nationale contre l’ingérence russe. Plus que jamais l’affrontement entre l’Ukraine et la Russie s’était alors transporté dans la sphère religieuse.

Pour rappel, en avril 2018, Petro Porochenko se tourne vers le patriarche de Constantinople, Bartholoméos, plus haute autorité dans l’Église orthodoxe mondiale, pour lui demander d’unifier sous son autorité l’ensemble des Églises du pays en une Église canonique et « autocéphale », c’est-à-dire indépendante. Son objectif : se libérer de la tutelle russe. Le 5 janvier dernier, Bartholomeos accorde le « tomos ». Une décision qui provoque l’ire du Patriarcat de Moscou, auparavant détenteur de la seule Église reconnue canoniquement sur le territoire.

Erreur de diagnostic pour Porochenko

Le candidat Volodymyr Zelensky avait tardé à s’exprimer sur la question orthodoxe tandis que Petro Porochenko avait fait des mots « armée, langue, foi » son slogan de campagne, pour saluer avec ferveur, le 6 janvier, la nomination à la tête de la nouvelle Église ukrainienne du métropolite Iepifani. Après des mois de silence, le 19 avril, pendant un débat diffusé à la télévision, le comédien candidat félicite « les nombreuses réussites » de son opposant en lançant, acide : « Pour le tomos, c’est une victoire pour l’Ukraine, mais il me semble que cette victoire est avant tout celle de Filaret (à la tête de l’ancien Patriarcat de Kiev non reconnu, aujourd’hui fusionné dans la nouvelle Église NDLR), qui a lutté pour l’Église ukrainienne bien avant que vous ne soyez président. En ces temps où vous étiez un paroissien du Patriarcat de Moscou ».

Selon Nicolas Kazarian, chercheur associé à l’Iris, en charge de l’Observatoire géopolitique du religieux, cette défaite nette de Petro Porochenko révèle une erreur stratégique : « Si Porochenko voulait s’approprier l’épisode « tomos » pour se donner un caractère historique, il a perdu. Faire appel aux symboles identitaires, reconstituer une grande histoire nationale sur la base religieuse : sa communication est le fruit d’un mauvais diagnostic dans une Ukraine beaucoup plus sécularisée que ce qu’il ne pensait », décrypte-t-il.

Moscou fait appel à la liberté religieuse pour se maintenir

De son côté, le Patriarcat de Moscou appelle surtout « à faire la promotion de la liberté religieuse en Ukraine pour se garantir une existence. Il veut mettre fin à la domination de cette nouvelle église ukrainienne qui risque d’avaler tout le monde », souligne Nicolas Kazarian.

Une revendication dont s’est emparé le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département pour les relations extérieures du Patriarcat de Moscou. Dans une interview donnée le 13 avril au site de l’Église orthodoxe Russe, il avait déclaré : « « Si Porochenko reste au pouvoir, on peut s’attendre à des persécutions continues contre des millions de croyants orthodoxes en Ukraine. Si l’élection est remportée par un homme qui n’a aucun lien avec l’Église et qui, même dans l’un de ses programmes, se moque du “tomos” en le comparant au thermos, on peut espérer que la persécution contre l’Église s’arrêtera et que l’accord interconfessionnel sera rétabli en Ukraine. » Une distance avec l’Église pour le premier président juif du pays, dont les enfants sont baptisés orthodoxes.

Autre exemple du changement de stratégie moscovite, le Métropolite Onuphre, primat de l’Église orthodoxe ukrainienne rattachée à Moscou, s’est félicité de la victoire du nouveau président en se disant convaincu que son mandat « sera le garant du principe de non-ingérence de l’État dans les affaires de l’Église, ainsi que des droits et des libertés de tous les croyants ».

(1) décret garantissant le caractère canonique de l’Église

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