Publié par Dern le 26 avril 2019

Ubisoft prend ses responsabilités face au drame de Notre Dame. Peut être est-il temps d’arrêter de considérer les jeux vidéo comme un loisir pour mômes.

Après Notre Dame, la responsabilité sociale des jeux vidéo

Les jeux vidéo ont très longtemps été relégués en deux catégories : les idioties pour “jeunes”, ou le Grand Satan responsables de la violence, des mauvaises notes de vos enfants et des retards de bus dans le douzième arrondissement.

Aujourd’hui, le malheur de Notre Dame nous prouve de manière éclatante que les entreprises vidéoludiques ne sont pas simplement un ramassis de geeks malaimable codant pour des jeunes en perdition, mais bien un acteur à part entière de la société civile.

Ubisoft s’engage

Le terrible drame de Notre Dame du 15 avril dernier venait à peine de se produire, que la course aux dons fut lancée. Le choc des images a donné naissance à des élans de générosité de la société civile et d’acteurs importants de la vie française et internationale. Un de ces acteurs n’est rien de moins que le célébrissime studio Ubisoft, producteur de jeux vidéo français qui nous a donné Far Cry, Anno, Assassin’s Creed…  Et sa contribution la plus importante n’est même pas la jolie enveloppe d’un demi million qu’il vient de délivrer à la cagnotte collective.

Ubisoft est le créateur de la licence Assassin’s Creed ; vous y incarnez un homme revivant les expériences de ses ancêtres à l’aide d’une matrice virtuelle.

Aussi, le scénario du jeu se déroule dans le passé : la Grèce antique, l’époque des templiers, l’Egypte ancienne, la Révolution… C’est dans ce dernier setting que réside toute la valeur ajoutée du jeu concernant Notre Dame. En effet, le soucis du détail du studio de production Ubisoft pourrait bien sauver la cathédrale des ignominies que l’on veut lui infliger.

Afin de rendre le réalisme historique au maximum, Ubisoft a en effet travaillé pendant deux ans en collaboration avec des architectes et des historiens pour rendre une version 3D jouable de la cathédrale Notre Dame. En somme, des plans précis à la pierre de taille près de Notre Dame telle qu’elle était avant l’incendie. Ces plans sont d’une immense valeur pour la reconstruction du bâtiment à l’identique, et pourraient faire gagner deux années complètes au chantier de réhabilitation de l’édifice.

Par cet acte, le jeu vidéo s’ancre d’un pas de plus comme acteur incontournable de la vie sociale de la France. Après tout, ce n’est pas comme s’il était déjà la première industrie d’entertainment du pays. 

Meuporg

Mais de cela, les médias traditionnels ne semblent guère se soucier. Quoi de plus amusant que de se moquer des joueurs ou du e-sport après les avoir soupçonnés d’être à l’origine de violences comme les tueries de masse ?

Nathanaël de Rincquesen, alias Meurporg 1er, s’était illustré dans le domaine avec une interprétation libre (et une légère commotion labiale) lorsqu’il avait tenté d’expliquer à télématin ce qu’est un MMORPG, alia jeu de roles massivement multijoueurs. Le “journaliste” avait certifié que MMORPG se prononçait Meuporg, s’écrivait MMMPORPG et que les jeunes qui s’en “goinfrent” deviennent accrocs. Si ce n’est pour la plaisanterie, ce manque total de préparation dénote le cruel manque de connaissance et de considération de la part des médias traditionnels. Il fut l’objet de croustillants détournements et un épisode entier de la série Wakfu lui fut même consacré.

Plus Belle la Vie avait récidivé en août 2010 avec son tout aussi créatif “morpeug”.

Je vois des joueurs partout…

Comme autre exemple plus confidentiel mais non moins stupide, on retrouve un Antoine de Caunes, déclamant avec une bonhomie un rien arrogante (ou plutôt une arrogance assez peu bonhomme) les match de e-sport commentés sur Twitch en ces termes :

“– Mathilde Serrell (chroniqueuse) : On connaissait l’addiction aux jeux vidéo, maintenant il y a l’addiction aux vidéos de gens qui jouent aux jeux vidéo. (… ) C’est presque un sous-genre comique. (…)

– Antoine de Caunes : Il y a donc des gens qui regardent d’autres gens en train de jouer… Faut vraiment avoir rien d’autre à foutre de sa vie.

– Voilà. Ou avoir envie de passer des niveaux à Pokémon.

– C’est une désolation totale ce que vous me racontez Mathilde.

– C’est le monde en 2014.

– Je n’en veux pas de ce monde!”

Ne vous en faites pas, nous n’insistons pas pour que vous veniez dans notre monde non plus, si ça peut aider. Nous sommes polis, nous autres comiques.

Responsabilisons-nous !

Cette déconsidération vient du média lui-même. On a en effet du mal à considérer ce qui vient d’un écran comme aussi respectable que ce qui vient du papier. Chaque support médiatique devient respectable a posteriori : les journaux plus que la radio, la radio plus que la télé, la télé plus que l’ordinateur…

Les jeux vidéos, en particulier ceux sur PC (déso pas déso, les Mac ne sont pas faits pour jouer) cumulent la “tare” aux yeux des médias du support et du mot “jeu”.

Peut être avons-nous un élément de réponse à la raison pour laquelle les spécialistes de l’indignation y trouvent un motif d’offense tous les matins. Alors lisez bien ceci : les jeux-vidéo, comme les livres ou les émissions TV, ne sont pas à mettre entre toutes les mains / yeux / tentacules. Il faut se renseigner avant de jouer à Red Dead Redemption où les suffragettes ne sont pas appréciées. Il faut un bon cardio pour tenter Resident Evil, un des jeux les plus effrayants au monde. De la même manière qu’on parcourt la quatrième d’un livre avant de l’offrir à son neveu de trois ans, il est de bon ton de choisir son expérience de jeu au préalable. Les jeux vidéos ne sont pas tous des remake de my Litlle Pony où l’on doit faire des bisous à son voisin et fabriquer des tartes arc-en-ciel. 

Certains jeux, comme produits culturels et acteurs de l’industrie majeurs, prennent toute leur place et leurs responsabilités dans l’espace public, comme on le voit avec le cas Notre Dame. Faisons de même dans notre rapport aux jeux. Le jeu, c’est sérieux.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Dern. Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur (son site)

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