Publié par Gaia - Dreuz le 4 avril 2019

Source : Franceinter

L’ancien responsable adjoint du service des fêtes de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) est jugé à compter du 1er avril devant le tribunal de Bobigny pour trafic de drogue avec plusieurs complices. En novembre 2016, les douaniers avaient saisi 504 kilos de cannabis dans l’enceinte même du centre technique de la mairie.

Cela reste un flagrant délit spectaculaire : le 17 novembre 2016, les douaniers font une descente au garage municipal qui répare les véhicules de la ville de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), près de Paris. Les agents sont là pour une Audi A6, un camion frigorifique et surtout… sa remorque qui reviennent tout juste d’Espagne. Depuis leur planque, avant d’intervenir, les agents observent également la présence suspecte d’un Renault Trafic. Ils sont sur le point de saisir plus de 500 kg de cannabis, dans les bâtiments de la mairie

Des oranges d’Espagne comme couverture  

Tout avait commencé quand un véhicule et une remorque avaient été repérés par un LAPPI, le système automatisé de contrôle des plaques d’immatriculation, aux péages du Sigean et du Perthus, près de la frontière espagnole, quelques mois plus tôt. Après des planques à Gennevilliers, les enquêteurs des douanes réalisent que l’épicentre du trafic a lieu à Saint-Denis et pas n’importe où… dans le centre technique municipal, donc. Ils attendent alors le bon jour : ils savent qu’une Audi, grosse cylindrée, a servi de voiture ouvreuse depuis l’Espagne, suivie d’au moins un camion transportant officiellement des oranges.

Quand les douaniers interceptent les véhicules et leurs chargements dans l’enceinte du centre technique municipal, l’un des suspects présents sur les lieux prend la fuite vers des logements de fonction situés à proximité. Juan, l’un des livreurs, espagnol, ne bouge pas : il déclare ne pas comprendre et montre ses palettes de belles orangesdans la remorque. Une remorque un peu particulière avec un double fond très bien réalisé et trois tiroirs bien chargés que les douaniers découvrent rapidement. 

504 kg de résine de cannabis estimés à 2 millions d’euros à la revente

Les agents récupèrent ainsi 504 kilos de résine de cannabis dans des paquets parfaitement thermo-soudés. Ils portent des mentions caractéristiques des livraisons de cannabis : “Smiex 68, Royal et Aomic 68”. Cette saisie, qui a donc lieu dans les locaux techniques d’une mairie, est estimée à un montant de 2 millions d’euros à la revente.

Trois sachets contenant au total 93 000 euros en liquide sont retrouvés dans le Renault Trafic, les clés sur le tableau de bord. Son propriétaire, Cyril Ferrari, apparaît quelques minutes plus tard. Il affirme qu’il était chez sa cousine qui réside dans les logements de fonction qui jouxtent le centre technique municipal, qu’il n’a rien à voir avec tout cela y compris la somme en liquide récupérée dans sa camionnette. Les douaniers présents sur les lieux sont persuadés que l’homme qui s’est enfui à leur arrivée… est bien cet homme-là.

Poker menteur à Phuket  

C’est l’Office central de répression des trafics de stupéfiants qui poursuit le volet judiciaire. Cyril Ferrari, originaire de Corse, s’était fait contrôler en 2011 au retour d’un séjour en Thaïlande avec des valises remplies de produits de contrefaçon, pour un montant évalué à environ 28 000 euros. Quelques jours plus tard, il s’était fait contrôler devant un bureau de change avec 1 681 000 bath thaïlandais, soit près de 37 000 euros obtenus selon lui lors d’un tournoi de poker à Phuket. Cyril Ferrari avait écopé d’une amende de 5400 euros. 

Lors de l’enquête entamée en 2016, aucun des proches de l’agent du service des fêtes de la mairie de Saint-Denis ne se souvient de ses talents au poker ni même de l’avoir jamais vu jouer. 

En revanche, tout le monde s’accorde sur son goût pour les belles voitures, tel ce 4×4 Mercedes qu’il conduisait régulièrement. Plusieurs grosses cylindrées se trouvaient d’ailleurs dans le garage municipal de Saint-Denis le jour de la descente des douaniers. Or, elles ne faisaient pas partie du parc de cette municipalité à majorité communiste. Ces visiteurs fortunés du garage municipal étaient-ils aussi les clients de Cyril Ferrari ? L’enquête n’a pas établi de lien entre ces véhicules et le trafic de drogue. Ce n’est pas la seule zone d’ombre. Le procès permettra peut-être d’y voir un peu plus clair. 

Pas de lien établi avec la mairie 

Sur le banc des accusés, se retrouveront durant deux jours les membres présumés de cette association de malfaiteurs identifiés par les douaniers à l’issue de “go fast” entre l’Espagne et la France. Personne d’autre, puisque l’enquête n’a pas établi de connexion avec des réseaux mafieux et d’éventuels protecteurs-commanditaires. Ces “go fast ne devaient quand même pas être très rapides avec le camion et sa remorque”, persifle un proche de l’affaire, pointant les nombreuses interrogations en suspens. L’enquête n’a pas non plus permis d’établir de connexion politique au sein de la municipalité

“Personne à la mairie ne pouvait ignorer les activités suspectes de Cyril Ferrari”

Une autre source policière qui connaît bien le personnage central de ce procès rappelle qu’il s’était fait arrêter en 2015 par la brigade anti-criminalité de Saint-Denis avec un kilo de cocaïne ; mais la procédure s’était terminée par un vice de forme. Pour cette source, “personne à la mairie ne pouvait ignorer les activités suspectes de Cyril Ferrari”. Et de raconter comment le cadre du service municipal des fêtes occupait un appartement HLM doté d’équipements haut-de-gamme, où une dizaine de bouteilles de champagne de grande marque ont été découvertes lors de la perquisition. Sa cousine, elle, l’a quelque peu lâché au cours de l’instruction, avouant que le principal prévenu de ce procès n’était finalement pas venu chez elle le soir des faits. 

La marie de Saint-Denis précise à France Inter qu’elle a demandé à trois reprises des rendez-vous au commissariat de la commune pour avoir des détails sur la première affaire de drogue impliquant Cyril Ferrari, sans obtenir la moindre réponse. La mairie explique avoir ensuite réclamé un extrait de casier judiciaire de Cyril Ferrari auprès du parquet et que le document reçu était vierge de toute mention.  

Pour l’heure, Cyril Ferrari persiste à dire qu’il n’est pas le propriétaire de cette cargaison de 504 kilos de cannabis et des 94 000 euros retrouvés dans le Renault Trafic, dont il est bien, pour le coup, le propriétaire. Selon nos informations, l’intéressé a déclaré au juge d’instruction qu’il a été durant de longues années un informateur de la police… Preuve de sa bonne foi ?

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